Les médecins en 1650.
... Un gentilhomme nommé Rampale a fait ici des discours académiques, dans lesquels il s'étend fort contre l'inutilité du très grand nombre de gens de lettre dans un Etat, où il n'épargne ni les médecins, ni les autres. J'avoue véritablement qu'en France, il y a trop de prêtres et de moines, et trop de ministres de chicane; j'entends procureurs et sergents de toutes façons. Je ne doute pas que dans la campagne et dans les petites villes, il n'y ait trop de médecins, et iceux même forts ignorants. Dans Amiens, qui est une ville désolée de guerres et de passages d'armées, il y a aujourd'hui vingt médecins.
Mais ce dont il y a trop infailliblement en France, sont des moines et des apothicaires, et qui coupent misérablement la bourse et la gorge à beaucoup de pauvres peuples. En récompense, il est fort peu de bons et sages médecins qui aient été bien instruits et bien conduits; j'en vois même ici qui molunt errare quam docere, combien qu'ils aient de beaux moyens de s'amender. Pour la campagne, elle fourmille de chétifs médecins qui de se nihil nisi magnificie sciunt...
La principale cause de ce malheur est la trop grande facilité des petites universités à faire des docteurs. On baille trop aisément du parchemin pour de l'argent à Angers, à Caen, à Valence, à Aix, à Toulouse, à Avignon; c'est un abus qui mériterait châtiment, puisqu'il redonde au détriment du public; mais de malheur nous ne sommes point en état d'amendement... Peut être que Dieu enfin aura pitié de nous et qu'il les changera.
Lettre de Guy Patin, professeur en médecine
au Collège Royal de Paris (1642 à 1658)
Magasin Pittoresque, 1838.
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