La hollande: habitations et costumes.
L'occupation assez longue des Pays-Bas par les Espagnols, les relations fréquentes des Hollandais avec la Chine et le Japon ont exercé une grande influence sur l'aspect extérieur de la Hollande; à proprement dire, elle n'a pas une physionomie qui lui soit propre. A ne voir que ses habitations, c'est tour à tour l'Espagne et la Chine. Dans les villes les maisons ont été construites dans le goût de l'architecture espagnole. Elles sont en briques, fort étroites et toutes surmontées d'un toit ou pignon simplement triangulaire dans les moins élégantes, arrondi au sommet et orné de corniches et de sculptures dans les autres. Les nouveaux quais d'Amsterdam ont seuls abandonné ce style pour adopter la forme carrée des maisons italiennes: ces quais sont un des plus beaux ornements de la ville. L'eau n'y est pas, comme dans la capitale de la France, enfermée dans de hauts parapets; elle est à fleur du pavé. Des ormes séculaires et d'une grandeur prodigieuse l'ombragent de leur feuillage et se reflètent dans les grandes vitres de glace des maisons dont ils cachent le faîte. Ces maisons sont d'un luxe remarquable; le bois des portes et des fenêtres est recouvert d'un vernis, aussi uni, aussi brillant que la laque, et lorsque le soir le réverbère aux flammes de gaz qui surmonte chaque porte jette sur la glace des panneaux et des fenêtres et sur les marteaux de cuivre si luisants et si dorés de sa vive lumière, on se croirait tout à la fois à Londres dans Bond-Street, sur les canaux de Venise, et à Paris sur nos élégants boulevards.
Mais si l'on sort des villes pour aller aux villages, on sort d'Europe pour entrer dans la Chine; les maisons sont des petits kiosques à la toiture chinoise, aux volets semés d'oiseaux ou de fleurs du dessin le plus singulier. Les façades sont élégamment peintes de plusieurs couleurs, et quelquefois, il n'est pas jusqu'aux arbres dont on n'ait couvert le tronc de rouge et de blanc. Les jardins, que l'on peut presque toujours voir de la rue, n'étant généralement clos que par une haie basse, offrent l'aspect le plus curieux. Chaque coin est occupé par un berger ou une bergère, ou par un chien en faïence aux yeux d'émail. Puis çà et là, dans les allées toujours artistiquement ratissées, au milieu de dessin formé par un sable rouge et noir, on aperçoit des roches artificielles, composée d'une innombrable quantité d'énormes coquillages et surmontés souvent de pavillons chinois, qui, ornés de mille clochettes, protègent soit un magot de porcelaine, soit un beau vase japonais aux fleurs éclatantes et bizarres.
Rien ne saurait exprimer le soin qu'apportent les Hollandais à l'entretien de ces habitations; le village de Broeck, situé à deux lieues d'Amsterdam, est surtout célèbre pour sa scrupuleuse propreté. On n'entre dans aucune de ses maisons qu'après s'être enseveli les pieds dans d'énormes chaussons soigneusement rembourrés afin d'empêcher de salir le parquet et d'écorner ce que par hasard on pourrait heurter en marchant. On ne souffre dans l'intérieur de Broeck, ni marchands, ni voitures. Si le souffle du vent vient à joncher la rue de quelques feuilles détachées des arbres des jardins, un domestique sort aussitôt pour les enlever une à une. Un voyageur rapporte avoir vu un habitant de ce singulier village qui, fumant à sa fenêtre, avait fait placer un crachoir au-dessous de lui, dans la rue.
On s'attendrait volontiers, lorsqu'on est au milieu de toutes ces imitations chinoises de Hollande, à rencontrer sur son chemin quelque grave mandarin à la robe d'or et de soie, ou la litière de quelque pauvre jeune femme frêle et aux pieds déformés; mais l'illusion est bientôt détruite. Le costume des paysannes de Hinloopen est le seul dont la physionomie quelque peu orientale ne jure pas trop avec toutes ces clochettes, ces pavillons et ces magots. L'habillement français est généralement porté à Amsterdam, et son uniformité fait ressortir d'une manière piquante les costumes des habitants des environs. Ceux des paysans frisons, des dames d'Alkmaar, de Saardam, et des laitières sont les plus remarquables et nous les reproduisons dans notre gravure.
Les Hollandais n'ont du reste que dans leurs maisons cet aspect frivole qui excite l'étonnement des étrangers. Aucun peuple n'est plus grave et plus composé. Leur physionomie calme et digne respire la bonhomie et la probité, et en général cette apparence n'est point trompeuse.
Magasin Pittoresque, 1838.
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