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dimanche 11 mai 2014

Toujours la même chose.

Toujours la même chose.

Oui, toujours la même chose, les enfants, charmants et détestables, dignes d'amour, dignes de pitié.  Qu'ils sont heureux et qu'ils sont malheureux! Ils renferment en eux tous les contrastes, leur âme est pure comme des eaux du baptême et pourtant, déjà, la malice humaine y règne; ils sont les tyrans de la maison, gâtés, caressés, choyés; mais l'école, le collège, les examens les attendent, l'insupportable exigence des programmes scolaires les accablera avant peu de temps; ils connaîtront la vie par son côté le plus maussade, et comment, comment, aimables petites mères, les y préparez-vous? En Grèce, les lutteurs préludaient aux jeux du cirque; ils fortifiaient leurs muscles, ils maniaient le ceste et tendaient l'arc, ils s'exerçaient à la course et à la lutte; de nos jours, les maigres et piteux jockeys sont entraînés, comme ils disent, soumis à tout un régime d'abstinence et de fatigants exercices, et de la sorte, préparés à ces grandes courses qui doivent leur valoir un prix et des applaudissements. Mais vos enfants, comment les préparez-vous?
" L'éducation, dit un aimable écrivain, a perdu en France de sa force et de sa fermeté. Jadis, elle fleurissait vigoureusement sur cette terre antique de la politesse; elle y a produit la plus belle société du monde, mais la société bourgeoise a cessé d'être cette excellente éducatrice qui, jadis, formait, dès l'enfance, des hommes capables de tous les emplois et de toutes les charges... Hélas, nous n'avons pas gardé le secret de ce que nos pères appelaient les fortes nourritures. Nous n'élevons pas bien nos enfants. On n'en sera moins surpris qu'affligé, si l'on songe que l'éducation est faite en grande partie de contrainte, qu'il y faut de la fermeté et que c'est ce que nous avons surtout perdu. Nous somme doux, affectueux, tolérants, mais nous ne savons plus ni imposer, ni subir l'obéissance.
Nous renversons tous les jougs. Le mot discipline qui s'appliquait autrefois à la direction de toute la vie, n'est plus aujourd'hui qu'un mot militaire. Dans cet état d'indépendance morale, il est impossible que le développement des facultés de nos enfants soit dirigé avec suite.
Quand on étudie l'éducation des filles sous l'ancien régime, on reconnaît que les plus douces institutrices d'autrefois ne se contentaient pas de se faire aimer et qu'elles voulaient encore être respectées et même parfois redoutées. Les parents s'efforçaient alors de cacher leur tendresse. Ils eussent craint d'amollir leurs enfants en les caressant. L'éducation, selon leur sentiment, était un corset de fer qu'on laçait prudemment, mais de force. Dans les maisons de ces gentilshommes pauvres qui disaient fièrement avoir tout donné au roi, les vertus domestiques étaient encore des vertus militaires. Ils élevaient leurs filles comme des soldats, pour le service de Dieu ou de la famille. Le couvent ou une alliance honorable et profitable, tel était l'avenir. Rien ou presque rien n'était laissé au goût, au sentiment de l'enfant.
                                            Le devoir d'une fille est dans l'obéissance.
Ces hommes d'épées avaient des idées simples, étroites et fortes. Ils y pliaient tout.
Aujourd'hui, nous sommes plus intelligents et plus instruits, nous avons plus de tendresse et de bienveillance. Nous comprenons, nous aimons, nous doutons davantage. Ce qui nous manque, c'est surtout la tradition et l'habitude. En perdant l'antique foi, nous nous somme déshabitués de ce long regard en arrière qu'on appelle le respect. Or, il n'y a pas d'éducation sans respect."
Mes très chères lectrices, je livre à vos méditations ces lignes éloquentes sur l'éducation domestique. Est-ce ainsi que vous l'entendez? Exigez-vous l'obéissance? Est-ce que vous savez vous faire respecter et craindre au besoin? N'êtes-vous pas dominées au contraire? Formez-vous vos fils à une vie sobre et laborieuse? Ne flattez-vous pas le penchant naturel de l'enfant, de l'homme, à la paresse, à la gourmandise, à la vanité? Et faut-il s'étonner que ces bébés adorés reculent devant le travail, échouent aux examens, n'obtiennent de brevet qu'à la vétusté, j'entends que par pitié de leurs maîtres, manquent enfin leur carrière et vous abreuvent de chagrin? Ne les enfouissez pas dans la matière des plaisirs et du bien-être, aimez-les sagement et non follement, ne flattez pas leurs mauvaises inclinations, luttez contre l'instinct maternel, car l'instinct seul ne doit pas conduire un être raisonnable; vous serez plus heureuses et vos fils aussi: ils vous loueront, comme il est écrit dans le portait de la Femme forte, par le sage Salomon.

                                                                                                                             M. B.

Journal des Demoiselles, Janvier 1889.

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