Ils ne manquent pas, et l'on peut dire que chaque semaine il en naît un nouveau. Aussi bien nos pères nous en avaient donné l'exemple. Au retour de la campagne d'Egypte, une assemblée de savants, graves entre tous, fonda le Club des Anes, qui dura jusqu'à la fin de la Restauration.
En faisaient partie, sous la présidence du Maréchal Lannes: Monge, Chaptal, David, Larrey, Laurent de Jussieu, Cambacérès, Lacépède, le prince Eugène, Bichat, Barbé-Marbois, Isabey, Delambres, Fontanes, etc...
Chaque membre était un membrane. On recevait au baptème un qualificatif où, dans le radical ou la terminaison devait figurer âne. C'est ainsi que Monge, dont la femme s'appelait Lise, fut dénommé l'Analyse: Larrey, l'anapeste; Bichat, l'Anévrisme; Barbé-Marbois, qui réclamait une censure sévère, l'Anastasie; Delambre, créateur du système métrique, l'Anagramme; Fontanes, grand maître de l'Université, l'Anathème; l'abbé Grégoire, fils de Jean-Baptiste, l'Anabaptiste; de Jussieu, le naturaliste, l'Olécrane; Cambacérès, toujours élégant, l'Hanneton; le prince Eugène, au caractère joyeux, l'Anerie; David, qui importait les modes romaines, Modane, Isabey, qui était gourmand, Frangipane; le géographe Mac-Carthy, Mac-Farlane, etc...
L'Angleterre et l'Amérique sont particulièrement fertiles en clubs étranges. nous signalerons le Club des Amis des Chiens, dont les deux sexes peuvent faire partie à condition de posséder au moins un toutou.
Dans notre photographie représentant une Assemblée plénière du Club des Amis des Chiens, on remarquera combien sont sages les bichons, loulous et roquets, en l'honneur desquels ce cercle fut créé. Pas un n'a bougé devant le photographe.
Dans notre photographie représentant une Assemblée plénière du Club des Amis des Chiens, on remarquera combien sont sages les bichons, loulous et roquets, en l'honneur desquels ce cercle fut créé. Pas un n'a bougé devant le photographe.
Dans un autre ordre d'idées, un riche Anglais, M. Thompson Crone, n'a-t-il pas fondé, dans la jolie ville de Matlock, en Grande-Bretagne, un club destiné à combattre la neurasthénie, et qu'il a baptisé le Club du Sourire?
Les membres de ce club s'engagent par serment à accueillir avec une sereine gaîté les pires ennuis de ce misérable monde et à conserver le "sourire" dans les plus difficiles circonstances, particulièrement dans celles, où le commun des mortels, qui manque de philosophie et d'éducation, serait disposé à tout maudire.
M. Crone ayant remarqué, non sans raison, que les hommes sont d'humeur particulièrement désagréables au saut du lit, engage ses adeptes à accentuer surtout leurs sourires dans les premières heures du jour.
M. Thompson Crone vient d'entreprendre, à travers l'Angleterre, un voyage de propagande et, ce qui prouve que le flegme britannique, n'exclut pas la gaîté, il a déjà recruté, paraît-il, de nombreux disciples.
Le droit d'adhésion au club est d'un shilling et l'admission des nouveaux membres donne lieu à une curieuse cérémonie d'initiation dont les rites, paraît-il, sont tout à fait amusants. Le Club du Sourire n'est pas cependant qu'une joyeuse plaisanterie. Ses ressources, en effet, sont consacrées à envoyer à la mer les enfants pauvres de la capitale.
De ce Club du Sourire, on peut rapprocher le club des Joyeuses Vieilles Dames. C'est à Los Angeles, en Californie, qu'il a pris naissance. Les membres de ce club se vantent d'être les plus jeunes parmi les vieilles dames, elle sont fières de leur âge, elles parlent de tout avec un optimisme charmant, elles ont juré de garder un cœur toujours jeune.
