Sarah Bernhardt a deux devises, l'une d'enthousiasme et de fierté: Quand même! l'autre mélancolique et désenchantée: Tout passe, tout lasse, tout casse. On attribue même ce proverbe à la grande artiste. Nous devons cependant à la vérité de dire que, toute sa vie, Sarah Bernhardt s'est conformée avec un scrupuleux zèle à son hardi: Quand même! C'est le plus bel exemple de fidélité qu'elle ait donné.
De là sa démission de sociétaire de la Comédie Française (1879); sa rentrée, la même année; puis son brusque départ à Sainte-Adresse, en 1880, caprice qui ne lui coûte que 145.000 francs gagnés dans un procès par la Comédie.
De là encore les coups de cravache donnés à l'actrice Marie Colombier (1883) ; de là une nouvelle retraite à Sainte-Adresse (1884), causée, a-t-on dit par une rupture. Qui donc avait rompu? Un poète chevelu, jongleur de rimes sonnantes, chantre de rouflaquettes et de claquepatins.
Sarah Bernhardt aurait certes mérité, après une carrière aussi remplie que la sienne, un repos réparateur; mais son activité inlassable ne l'entend pas ainsi: il y a peu d'années qu'elle se livrait journellement au sport fatiguant de l'escrime, pour ferrailler avec énergie dans Lorenzaccio. M. Clarette, rapporte que, voulant prendre des leçons d'anglais, pour jouer Shakespeare dans le texte à Londres, elle déclara à son professeur n'avoir qu'une demi-heure par jour à lui donner: de 2 heures à 2h1/2 ... du matin!
Sarah est aussi prodigue de son argent que de ses forces; si elle ne dépense que 100 francs par jour de fleurs, c'est grâce à sa vieille nourrice qui ne veut pas lui laisser faire des folies.
Dans un temps que mes lecteurs n'ont pas tous connu, il aurait fallu des appareils de précision pour mesurer la taille de Sarah Bernhardt. "Quand elle entre dans une baignoire, l'eau baisse" disait-on. Elle-même, parlant d'une ascension en ballon qu'elle fit en 1878, avec le peintre Georges Clairin, qui avait alors ses faveurs, a écrit qu'elle délestait le ballon plutôt qu'elle ne le chargeait.
Car Sarah a publié un livre sur son ascension: elle a fait, en 1879, les salons dans Le Globe; elle a écrit une pièce: L'Aveu, des contes, etc... Elle est aussi statuaire, comme chacun sait, et a exposé à de nombreux Salons plus de vingt ouvrages, parmi lesquels se trouvent les bustes de Melle L. Abbéma et de Coquelin Cadet, et plusieurs peintures. Une vitrine particulière, à l'Exposition de 1900, contenait des statuettes très originales de Sarah Bernhardt. On a prétendu que tous ces ouvrages n'étaient pas de sa main: je suis en mesure d'affirmer qu'ils portent sa signature.
Sarah Bernhardt à un fils qui s'appelle Maurice Bernhardt, comme sa mère, et qui fait des pièces de théâtre, que même sa mère ne pourrait rendre bonnes, en les jouant.
Jean Jouis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 1er mars 1903.
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