Les Betchouanas.
Sous le nom générique de Betchouanas, on désigne un groupe de tribus de l'Afrique australe ayant une origine et un langage communs et des mœurs à peu près semblables. ces tribus sont répandues entre le fleuve Orange au sud, le Zambèze au nord, le désert de kalahari à l'ouest et la chaîne du Zrakemberg à l'est. Ce pays représente une bonne partie du plateau austral. Une partie de ce pays est passée, de nos jours, au pouvoir des fermiers émigrés de la colonie du Cap. Ce n'est guère qu'au commencement de ce siècle que le nom des Betchouanas est parvenu en Europe. En 1801, Fruter et Sommerville; en 1808, Towan et Douaven parcourent une partie du pays des Betchouanas, où ils périrent. En 1812, Buschell explorait à son tour cette région et y recueillait de curieux renseignements. En 1820, le révérend John Campbell pénétrait dans le pays des Bahouroutsis; enfin, en 1834, le savant naturaliste Smith parvenait jusqu'à sur les rives du Limpopo. Depuis lors, les explorateurs ont sillonnés le plateau austral; Livingstone (1849), Shelley (1852), Chapmann (1864), Baines, Moler, etc..., et aujourd'hui les Betchouanas sont aussi connus que la plupart des anciennes tribus africaines.
S'ils appartiennent à la race nègre par la couleur foncée de la peau, la nature laineuse des cheveux, les Betchouanas s'en distinguent par la régularité des traits, leur nez n'est pas écrasé, la mâchoire n'est pas proéminente comme celle des autres nègres. Leur taille est au-dessus de la moyenne, leur tempérament vigoureux; pourtant les Cafres l'emportent sur eux par la force musculaire et la juste proportion des formes.
Entre le Vaal et Orange, il ne reste plus aujourd'hui que trois tribus Betchouanas: les Bassoulots, les Barolougs et les Bapoutis; quelques autres tribus, éparses sur la surface du Transvaal, entre le Vaal et le Limpopo, ont été soumises par les Boërs; entre le Limpopo et le Zambèze s'étendent celles soumises aux Matabélès; enfin, la région occupées par les tribus indépendantes est limitée au nord par le Zambèze, au sud par le Griqualand-West, à l'est par le Free-State, le Transvaal et le pays des Matabélès; à l'ouest, il se confond avec le Kalahari. Les Anglais y ont été bien accueillis, dans ces derniers temps, surtout dans le pays des Batlapis qui comprend 12.000 hommes mâles et 15.000 esclaves Batlaras.
Les mœurs des Betchouanas méritent une mention toute particulière. Appartenant à la grande famille des Cafres, mais se rapprochant beaucoup des Koosas, ils laissent aux femmes la partie la plus pénible des travaux manuels. Les hommes font la guerre, chassent, préparent les peaux dont ils se revêtent et soignent leur bétail; les femmes bâtissent les maisons, ramassent et transportent le combustible, labourent, sèment et moissonnent le blé, le battent et le mettent en farine. Aussi leur tournure virile, courte, épaisse, manque-t-elle de séduction. Le docteur Anderson, qui le premier a décrit les Betchouanas avec quelques détails, déclare qu'elles sont assez laides, en dépit des couleurs dont elles se badigeonnent la peau.
Lorsqu'elles sont sur le point de se marier, elles entrent en apprentissage chez de vieilles femmes chargées de leur enseigner l'obéissance passive envers leur futur époux. " L'épreuve principale qu'elles ont alors à subir consiste à tenir dans les mains pendant quelque temps un fer chaud; elles apprennent ainsi à supporter la douleur et le travail. On les enduit ensuite de graisse; la partie inférieure de leur tête est rasée, et le reste de leur chevelure graissé avec profusion de sibilo, pommade composée de beurre et d'un minerai gris à reflets métalliques comme le mica, après quoi, elles revêtent le costume de femme et elles se marient."
Au dire de Gordon Cumming, qui les a visités dans ses chasses, les Betchouanas sont vifs, intelligents, d'humeur joyeuse. Bien faits, avec de beaux yeux, des dents très blanches, le teint légèrement cuivré, ils ont fort bon air. Ils vivent avec leurs chefs dans les kraals ou villages; leurs wigwams ou habitations, de forme circulaire et couverts de longues herbes, sont enduits, sur le sol et les murs, en dedans et en dehors d'un mastic fait de craie et de fiente de vache. L'entrée a trois pieds de haut et deux de large. Chaque wigwam est entouré d'une haie d'osier, tandis qu'une grande haie d'épines forme l'enceinte du kraal et protège les habitants contre les lions et les autres animaux carnassiers.
L'habillement des hommes se compose d'un karost et d'un tsécha, tous deux faits de peaux de bête. Le premier est un manteau dans lequel ils se drapent avec une certaine élégance; l'autre leur couvre les reins. Ils portent aux pieds des sandales de peaux de buffles ou de girafe. Leurs bras et leurs jambes sont surchargés d'ornements de cuivre qu'ils fabriquent eux-mêmes; outre des colliers, ils portent à leur cou de nombreuses amulettes auxquelles ils attribuent une vertu surnaturelle pour les préserver de tout mal; un de ces colifichets est un os percé dans lequel ils soufflent lorsqu'ils se voient dans un pressant péril. Un autre est un jeu de dés en ivoire qu'ils jettent pour consulter le sort avant leurs entreprises; ils pendent aussi à leur cou des tabatières faites avec une petite calebasse qu'ils cultivent de manière à lui faire prendre la forme d'une bouteille.
Ils ne vont jamais sans leurs armes qui consistent en un bouclier de beau de buffle, une hache d'armes, une massue et un faisceau de sagaies ou "javeline longues de deux mètres, qu'un guerrier habile plante dans le corps de son ennemi à cent mètres de distance". Ils portent encore, pour frapper de près, une autre espèce de sagaie à lame plus forte et à manche plus court que ceux des premières; cette arme est surtout commune aux tribus de l'intérieur: leur hache de combat, d'une forme triangulaire, sont enchâssées dans un manche de corne de rhinocéros, et ne manquent pas d'élégance.
Les femmes portent, comme les hommes, un karost et un jupon court en peau d'antilope; de long bracelets de verroterie de couleur, entrelacés avec goût, entourent leur cou et couvrent leur poitrine, leurs bras et leurs jambes. Hommes et femmes ont toujours la tête découverte. Quelques tribus se frottent le corps avec un enduit de graisse et de craie rouge qui leur donne la teinte des Indiens Peaux-Rouges. La plupart possède du bétail, que les hommes seuls peuvent traire; car l'entrée du kraal au bétail est interdite aux femmes. La polygamie est tolérée chez les Betchouanas; un homme a autant de femme qu'il peut en acheter. Chez les tribus riches, une femme vaut dix têtes de bétail; chez les plus pauvres, on ne la paie que quelques bêches à long manche que les naturels fabriquent eux-mêmes et dont ils se servent comme nos paysans normands ou dauphinois font de la houe. On voit souvent, dans les champs, les femmes rangées en ligne, retournant la terre, et faisant entendre des chants dont elles marquent la mesure par le mouvement régulier de leurs bêches.
Terminons cette courte esquisse, en rappelant que les missionnaires ont fondé, chez les Betchouanas, les établissements de Kourouman, de Motito, de Litakou, de kolobeng, de Shoshong.
N. Pilgrim.
Journal des Voyages, 5 mai 1889.
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