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mercredi 14 mai 2014

La Parole appliquée à la diction.


La Parole appliquée à la diction et à la lecture à haute voix.

Nous l'avons souvent dit et nous ne saurions trop le redire, on apprend tout dans les collèges, dans les pensions et dans les familles, excepté la science et l'art dont on a le plus besoin dans la vie sociale, la science et l'art de bien dire et de bien lire.
Hélas! oui, les plus forts élèves de nos lycées, les prix d'honneur des grands concours entrent dans le monde sans savoir lire convenablement une page. Nos bacheliers ès lettres et ès sciences auraient besoin de suivre une année les cours du Conservatoire de déclamation. Encore n'y parviendraient-ils pas à se corriger des mauvaises habitudes de lecture et de diction qu'ils ont contractées pendant leurs huit années d'études classiques.
Pour les jeunes filles et les femmes, cette lacune dans l'éducation est plus frappante encore que pour les jeunes gens et les hommes du monde.
Prenez cent personnes des deux sexes dans le plus beau salon de la plus haute société, vous n'en trouverez pas deux qui soient en état de réciter correctement, de lire avec justesse une fable, une ode, un morceau de littérature, une scène de Corneille ou de Molière, voire un simple article de journal.
Que dis-je! écoutez nos avocats au palais, nos orateurs à la tribune et nos prédicateurs en chaire: la plupart, et les plus éloquents, ne savent ni bien prononcer, ni bien lire, ni varier et nuancer leur langage. L'un grassaye, l'autre zézaye; celui-ci a l'accent gascon, celui-là l'accent picard; tous bredouillent et mangent le tiers des syllabes, etc.
En vain des maîtres habiles, feu Mennechet, l'ancien lecteur des rois, M. de Roosmalen, qui a écrit le livre de l'Orateur, ont prêché de leur mieux la réforme de la lecture et de la diction.
Cette science élémentaire et indispensable n'est encore pratiquée que par les bons comédiens sur nos théâtres.
Ainsi est-ce d'un artiste dramatique du premier ordre que devait partir avec fruit l'enseignement de l'art de bien lire et de bien dire, à l'usage des gens du monde.
C'est ce qui vient d'arriver, grâce à M. Ballande, l'éminent tragédien du premier et du second Théâtre-Français. Pendant douze années, il s'est en quelque sorte analysé lui-même, en prenant des notes sur le mécanisme de l'émission de la parole, cette admirable expression de la pensée et du sentiment humain. Ses observations minutieuses, justifiées par sa propre expérience, aux applaudissements du public, et par la pratique de ses élèves dans la chaire, à la tribune et au barreau, ont fini par composer un traité complet, simple et savant, lucide et précis, qu'il a publié à la sollicitation d'un professeur instruit par lui-même. Ce traité renferme tout ce que la théorie et l'application pouvaient inspirer de rationnel, de fécond et d'ingénieux sur la formation de la voix, sur ses divers instruments, sur la prononciation de notre langue, sur les défauts à éviter et les qualités à acquérir, sur les inflexions, les poses, les nuances, les gradations, les expression du geste, des yeux, des traits, etc., etc.;le tout rendu sensible par une foule d'exemples et d'exercices, à la portée des élèves les plus ignorants ou les plus rebelles.
Ce petit livre doit être et sera le guide, le bréviaire de tous ceux qui voudront enfin savoir dire et lire à haute voix.
Nous le recommandons en particulier aux maîtres, aux professeurs, aux pères et aux mères de famille. Ils y apprendront à se réformer d'abord, pour former ensuite leurs disciples et leurs enfants.
Si du livre ils remontent à l'auteur et lui demandent des leçons, ils n'en feront que mieux sans doute. Mais M. Ballande aurait peine à y suffire, à moins d'ouvrir un cours public.
En attendant, sa méthode est déduite avec tant de clarté et de détail, qu'elle le supplée, autant que possible, pour tout lecteur attentif et intelligent.

                                                                                                                    Pitre-chevalier.

Musée des familles, lectures du soir, 1856-1857.

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