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lundi 19 mars 2018

Chronique du 13 juin 1858.

Chronique du 13 juin 1858.

Les malfaiteurs, maintenant effarouchés dans Paris par le grand nombre de sergents de ville, sont en grand nombre dans les campagnes d'alentour. En voici un, du moins, qui vient de faire une fin digne de lui.
Une lingère, du nom de Madeleine L..., s'était arrêtée, pour déjeuner, dans une petite auberge de Vaugirard. Un individu qui se trouvait à la même table, et qui avait remarqué sur elle une chaîne d'or, un porte-monnaie bien garni, s'informa du lieu où elle se rendait, apprit que c'était à Meudon, et offrit de l'accompagner.
Ils ne furent pas plutôt dans les champs, aux bords de la Seine, que le galant chevalier, assurant que sa compagne était fatiguée, la força de s'asseoir sur l'herbe à ses côtés.
Mais sous le bouquet d'arbres où ils s'étaient reposés, cet homme prit Madeleine dans ses bras et s'élança avec elle dans la rivière, où il fit tous ses efforts pour la tenir enfoncée et la noyer.
Cependant, les cris jetés par la malheureuse femme avaient été entendus par deux pêcheurs; ils se jetèrent à la nage et se dirigèrent à l'endroit où les jupes de Madeleine, la soutenant sur l'eau,  la faisait apercevoir. A leur aspect, le malfaiteur venait de lâcher prise, et les pêcheurs purent ramener au bord la victime encore vivante.
Pour le meurtrier, qui n'osait reparaître à la surface de la rivière, le courant l'avait entraîné; et après une heure de recherches, on ne trouva plus que son cadavre.

***

On parle d'un autre voleur non moins providentiellement puni.
Dans une belle ferme de nos campagnes habitait un chien qui, par son excellent naturel, s'était fait l'ami de toute la maison et aimait aussi profondément ses maîtres.
Un ouvrier cosmopolite passa; et comme le chien était aussi beau que bon, il trouva le moyen de s'en emparer pour le vendre.
Il le traîna longtemps à sa suite, le tenant attaché à une corde, et le maltraitant souvent, jusqu'à ce qu'il en trouvât un prix convenable.
Le chien, qui s'était d'abord montré plein de regrets pour ses anciens maîtres et furieux contre le ravisseur, comprit qu'il fallait changer d'apparence.
Il feignit tout à coup une tendresse extrême pour l'ouvrier, passa sa vie à lui lécher les mains et le caresser. Par ce moyen, il parvint à se faire ôter son lien.
La première nuit où il fut libre, profitant du sommeil du ravisseur, il fouilla dans ses habits, y prit le vieux portefeuille qui contenant le passeport et les papiers de l'ouvrier.
Puis, il s'élança au dehors, courut bride abattue jusqu'à se ferme chérie de Moutoronne, et remit à son maître, avec ce portefeuille, le nom et le signalement qui pouvait mettre la justice sur les traces du voleur. Ce qui arriva bientôt, en effet.

***

C'est à juste titre qu'on vante les chevaux anglais. Voici les hauts faits accomplis par l'un d'eux.
Son maître, vaquant à ses affaires, l'avait attaché avec le cabriolet au poteau d'un réverbère. L'animal n'aimait pas attendre. Au bout de peu de minutes, ennuyé de son oisiveté, il cassa son lien et se mit à galoper en tous sens.
Le premier résultat de cette distraction folâtre fut de briser en mille pièces le pauvre cabriolet contre un tronc d'arbre. Ensuite, il s'en alla heurter l'avant-train contre une grille, et l'y laissa accroché.
Bien plus libre alors pour ses jeux, et suivant un chemin qu'il avait peut-être vu prendre à son maître, il courut vers un débit de boissons, s'y élança ventre à terre, renversa tout dans le comptoir, et alla se jeter de tout son long sur un canapé qui décorait un cabinet particulier.
Mais tout s'enfuit sur son passage; et le cheval, si bien installé qu'il fût, s'ennuya de sa solitude. Il prit son élan et alla enfiler une fenêtre fermée, comme s'il eût été au Cirque en face d'un ballon de papier. Il y passa comme une lettre à la poste, si ce n'est qu'il mit en pièces vitres, boiseries et persiennes.
Mais la fenêtre donnant sur une cour fermée, il lui fallut mettre fin à ses prouesses. Ce fut là qu'on s'empara de sa personne, en disant avec plus de conviction que jamais, que rien n'est leste et fin coureur comme un cheval anglais.

                                                                                                                   Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 13 juin 1858.

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