Voici quelques maximes à l'honneur dans le club en question:
"La bonne humeur donne une jeunesse perpétuelle. La vie est éternelle. La mort, telle qu'on la comprend habituellement n'existe pas. Les êtres humains passent simplement de ce monde à un autre."
"Il est absolument défendu de s'appesantir sur les idées de maladie et de calamité."
"Les semblables attirent les semblables: donc des sentiments doux et tendres souvent exprimés finissent par former un caractère tout de douceur et de tendresse."
"Soyez toujours de bonne humeur et soyez décidées à ne jamais être tristes."
Pour être admise dans ce club, il faut, avant tout, être une optimiste avérée et avoir atteint sa soixantième année. Si l'on remplit ces deux conditions, il n'y a plus qu'à attendre une vacance, le nombre des membres étant limité.
Voilà, si l'on peut dire, des clubs d'éducations morales et à tendance idéalistes. Il en est de plus terre à terre sinon de moins divertissants. Que pensez-vous de la Ligue des Chapeaux Vissés, qui existe à Berlin et où nombre de chauves se sont fait inscrire? Cette ligue mène une ardente campagne pour que les civils, tout comme les soldats, gardent leur couvre-chef vissé sur la tête, tant qu'ils sont dans la rue, et fassent simplement le salut militaire.
Bien des rhumes, affirme-t-on, seront ainsi évités. Et puis, il y a une question d'économie très importante: les rebords des chapeaux se gondoleront moins et s'useront moins vite. Il paraît qu'aucun chapelier n'a encore donné son adhésion à cette ligue.
Egalement pratique et utilitaire, la Ligue de Protestation contre les écritures et signatures illisibles, principalement celles des fonctionnaires de l'Etat.
Celle-ci est une ligue française et parisienne, dont l'existence nous est révélée par un en-tête de lettre. Des commentaires savoureux accompagnent ce titre impressionnant: "Il n'appartient qu'à un infirme ou à un enfant trouvé de signer illisiblement", etc.
Etes-vous timide, hésitez-vous à parler en public, au moment de commencer votre conférence, êtes-vous pris à la gorge par l'horrible trac? Demandez à faire partie du Club du discours en Public qui existe à Londres. Ce club a ouvert un cours d'éloquence auquel assistent déjà plus de deux cent avocats, clergymen, professeurs ou conférenciers. La méthode d'enseignement pratiquée est aussi simple qu'efficace. Le débutant dont on veut vaincre la timidité commence son discours dans une salle que remplit un nombreux auditoire, mais où est faite l'obscurité la plus absolue. Graduellement, et à mesure que le discours s'avance, la salle s'éclaire, de sorte qu'en terminant, l'orateur novice, sans s'en être aperçu, se trouve à parler en pleine lumière devant une nombreuse assistance.
Si l'étudiant est plus timide encore, on a recours au procédé suivant: on lui fait apprendre par cœur un discours qu'il commence à réciter du haut d'une plate-forme, en même temps qu'une dizaine de ses camarades. Au fur et à mesure qu'avance le discours, l'un de ces derniers se retire, puis un autre, jusqu'à ce que le novice, ayant alors pris confiance en lui-même, se trouve seul à parler sur la plate-forme.
L'antithèse du Club du Discours existe, comme on pouvait s'y attendre. Des gens paisibles, ennemis de tout bruit, ont fondé à New-York le Club du Silence, dont les membres se condamnent au mutisme absolu. Cette idée n'est d'ailleurs point nouvelle. Il y avait à Londres, vers la fin du dix-septième siècle, une association qui s'était imposée comme loi fondamentale de ne faire entendre aucun son de la voie humaine, convaincue de l'inutilité de ce vain babil, et plusieurs clubs du même genre existent chez les Chinois.
