Le krach de l'Union générale.
M. Bontoux est mort, la semaine dernière, et les feuilles républicaines n'ont consacré à ce disparu qu'une courte notice. Il semble qu'au dernier moment elles aient éprouvé ce sentiment de pudeur, assez rares chez elles, qui consiste à préférer "parler d'autre chose" lorsque le sujet qui vous sollicite rappelle un méfait ancien, quelque chose de pas propre dont on répugne à évoquer le souvenir.
Ce sera, dans l'histoire du régime, un chapitre infiniment suggestif et bien révélateur des abdications de la République que celui nous montrant l'Union générale assassinée ainsi, traîtreusement, par la coalition judéo-maçonnique effrayée à l'idée de trouver devant elle d'autre intérêts que ceux d'Israël ou du temple d'Hiram... Nos maîtres nouveaux ont, en effet, procédé par étapes, sur la triste route qu'ils ont parcourue. La première, ce fut celle que la mort de M. Bontoux rappelle à notre mémoire: les financiers professionnels se dressant pour ruiner, écraser les audacieux dont le crime était de grouper, de syndiquer les initiatives pour secouer le joug de la Haute-Banque juive et protestante. Celle-ci résolue à faire, comme plus tard l'ont avoué quelques gros banquiers, un exemple, de façon que chacun, dans l'avenir, reconnût la nécessité de passer sous ses fourches caudines pour toute les transactions. La seconde de ces étapes aura été cette misérable affaire Dreyfus, campagne odieuse où la réhabilitation d'un traître justement condamné n'était que le prétexte à démoraliser l'armée. La troisième, la dernière, est celle à laquelle présentement nous assistons: l'assaut ultime et furieux contre la religion catholique, dernier souvenir, derniers remparts des nobles traditions qui ont fait notre pays si grand et si glorieux.
Envisageons aujourd'hui la première seulement de ces trois phases, et rappelons en quelques mots l'étranglement de l'Union générale. Mais d'abord, qu'était l'Union? Ce n'était point, il convient d'insister la dessus puisque aussi bien près d'un quart de siècle a passé sur ces choses, ce n'était point comme l'ont osé prétendre les gens payés pour soutenir pareille opinion, une maison de jeu "destinée à mourir tôt ou tard, de sa belle mort"; ce n'était point une oeuvre de spéculation pure. La Banque impériale et royale privilégiée des pays autrichiens (Landesbank), la Banque des pays hongrois, la concession des chemins de fer serbes, la construction d'un chemin de fer à Sunlin étaient des affaires sérieuses. La Banque nationale serbe, en raison de l'ouverture des chemins de fer d'Orient, était destinée à devenir l'agent naturel de tout le commerce de l'Europe avec des régions neuves qui tiennent en réserve tant de forces de production. Les billets de cette banque, remboursables à vue à Constantinople, à Pesth, à Vienne et à Paris auraient été nécessairement les instruments des échanges commerciaux entre l'Europe et les contrées orientales. Les affaires serbes étaient bonnes également, puisque le groupe financier du Comptoir d'escompte s'en est chargé en consentant au gouvernement de Belgrade un rabais de 12 millions sur les conditions qu'avait obtenue l'Union.
