Impressions des nègres
à la vue d'un navire à vapeur.
à la vue d'un navire à vapeur.
Un jeune lieutenant de vaisseau, M. A. Aymés, a remonté dernièrement, au Gabon, l'Ogoway, où nul bâtiment européen ne l'avait précédé, et il peint avec originalité l'impression que produit un navire à vapeur qui s'avance pour la première fois entre deux rives brillantes d'une végétation exubérante, mais dont aucun habitant n'a vu encore un seul homme appartenant à la race blanche:
"A la vue du Pionnier, cet être fantastique qui siffle, fume, s'agite et s'avance, sans que rien ne paraisse au dehors que des gens inactifs à couleur inconnue, on voit tout d'abord les populations frappées de stupeur. Comme paralysées d'abord par l'épouvante, puis tout à coup folles de terreur, elles disparaissent dans les broussailles. Peu à peu cependant des têtes nombreuses osent s'avancer et risquer un regard à travers le feuillage. Si nous descendons dans un village, à peine avons-nous foulé le sol que tout le monde disparaît à nouveau; mais nous devinons que des regards avides épient nos mouvements. Bientôt rassurés par notre contenance et notre promenade pacifique, les hommes les plus courageux osent se découvrir. Encouragés par nos signes, ils nous accostent, sans toutefois se compromettre. Il en vient alors de tous les buissons d'alentour; la contrainte ne tarde pas à s'envoler. Dès que la contrainte a disparu, on s'approche et l'on nous examine curieusement, souvent même avec indiscrétion. On doit se laisser faire comme une vraie statue, afin de donner à ces sauvages le temps de s'apprivoiser. A un mouvement un peu brusque, souvent involontaire, ils prennent la fuite aussi précipitamment qu'un oiseau qu'on effarouche. Tout est pour eux sujet d'exclamation et de surprise. Ils sont tout étonnés d'avoir là tout près, à la portée de leur toucher, un de ces être chimériques et merveilleux appelés blancs.
Magasin Pittoresque, 1877.
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