sur la vérité historique au moyen-âge.
Froissart dit quelque part: "Il n'est si grand ni si beau mémoire comme d'escriture", et, dès son temps, tout le monde lui donnait raison. Pour s'exprimer ainsi, en effet, il était singulièrement autorisé par la manière dont se transmettaient dans toutes les provinces du royaume les nouvelles politiques, ou simplement les récits curieux se rattachant aux alliances de certaines familles ou à l'élévation soudaine de certains individus. Vers l'année 1380, la renommée des plus braves chevaliers et des plus habiles diplomates étaient confiée aux dires, parfois fort intéressés, ou très peu dignes de confiance, des hérauts d'armes. Ces espèces d'officiers, chargés de conserver dans leur intégrité les blasons des familles ou d'accomplir certains messages, étaient devenus d'infatigables porteurs de nouvelles; c'étaient en fait les reporters, plus ou moins dignes de confiance, du moyen-âge: ils remplaçaient à cette époque l'office de la presse quotidienne telle qu'elle existe à notre époque; mais la plupart du temps, les faits divers mis par eux en circulation ne pouvaient être démentis ou même mis en discussion, s'ils étaient contraire à la vérité. Puis venait, au dire de Froissart, la honteuse corruption qui se glissait dans ce corps privilégié, auquel on attachait une confiance beaucoup trop facile: "Et de ces hérauts, dit le chroniqueur, moult en y a qui sont si grands bourdeurs et menteurs, que ils exaulcent en leurs paroles ceux qu'ils veulent, et pour ce, ne sont pas morts ni péris les biens des bons, car si il n'est pas connu, ni ramenteu par eux, si est-il bien qui le voit et ramentoit quand il cheit à point."
Par ces dernières paroles, l'ingénieux écrivain fait comprendre le droit de rectification que s'attribuait le chroniqueur dont les récits étaient durables et pouvaient tout au moins être discutés.
Disons, en passant, que tous les hérauts d'armes ne méritaient pas les paroles sévères dont Froissart use à leur endroit. Le fameux le Boucq, par exemple, lequel était lieutenant de Toison d'or et écrivain de Charles-Quint, jouissait d'une singulière réputation de probité: aussi a-t-il été célébré par les poètes et vanté par divers historiens.
Magasin Pittoresque, 1879.
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