Tribulations des barbus.
Dans la vieille Gaule, on portait les cheveux épars en signe le liberté. Quand la nation fut subjuguée par les Francs, les cinq mille francs de Clovis, elle porta les cheveux courts; les serfs avaient la tête rasée. Charlemagne, qui devait être le patron des barbiers, dont il fit la fortune, proscrivit la barbe. Durant tout le moyen-âge, il n'y eut en France que des mentons rasés, sauf ceux des paysans et des pèlerins revenant de Jérusalem.
Après avoir eu quelque vogue sous Philippe de Valois, la barbe fut réhabilitée par François 1er. Bientôt, les barbes rondes, carrées, en éventail, en feuille d'artichaut firent florès, bien que les Parlements et les gens de justice s'élevassent avec vigueur contre ces ornements.
Au XVIIe siècle survint une nouvelle décadence de la barbe. On ne toléra sous le menton qu'un petit bouquet de poils qui ne tarda pas à disparaître.
Les barbus de 1799.
Il faut attendre jusqu'en 1799 pour voir surgir en France une génération de gens barbus. Ce furent des artistes pour la plupart. La science de l'antiquité avait repris faveur. On imitait les Anciens. Certains vases grecs, dont l'étude était devenue familière après la Terreur, exercèrent une grande influence sur la mode. C'est de cette époque que date le goût pour les fomes et les ornements grecs, dont on fit l'application aux modes des femmes, à la décoration des appartements et aux ustensiles les plus communs.
Quelques élèves du peintre David formèrent alors une secte qui prit le nom de secte des "primitifs"* et s'appliqua à favoriser le retour aux mœurs et aux usages de l'antiquité. Ces jeunes gens firent tailler leurs habits sur le patron de ceux qui couvraient les figures des vases grecs et laissèrent croître leurs cheveux et leurs barbes.
Le goût des arts antiques se développa de plus en plus jusqu'au point d'absorber toutes les distractions sociales et littéraires. Les femmes se vêtirent à la grecque. On avait remis à l'honneur les exercices physiques si florissants dans la jeunesse d'Athènes. Tous les jeunes gens, depuis les plus pauvres jusqu'aux plus riches, exhibaient journellement leurs membres nus sur les bords de la Seine et rivalisaient, en nageant, de force et d'adresse.
Quelques élèves du peintre David formèrent alors une secte qui prit le nom de secte des "primitifs"* et s'appliqua à favoriser le retour aux mœurs et aux usages de l'antiquité. Ces jeunes gens firent tailler leurs habits sur le patron de ceux qui couvraient les figures des vases grecs et laissèrent croître leurs cheveux et leurs barbes.
Le goût des arts antiques se développa de plus en plus jusqu'au point d'absorber toutes les distractions sociales et littéraires. Les femmes se vêtirent à la grecque. On avait remis à l'honneur les exercices physiques si florissants dans la jeunesse d'Athènes. Tous les jeunes gens, depuis les plus pauvres jusqu'aux plus riches, exhibaient journellement leurs membres nus sur les bords de la Seine et rivalisaient, en nageant, de force et d'adresse.
Barbes rasées par la police.
Une scène fort amusante de passa vers le même temps dans les taillis du Bois de Boulogne. Une vingtaine de jeunes peintres barbus, imitateurs de la secte des primitifs et, comme eux, portant des vêtements fagotés à la grecque, s'était épris de la poésie d'Ossian**, qu'un mystificateur anglais avait révélée au monde littéraire étonné. Ils ne rêvaient plus que forêt, vie sauvage et mythologie ossianique.
Un jour, ayant résolu de fuir Paris et de vivre de l'existence des bardes, ils se dirigèrent vers les futaies du Bois de Boulogne où ils se mirent à réciter les poèmes de leur dieu. Le soir, surpris par l'obscurité et le froid, ces inspirés s'avisèrent dans un excès d'enthousiasme, de se comporter tout à fait comme les héros d'Ossian, et, après avoir battu le briquet, ils voulurent mettre le feu à un arbre.
Mais à peine la flamme commençait-elle à briller que la gendarmerie, alarmée de ce commencement d'incendie, arriva sur les lieux, empoigna tous les bardes parisiens et les conduisit à la Préfecture de police, d'où on ne les lâcha qu'après les avoir fait raser.
Mais à peine la flamme commençait-elle à briller que la gendarmerie, alarmée de ce commencement d'incendie, arriva sur les lieux, empoigna tous les bardes parisiens et les conduisit à la Préfecture de police, d'où on ne les lâcha qu'après les avoir fait raser.
Les "gothiques" de 1830.
Depuis cette époque, jusqu'en 1825, personne, excepté les sapeurs de nos régiments, ne se promena dans Paris sans avoir fait sa barbe. Une nouvelle influence grecque, moderne celle-là, introduisit alors l'usage de la moustache. Les Hellènes, essayant de secouer le joug des Turcs, on se prit d'une belle ardeur pour leur cause. Les jeunes Parisiens qui s'occupaient le lettres et d'art, commencèrent par se coiffer de petites toques orientales et à fumer de longues pipes, en se tenant accroupis sur leurs sièges et sur leurs canapés. Toutes les lèvres se couvrirent bientôt d'épaisses moustaches;
Mais on ne tarda à aller plus loin: on laissa pousser la "royale" et, au bout de quelque temps, on se décida à être complètement barbu. C'est que le succès des récits de Walter Scott jetait nos écrivains dans les postiches du Moyen-Age et, comme les chevaliers aux barbes fleuries dont parlaient les livres nouveaux, les jeunes gens laissaient croître leur toison, afin de se distinguer des bourgeois glabres.
Nous eûmes ainsi les "gothiques" barbus de 1830, après avoir eu les "primitifs" de 1800.
Un symbole de républicanisme.
La Révolution de 1848 amena en France une autre résurrection de la barbe contre laquelle réagit l'Empire en essayant de l'interdire aux fonctionnaires. La barbe devint de la sorte un symbole de républicanisme, comme elle l'avait été pour Caton, Régulus et les autres républicains de la vieille Rome, lorsque les empereurs donnèrent à la société romaine l'habitude de se raser chaque jour.
La troisième République a fort heureusement inauguré, sous ce rapport, un régime de liberté complète. On ne reconnait plus maintenant les gens à leur poil, et chacun fait sa barbe comme il lui plaît.
Jacques Mornand.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 septembre 1907.
Nota de célestin Mira:
* Voir: https://fr.wikipedia.org/wiki/Secte_des_Barbus
** Voir: Anne-Marie THIESSE, « Le mythe d’Ossian », Histoire par l'image.
http://www.histoire-image.org/fr/etudes/mythe-ossian
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