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samedi 31 mai 2014

Vieux usages français.

Vieux usages français
Treizième et quatorzième siècles


Vœu du Paon.

Le paon, considéré dans le moyen âge comme un oiseau noble et comme un mets relevé et délicat, était servi sur la tables des hauts barons avec un raffinement de luxe et des cérémonies qui attestaient tout le prix qu'on y attachait. Non seulement, il y figurait tantôt enseveli sous les fleurs, tantôt lançant par le bec une flamme brillante, mais encore le soin de le servir, retirés aux écuyers servants ordinaires, était réservé à la dame châtelaine, qui apportait l'oiseau et le plaçait soir devant le seigneur du logis, soit devant une personne élevée en dignité ou renommé pour sa valeur.
Le convive honoré de ce choix devait dépecer l'animal avec assez d'adresse pour que tous les assistants en reçussent une part. Cette opération ne s'accomplissait qu'au milieu des louanges et des applaudissements décernés au chevalier tranchant, et relatifs à ses anciens exploits. Celui-ci, enthousiasmé, se levait alors, et faisait le serment, la main sur le plat, de mériter de plus grands éloges, soit en plantant le premier son étendard sur telle ville qu'on allait assiéger, soit en portant à l'ennemi le premier coup de lance, etc. Il se servait de cette formule sacramentelle: Je voue à Dieu, à la Sainte Vierge, aux dames et au paon de faire telle ou telle chose.
Puis chacun à son tour, en recevant son morceau, faisait son vœu au paon, dont l'inexécution aurait entraîné une tache sur son écusson.

Manger à la même écuelle.

Quand un seigneur avait fait des invitations pour un festin d'apparat, il devait s'arranger de façon que chaque homme se trouvât placé à côté d'une dame. Un seul couvert était destiné à chaque couple de convives; verre et assiette, tout était commun. Cela s'appelait, dans le langage naïf du temps, manger à la même écuelle. Un roman du treizième siècle, décrivant un repas où assistaient plusieurs centaines de chevaliers, ajoute: "Et si n'y eust cesluy qui n'eust dame à son escuelle."

Trancher la nappe.

Nous avons déjà dit dans notre premier volume que couper un morceau de la nappe devant quelqu'un pendant un festin, c'était lui faire un affront équivalent à un défi pour un combat à outrance.
Charles VI, le jour de l’Épiphanie, donnait un festin à plusieurs de ses grands vassaux, lorsque tout à coup un héraut s'approche de l'endroit où était assis Guillaume de Hainaut, comte d'Ostrevant, et tranche la nappe devant lui.
- Un prince, ajoute-t-il, qui ne porte pas d'armes ne doit pas manger avec le roi.
- Quoi! dit le comte indigné, n'ai-je pas le heaume, la lance et l'écu?
- Si cela était, réplique le héraut qui s'était chargé de ce rôle délicat, la mort de votre oncle assassiné par les Frisons ne resterait pas impunie.
La chronique ajoute que cette forte leçon eut son plein effet.

Corner l'eau.

Le cor, annonçant droit de chasse, était un des insignes de la noblesse; un noble en voyage le portait suspendu à son cou: c'était avec cet instrument qu'il annonçait sa présence. On l'employait aussi, comme nos cloches, pour avertir les conviés d'un festin qu'il était temps de se laver les mains pour le repas, ce que les dames et les élégants faisaient avec de l'eau-de-rose, d'où venait le dicton: Corner l'eau.

Pains assiettes ou tranchoirs.

On fit longtemps usage en France de pains sans levain, et comme ces pains se trouvaient d'une pâte épaisse et solide, on conçut l'idée d'en faire des assiettes appelées tranchoirs. On en servait une à chaque convive, qui y découpait ses morceaux, et la mangeait quand elle se trouvait imprégnée de sauce et de jus des viandes.

Pots à aumosnes.

C'étaient des grands vases d'un métal plus ou moins précieux, selon la fortune du propriétaire, placés à l'un des bouts de la table; on y jetait de temps en temps des pièces de viande ou d'autres aliments destinés à la foule de pauvres qui, attirée par l'odeur du festin, assiégeait l'abord du château.

Aliments particuliers.

Certains goûts et certaines idées de nos ancêtres différaient fort des nôtres. Ils se faisaient un régal de la chair de baleine, qui répugne à nos matelots; car on pêchait alors ce cétacé sur nos côtes. La langue de l'animal était même offerte en pompe aux églises et monastères. Il est parlé dans Champier non seulement de salade de houblons, mais encore de salade d'orties. Les fruits, réputés aliments froids, étaient mangés avant le repas, qui se terminait par une consommation d'épices, d'anis et des compositions les plus échauffantes. La volaille était regardée comme aliment maigre, et la simplicité de nos pères se fondait sur ce qui est dit dans la Génèse: "Dieu commanda aux eaux  le cinquième jour de produire les poissons qui nagent dans la mer et les oiseaux qui volent dans le ciel." Ils étaient donc, disaient-ils, de nature identique.

Magasin Pittoresque, 1838.

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