Rien donc ne s'opposait à ce que l'Union prospérât. On sait, d'ailleurs, quelle confiance elle inspira dès les premiers moments, et comment ses valeurs montèrent au double, au triple même de leur taux d'émission. Dans la coulisse, la juiverie, d'abord effarée, avait vite fait son plan. Elle poussait à la hausse, se réservant d'intervenir au moment opportun pour provoquer l'effondrement des cours. C'était, malgré tout, un gros morceau; il ne faut pas oublier, en effet, qu'à la liquidation et en dépit des manœuvres employées contre elle, l'Union donna 70 pour cent à ses débiteurs. Cependant, Israël multipliait les difficultés, semait les chausse-trappes devant la société qu'elle voulait perdre. Grâce à ces manœuvres, une gêne de caisse se produisit, qui, le 28 janvier 1882, obligeait l'Union générale à suspendre ses paiements. M. Bontoux, alors à l'étranger pour les affaires de la Société, revenait en toute hâte: il convoquait pour le 3 février, c'est à dire six jours après, une assemblée générale. Que fallait-il pour conjurer la crise, enrayer la panique et permettre à l'Union de rebondir? Il fallait 25 millions. La correspondance, plus tard dépouillée, a permis d'établir que, du 28 janvier au 3 février, les actionnaires, par lettres, étaient venus en offrir le double. tout était donc sauvé? Eh non! au contraire, tout était perdu.
La haute-Banque juive venait de trouver dans la complicité des pouvoirs publics l'arme qui lui était nécessaire.
Le 1er février, en effet, on arrêtait M. Bontoux.
On m'a dit que le pauvre homme qui avait été la cause de cette arrestation et des ruines qui en résultèrent, ne s'en était jamais consolé. Il se nommait Lejeune et se trouvait avoir remis à l'Union des fonds à placer en report. Sur ces entrefaites, se produit la cessation de paiement. Inquiet, notre homme se rend au tribunal de commerce où on lui dit que la seule chose qu'il ait à faire, c'est attendre. M. Lejeune attendra donc, et déjà il reprend le chemin de son logis, lorsqu'une idée lui traverse l'esprit: s'il allait consulter le procureur de la République? Ce n'est jamais après tout que le boulevard à traverser.
Le procureur est ce Loew que, depuis, nous avons vu si acharné au sauvetage du traître Dreyfus. Il accueille à bras ouverts celui qu'il croit être un plaignant. Mais dès les premiers mots, Lejeune rectifie: il n'est pas un plaignant, il ne veut pas le devenir. Il veut simplement demander un avis... Sur ce mot, M. Loew bondit. Un avis, à lui, procureur de la République? On ose venir lui demander un avis?... Ah çà! le prend-on pour un avocat consultant? Et pourquoi, pendant que l'on y est, ne pas venir lui demander aussi le temps qu'il fera dimanche? En vérité, M. Lejeune est bien téméraire et il pourrait lui apprendre à ses dépens ce qu'il en coûte de déranger un si haut magistrat... Affolé devant ce quos ego, M. Lejeune prend la plume que lui tend M. Loew, et il signe une plainte... Il eût signé sa propre condamnation, plutôt que de rester une minute de plus en tête-à-tête avec le procureur... Deux heures après, M. Bontoux était arrêté.
Ici, il convient d'ouvrir une parenthèse pour un petit rapprochement, ou, si vous préférez, une petite comparaison. Il y a quelques semaines, un banquier (?) qui se nommait Mary Raynaud levait le pied, laissant trois francs cinquante dans la caisse où de nombreux clients avaient, naguère, apporté leurs économies. Les clients s'en furent chez le commissaire, et comme celui-ci leur disait:
- Je ne puis rien faire si vous ne déposez pas de plainte. Que décidez-vous?
- C'est tout décidé, répliquèrent les victimes: nous ne nous plaignons pas. M. Mary Raynaud a disparu, comme cela, déjà plusieurs fois. Toujours il est revenu. Nous attendrons son retour.
Et c'est ainsi que Mary Raynaud, escroc notoire, pourrait, s'il le voulait, se promener tranquille sur le boulevard et faire la nique aux sergents de ville. On voit de quelle façon différente et odieuse on a agi envers un homme comme M. Bontoux qui lui, n'était pas le moins du monde en fuite; qui, au contraire, était revenu de l'étranger à la première alarme, et qui n'avait pas distrait une parcelle du capital confié à sa probité.