Le surprenant, c'est que l'on trouve dans ces cercles drôlatiques des gens auxquels leur profession ferait plutôt un devoir de la gravité et de l'austérité. Lorsque M. Taft fut élu président des Etats-Unis, il fut reçu par le Gridirion-Club où il est de tradition de blaguer avec une verve bien yankee l'invité d'honneur. Au cours du repas, cent épisodes plus cocasses et plus irrespectueux les uns que les autres vinrent égayer l'assistance. "Soudain, écrit un journal de New-York, quelques membres du cercle quittèrent la table pour tirer désespérément un fil qui allait jusqu'au balcon. Le président Taft s'étonne. On lui explique qu'il y a, au bout du fil, une colombe qui apporte sans doute un message pour l'hôte du cercle. De fait, la colombe est une oie superbe, et qui, effectivement, a quelques messages attachés à la patte. Sur l'un d'eux, on peut lire une déclaration de M. Roosevelt, prêt, dit-il, à couper les bras de M. Taft, promoteur des traités d'arbitrage. Par d'autres lettres, ce dernier accueille la requête de certains chefs de trusts qui imploraient pour qu'on leur laissât la paix désormais." Le Press-Club de Londres est coutumier de fantaisies carnavalesques de ce genre.
Il n'y a pas bien longtemps, lors de son voyage dans l'Etat de l'Ouest, M. Roosevelt subit une initiation analogue comme chevalier de l'Aksarben (anagramme du Nebraska). Le siège de cette extraordinaire association est un vaste édifice comprenant un grand nombre de couloirs et de chambres mystérieuses parcourus par une corde toujours en mouvement. Une fois entré dans la place, il est impossible de lâcher la corde, car les gens vous poussent par derrière. M. Roosevelt monta ainsi sur un univers en miniature tournant autour d'un axe et, quand il arriva près de l'équateur, la force centrifuge l'envoya rouler à dix mètres. Il prit place ensuite dans une automobile avec six dames en cire qui disparurent mystérieusement et le laissèrent seul. Après une explosion formidable, le colonel se trouva commodément assis sur un tas de foin. Enfin, l'ex-président parcourut tout une série de coins mystérieux dont il sortit le chapeau bosselé et la redingote en piteux état.
En somme, se réunir pour se divertir est une des nécessité de la vie et tout ce qui donne à celle-ci plus d'élan, de force et de gaîté est louable.
Jacques Freneuse.
Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.
Pour être admise dans ce club, il faut, avant tout, être une optimiste avérée et avoir atteint sa soixantième année. Si l'on remplit ces deux conditions, il n'y a plus qu'à attendre une vacance, le nombre des membres étant limité.
Voilà, si l'on peut dire, des clubs d'éducations morales et à tendance idéalistes. Il en est de plus terre à terre sinon de moins divertissants. Que pensez-vous de la Ligue des Chapeaux Vissés, qui existe à Berlin et où nombre de chauves se sont fait inscrire? Cette ligue mène une ardente campagne pour que les civils, tout comme les soldats, gardent leur couvre-chef vissé sur la tête, tant qu'ils sont dans la rue, et fassent simplement le salut militaire.
Bien des rhumes, affirme-t-on, seront ainsi évités. Et puis, il y a une question d'économie très importante: les rebords des chapeaux se gondoleront moins et s'useront moins vite. Il paraît qu'aucun chapelier n'a encore donné son adhésion à cette ligue.
Egalement pratique et utilitaire, la Ligue de Protestation contre les écritures et signatures illisibles, principalement celles des fonctionnaires de l'Etat.
Celle-ci est une ligue française et parisienne, dont l'existence nous est révélée par un en-tête de lettre. Des commentaires savoureux accompagnent ce titre impressionnant: "Il n'appartient qu'à un infirme ou à un enfant trouvé de signer illisiblement", etc.
