Qu'as-tu fait de ta tête?
Pendant la guerre de Crimée, deux fantassins, camarades de lit, l'un Bourguignon, l'autre Franc-Comtois, s'étaient juré de se secourir mutuellement sur le champ de bataille, s'il arrivait malheur à l'un d'eux.
A l'attaque du Grand- Redan*, le Bourguignon eut la jambe emportée; il appela son camarade, lui fit voir sa blessure et le supplia de le porter à l'ambulance.
Le Franc-Comtois, pour toute réponse, s'empressa de le charger sur ses épaules et de se diriger vers les tranchées.
En chemin, un boulet enleva la tête du blessé sans que le Franc-Comtois s'en aperçut.
Un officier qui le vit passer avec ce cadavre sur les épaules, lui demanda où il allait.
- A l'ambulance, mon lieutenant, où je vais faire panser mon camarade.
- Comment, imbécile, tu vas faire panser un corps sans tête?
- Sans tête! fit le fantassin.
A ces mots, il déposa le cadavre à terre, et le considérant avec stupéfaction:
- Ah! par exemple, c'est trop fort, s'écria-t-il, mais il vient de me dire lui-même que c'était une jambe qu'il avait perdue!
Le brave Franc-Comtois, s'il n'est pas mort, cherche encore le mot de l'énigme.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 1er décembre 1907.
Nota de Célestin Mira:
*
Intérieur d'une batterie russe du Grand-Redan,
Sébastopol, en 1855.
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