Commencée de cette façon, on devine ce que fut l'instruction dirigée contre M. Bontoux. La déclaration de faillite fut obtenue, le lendemain, à peu près par les mêmes moyens que ceux dont on avait usé contre M. Lejeune, c'est à dire en produisant à l'honorable président du tribunal de commerce un état de situation de l'Union offrant, au lieu de l'excédent que plus tard il fallu bien avouer, un déficit qui n'existait pas. Les chiffres sont là: nous avons sous les yeux les deux tableaux de l'expert; l'un pessimiste au lendemain de l'arrestation de M. Bontoux; l'autre plus exact, partant plus rassurant, au lendemain du jour où les ennemis de l'Union générale avaient obtenu ce qu'ils voulaient, c'est à dire la déclaration de faillite. Ensuite fut abordée la question de savoir si les actions sont une marchandise, une denrée et si les lois qui s'appliquent aux opérations sur les marchandises peuvent s'appliquer aux actions des sociétés financières.
- Oui, dit hardiment la Cour d'appel de Paris, quand ce sont les catholiques qui ont négocié ces actions (affaire de l'Union générale)
- Non, répond, non moins hardiment, la Cour d'appel d'Orléans, quand ces opérations ont été faites par des francs-maçons (affaire du Crédit provincial).
Cette instruction, qui eût du être annulée, le juge Feray qui en fut chargé étant devenu fou au point de mourir dans un hospice d'aliénés et ayant déjà donné des signes de démence avant qu'il ne fût chargé de l'enquête contre l'Union ( lisez les Mémoires de M. G. Macé, ancien chef de la Sûreté), cette instruction aboutit au renvoi devant les tribunaux; mais sachant d'après les dénis de justice déjà subis, que sa condamnation était écrite d'avance, M. Bontoux passa à l'étranger, et, n'en revint que lorsque la prescription enfin lui fut acquise. Depuis, il a vécu dans la retraite, n'en sortant que pour écrire, en 1888, une histoire de l'Union générale et, tout récemment, une petite brochure précisant le rôle joué dans cette affaire par le garde des Sceaux Humbert, ce ministre de la République dont la descendance est aujourd'hui sous les verrous.
J'ai relu, ces jours-ci, ces deux brochures de M. Bontoux, et j'ai eu l'impression que celui qui les écrivit était devenu , sur la fin de sa vie, un philosophe consolée par l'idée que l'Union, son enfant, est aujourd'hui vengée des calomnies. " Je n'ai plus à demander justice, dit M. Bontoux, le temps a dissipé les ombres et rendu hommage à la vérité... " Hélas! l'iniquité des hommes est demeurée, et les mêmes qui, en 1882, ruinaient les catholiques par le terrible Krach, sont aujourd'hui les assassins de nos libertés.
Gaston Royel.
L'Ouvrier, 18 juin 1904.
Le procureur est ce Loew que, depuis, nous avons vu si acharné au sauvetage du traître Dreyfus. Il accueille à bras ouverts celui qu'il croit être un plaignant. Mais dès les premiers mots, Lejeune rectifie: il n'est pas un plaignant, il ne veut pas le devenir. Il veut simplement demander un avis... Sur ce mot, M. Loew bondit. Un avis, à lui, procureur de la République? On ose venir lui demander un avis?... Ah çà! le prend-on pour un avocat consultant? Et pourquoi, pendant que l'on y est, ne pas venir lui demander aussi le temps qu'il fera dimanche? En vérité, M. Lejeune est bien téméraire et il pourrait lui apprendre à ses dépens ce qu'il en coûte de déranger un si haut magistrat... Affolé devant ce quos ego, M. Lejeune prend la plume que lui tend M. Loew, et il signe une plainte... Il eût signé sa propre condamnation, plutôt que de rester une minute de plus en tête-à-tête avec le procureur... Deux heures après, M. Bontoux était arrêté.