Etes-vous timide, hésitez-vous à parler en public, au moment de commencer votre conférence, êtes-vous pris à la gorge par l'horrible trac? Demandez à faire partie du Club du discours en Public qui existe à Londres. Ce club a ouvert un cours d'éloquence auquel assistent déjà plus de deux cent avocats, clergymen, professeurs ou conférenciers. La méthode d'enseignement pratiquée est aussi simple qu'efficace. Le débutant dont on veut vaincre la timidité commence son discours dans une salle que remplit un nombreux auditoire, mais où est faite l'obscurité la plus absolue. Graduellement, et à mesure que le discours s'avance, la salle s'éclaire, de sorte qu'en terminant, l'orateur novice, sans s'en être aperçu, se trouve à parler en pleine lumière devant une nombreuse assistance.
Si l'étudiant est plus timide encore, on a recours au procédé suivant: on lui fait apprendre par cœur un discours qu'il commence à réciter du haut d'une plate-forme, en même temps qu'une dizaine de ses camarades. Au fur et à mesure qu'avance le discours, l'un de ces derniers se retire, puis un autre, jusqu'à ce que le novice, ayant alors pris confiance en lui-même, se trouve seul à parler sur la plate-forme.
L'antithèse du Club du Discours existe, comme on pouvait s'y attendre. Des gens paisibles, ennemis de tout bruit, ont fondé à New-York le Club du Silence, dont les membres se condamnent au mutisme absolu. Cette idée n'est d'ailleurs point nouvelle. Il y avait à Londres, vers la fin du dix-septième siècle, une association qui s'était imposée comme loi fondamentale de ne faire entendre aucun son de la voie humaine, convaincue de l'inutilité de ce vain babil, et plusieurs clubs du même genre existent chez les Chinois.
Le surprenant, c'est que l'on trouve dans ces cercles drôlatiques des gens auxquels leur profession ferait plutôt un devoir de la gravité et de l'austérité. Lorsque M. Taft fut élu président des Etats-Unis, il fut reçu par le Gridirion-Club où il est de tradition de blaguer avec une verve bien yankee l'invité d'honneur. Au cours du repas, cent épisodes plus cocasses et plus irrespectueux les uns que les autres vinrent égayer l'assistance. "Soudain, écrit un journal de New-York, quelques membres du cercle quittèrent la table pour tirer désespérément un fil qui allait jusqu'au balcon. Le président Taft s'étonne. On lui explique qu'il y a, au bout du fil, une colombe qui apporte sans doute un message pour l'hôte du cercle. De fait, la colombe est une oie superbe, et qui, effectivement, a quelques messages attachés à la patte. Sur l'un d'eux, on peut lire une déclaration de M. Roosevelt, prêt, dit-il, à couper les bras de M. Taft, promoteur des traités d'arbitrage. Par d'autres lettres, ce dernier accueille la requête de certains chefs de trusts qui imploraient pour qu'on leur laissât la paix désormais." Le Press-Club de Londres est coutumier de fantaisies carnavalesques de ce genre.
Il n'y a pas bien longtemps, lors de son voyage dans l'Etat de l'Ouest, M. Roosevelt subit une initiation analogue comme chevalier de l'Aksarben (anagramme du Nebraska). Le siège de cette extraordinaire association est un vaste édifice comprenant un grand nombre de couloirs et de chambres mystérieuses parcourus par une corde toujours en mouvement. Une fois entré dans la place, il est impossible de lâcher la corde, car les gens vous poussent par derrière. M. Roosevelt monta ainsi sur un univers en miniature tournant autour d'un axe et, quand il arriva près de l'équateur, la force centrifuge l'envoya rouler à dix mètres. Il prit place ensuite dans une automobile avec six dames en cire qui disparurent mystérieusement et le laissèrent seul. Après une explosion formidable, le colonel se trouva commodément assis sur un tas de foin. Enfin, l'ex-président parcourut tout une série de coins mystérieux dont il sortit le chapeau bosselé et la redingote en piteux état.
En somme, se réunir pour se divertir est une des nécessité de la vie et tout ce qui donne à celle-ci plus d'élan, de force et de gaîté est louable.
Jacques Freneuse.
Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.
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