Toute femme doit allaiter son enfant, voilà la règle, et toute femme peut le faire. Il suffit d'un peu de patience et de bonne volonté. C'est merveille de voir comment les enfants ainsi nourris se développent. Ils poussent sans incidents et sans maladies: jamais d'indigestion ni d'entérite. Les dents sortent à la date voulue et dès qu'il a douze ou treize mois, M. bébé commence à marcher. Quelques petits conseils pratiques, basés sur l'expérience, ne seront cependant pas de trop.
De la régularité.
Que dès les premiers jours, les tétées soient données régulièrement toutes les 2 h 1/2 de 8 heures du matin à 8 heures du soir; toutes les 4 heures pendant la nuit. Au bout de 3 mois, une tétée toutes les 3 heures et 2 la nuit suffisent. Après 8 mois, supprimez une de ces dernières. Sois aucun prétexte il ne faudra modifier l'heure du repas.
Si l'enfant pleure, laisser le pleurer. Très vite il s'habituera à son régime.
Rien que du lait.
Avant 10 mois, ne lui donnez pas autre chose que du lait: pas de bouillie, pas de farine alimentaire. Du lait et seulement du lait! Si vous vous fatiguez, si la sécrétion lactée se ralentit, complétez la ration journalière avec du lait de vache stérilisé.
Mais dans certaines circonstances, la mère ne doit pas nourrir, par exemple si elle est atteinte d'une maladie aiguë ou chronique. Dans d'autres cas, elle ne peut pas le faire: telles les ouvrières obligées de travailler au dehors toute la journée. Que faut-il faire?
La nourrice proscrite.
Prendre une nourrice? Mais toutes les mères n'ont pas une situation de fortune qui leur permette ce luxe. Et le pourraient-elles, au nom de la morale elles ne le doivent pas. Car pendant que le votre boit son lait vivifiant, l'enfant de la nourrice, abandonné à la garde de quelque voisine, végète et souvent meurt faute du sein maternel. Si donc vous ne pouvez pas nourrir votre enfant, acceptez le biberon et toutes ses conséquences.
192 enfants sur 200 meurent parce qu'ils sont mal nourris.
Il n'y a pas bien longtemps, sur 1.000 enfants qui naissaient 200 mourraient avant un an et, sur ces 200, 192 succombaient à une affection digestive causée par une alimentation défectueuse: mauvais lait ou mauvais biberon. D'autres, plus heureux, échappent à cette issue fatale mais voient leurs articulations se nouer et leurs membres se tordre. Aujourd'hui, avec beaucoup de soins et une vigilance toujours en éveil, on peut élever au biberon de très beaux enfants.
Le mauvais lait.
C'est le lait des vaches mal nourries avec des drêches ou des tourteaux, ou avec des aliments herbacés qui augmentent la quantité de lait aux dépens de ses qualités nutritives. C'est le lait trait depuis la veille par des mains malpropres, exposé à tous les contacts, transporté dans des bidons douteux. C'est le lait coupé d'eau, ou écrémé, additionné de substances diverses pour le colorer, l'épaissir ou le conserver. Ce lait-là, c'est du poison, et des enfants meurent en 24 heures pour en avoir absorbé un seul biberon!
Le lait peut être un poison dangereux.
Le lait, même le meilleur, ne se conserve pas s'il n'est stérilisé. Après 3 heures en été, 6 heures en hiver, il contient déjà des poisons sécrétés par un nombre incalculable de microbes. De ces microbes on compte, par centimètres cubes: 9.000 deux heures après la traite; 60.000, 9 heures plus tard; et enfin 5.600.000, 27 heures après, soit 28.000.000 par cuillerée à café de lait.
Le bon lait.
Que ce soit du lait de vache, de chèvre ou d'ânesse, le seul bon lait, c'est celui qui ne contient ni microbes ni poisons. Et pour l'obtenir, un seul procédé existe, c'est de le stériliser par la chaleur aussitôt après la traite ou plus tard dans les 3 heures qui suivent.
Le lait peut être stérilisé sur place immédiatement après la traite. On peut, en général, avoir confiance dans ces laits donnés par de bonnes vaches, recueilli proprement, stérilisés immédiatement et expédiés dans des récipients hermétiquement fermés. Malgré son goût un peu spécial, il est bien accepté et toléré par le nourrisson. C'est le lait le plus convenable dans la plupart des cas.
Comment stériliser le lait.
Si toutefois vous ne pouvez vous procurer du lait sur la provenance, la pureté et la fraîcheur duquel vous n'avez aucun doute, dans ce cas, et dans ce cas seulement, stérilisez votre lait vous-même à domicile à l'aide d'un de ces appareils dits"appareils de Soxhler".
Six ou huit petits flacons gradués sont remplis de la quantité suffisante pour une tétée et fermés à l'aide d'un bouchon de caoutchouc conique simplement posé sur leur orifice.
Les flacons maintenus dans une grille métallique sont placés au bain-marie. On laisse bouillir pendant trois-quarts d'heure, puis on retire les flacons. Sous l'influence du vide, les bouchons s'enfoncent dans les goulots et l'occlusion est parfaite.
Ce lait parfaitement stérile doit néanmoins être consommé au plus tard dans les 48 heures.
Il n'a pas le goût de lait cuit que l'on reproche quelquefois au lait stérilisé. Pour chaque tété, on débouche un flacon et l'on y adapte une tétine.
Le biberon.
Plus le biberon sera simple, et meilleur il sera. Rejetez tout biberon dont les tuyaux difficiles à nettoyer sont le réceptacle d'innombrables microbes. Ce sont des appareils meurtriers qui ont causé la mort de bien des bébés. Un simple flacon gradué muni d'une tétine en caoutchouc est ce qu'il y a de mieux. Après chaque tétée, le biberon est rincé à l'eau bouillante, rempli d'eau boriqué et la tétine est placée dans de l'eau bouillie.
Faut-il couper le lait.
Pendant les 3 premiers mois, le lait sera coupé de son 1/3 d'eau bouillie sucrée à raison de 10 grammes de sucre pour 100 grammes d'eau. Après 3 mois, si l'enfant le supporte, le lait sera donné pur: sinon pendant quelques semaines encore on le coupera de son 1/4 d'eau bouillie.
Suralimentation des nourrissons.
Le gros écueil à éviter lorsqu'on élève un enfant au biberon et au lait stérilisé, c'est la suralimentation. Trop de lait est aussi mauvais que pas assez.
Pendant les 3 premiers mois, 8 tétées par 24 heures; pendant les 3 suivants, 7; au bout de 6 mois, 6 tétées par jour sont bien suffisantes.
Les tétées seront dosées de façon à ce que l'enfant prenne 600 grammes par jour pendant le premier mois ( les 10 jours qui suivent sa naissance sont naturellement moindres). Puis, mois par mois, on augmentera de 50 grammes, de telle sorte qu'à 7 mois, l'enfant absorbe journellement de 900 grammes à un litre de lait.
Inutile de dépasser les doses.
L'enfant, il est vrai, engraisserait plus vite, mais il sera bouffi, ses chairs seront pâles, molles et flasques; son ventre grossira, indice d'une dyspepsie chronique, et le rachitisme surviendra. Le mieux est quelquefois l'ennemi du bien.
Le lait aliment exclusif du nourrisson jusqu'à 10 mois.
En tous cas pour le nourrisson nourri au biberon comme pour celui nourri au sein, le lait doit rester la nourriture exclusive pendant 10 mois.
Dr D. V.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 mars 1903.
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