Ici, il convient d'ouvrir une parenthèse pour un petit rapprochement, ou, si vous préférez, une petite comparaison. Il y a quelques semaines, un banquier (?) qui se nommait Mary Raynaud levait le pied, laissant trois francs cinquante dans la caisse où de nombreux clients avaient, naguère, apporté leurs économies. Les clients s'en furent chez le commissaire, et comme celui-ci leur disait:
- Je ne puis rien faire si vous ne déposez pas de plainte. Que décidez-vous?
- C'est tout décidé, répliquèrent les victimes: nous ne nous plaignons pas. M. Mary Raynaud a disparu, comme cela, déjà plusieurs fois. Toujours il est revenu. Nous attendrons son retour.
Et c'est ainsi que Mary Raynaud, escroc notoire, pourrait, s'il le voulait, se promener tranquille sur le boulevard et faire la nique aux sergents de ville. On voit de quelle façon différente et odieuse on a agi envers un homme comme M. Bontoux qui lui, n'était pas le moins du monde en fuite; qui, au contraire, était revenu de l'étranger à la première alarme, et qui n'avait pas distrait une parcelle du capital confié à sa probité.
Commencée de cette façon, on devine ce que fut l'instruction dirigée contre M. Bontoux. La déclaration de faillite fut obtenue, le lendemain, à peu près par les mêmes moyens que ceux dont on avait usé contre M. Lejeune, c'est à dire en produisant à l'honorable président du tribunal de commerce un état de situation de l'Union offrant, au lieu de l'excédent que plus tard il fallu bien avouer, un déficit qui n'existait pas. Les chiffres sont là: nous avons sous les yeux les deux tableaux de l'expert; l'un pessimiste au lendemain de l'arrestation de M. Bontoux; l'autre plus exact, partant plus rassurant, au lendemain du jour où les ennemis de l'Union générale avaient obtenu ce qu'ils voulaient, c'est à dire la déclaration de faillite. Ensuite fut abordée la question de savoir si les actions sont une marchandise, une denrée et si les lois qui s'appliquent aux opérations sur les marchandises peuvent s'appliquer aux actions des sociétés financières.
- Oui, dit hardiment la Cour d'appel de Paris, quand ce sont les catholiques qui ont négocié ces actions (affaire de l'Union générale)
- Non, répond, non moins hardiment, la Cour d'appel d'Orléans, quand ces opérations ont été faites par des francs-maçons (affaire du Crédit provincial).
Cette instruction, qui eût du être annulée, le juge Feray qui en fut chargé étant devenu fou au point de mourir dans un hospice d'aliénés et ayant déjà donné des signes de démence avant qu'il ne fût chargé de l'enquête contre l'Union ( lisez les Mémoires de M. G. Macé, ancien chef de la Sûreté), cette instruction aboutit au renvoi devant les tribunaux; mais sachant d'après les dénis de justice déjà subis, que sa condamnation était écrite d'avance, M. Bontoux passa à l'étranger, et, n'en revint que lorsque la prescription enfin lui fut acquise. Depuis, il a vécu dans la retraite, n'en sortant que pour écrire, en 1888, une histoire de l'Union générale et, tout récemment, une petite brochure précisant le rôle joué dans cette affaire par le garde des Sceaux Humbert, ce ministre de la République dont la descendance est aujourd'hui sous les verrous.
J'ai relu, ces jours-ci, ces deux brochures de M. Bontoux, et j'ai eu l'impression que celui qui les écrivit était devenu , sur la fin de sa vie, un philosophe consolée par l'idée que l'Union, son enfant, est aujourd'hui vengée des calomnies. " Je n'ai plus à demander justice, dit M. Bontoux, le temps a dissipé les ombres et rendu hommage à la vérité... " Hélas! l'iniquité des hommes est demeurée, et les mêmes qui, en 1882, ruinaient les catholiques par le terrible Krach, sont aujourd'hui les assassins de nos libertés.
Gaston Royel.
L'Ouvrier, 18 juin 1904.
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