Chronique du dimanche 6 juin 1858.
Peu de personnes savent pour quelles raisons le bois de noyer n'est pas exporté de France.
Le maréchal Soult avait été choisi pour représenter le roi au couronnement de la reine Victoria. Pendant son séjour en Angleterre, le maréchal visita les arsenaux. A la tour de Londres, il remarqua le bois des fusils; et, sachant que la Grande-Bretagne produisait peu de noyers, il demanda d'où on tirait ce bois.
Il lui fut répondu que c'était de France.
A son retour à Paris, Son Excellence prit un arrêté pour qu'il ne fût plus exporté de bois de noyer; et depuis ce temps, l'Angleterre a dû s'en passer pour la fabrication de ses armes.
A propos de prohibition, un négocient belge a trouvé le moyen de faire passer en France ses dentelles sans payer de droits et à la barbe de toute la douane.
On envoie de Belgique des paniers de pigeons vivants; chaque panier contient trente à quarante pigeons, et ils y sont extrêmement pressés.
Au milieu de ces pigeons vivants, le négociant en plaçait un certain nombre d'empaillés, qu'il était impossible de distinguer des autres; et ces pigeons-là étaient empaillés de fines malines et de riches bruxelles. Au moyen d'une spirale élastique, il leur donnait le mouvement d'oiseaux vivants, comme on le voit sur quelques devantures des boulevards; et jamais aucun douanier n'avait remarqué l'artifice.
Plusieurs mille mètres de dentelles sont parvenus ainsi au correspondant de Paris.
Mais il n'est si belle fête qu'elle ne finisse; l'industrieux industriel a été trahi.
L'if, si commun, dans nos jardins, n'était guère connu pour un poison, lorsque, l'autre jour, trois beaux chevaux, attachés près de l'un de ces arbres, se sont mis à manger de ses feuilles et sont tombés foudroyés. L'attention ayant été éveillée par ce fait, on a bientôt découvert que ce végétal était mortel pour un grand nombre d'animaux; il leur cause des vertiges, une sorte d'ivresse, puis une léthargie suivie de mort.
La société protectrice de ces bonnes bêtes va sans doute s'en alarmer et proscrire des arbres d'agrément si peu agréables à ses protégés.
Par compensation des beaux chevaux perdus de cette manière, on vient de découvrir le moyen de dompter ces animaux les plus fougueux sans les tourmenter le moins du monde, au contraire.
On les magnétise. Des passes faites avec patience sur la tête du cheval, entre ses oreilles, puis sur son encolure, détendent ses muscles d'une manière extraordinaire, et lui donnent tout à coup l'humeur la plus douce.
Après quelques jours de ce traitement, l'animal le plus impétueux est dompté.
Mais on ne dit pas si le cheval ainsi magnétisé devient lucide.
Il est malheureux qu'on ne puisse employer ce moyen pour les hommes.
On a eu dernièrement au Havre un spectacle épouvantable. Un matelot, nommé Lemerelle, a conçu le désir effréné de tuer un douanier. Cet homme, taillé en Hercule, étant à trois heures du matin sur le pont notre-Dame, s'est précipité sur le sous-brigadier Dutertre, et l'a accablé de coups de poings, en cherchant à lui arracher son sabre pour le frapper.
Traduit pour ce fait devant la justice, le matelot, après quelques jours de prison, a été à l'audience. Là, il s'est jeté en furieux sur les agents de police, voulant ce jour-là tout tuer. Avec sa force colossale, ayant la rage dans les yeux, l'écume à la bouche, il n'a cédé que devant le grand nombre d'adversaires, et en laissant derrière lui de nombreuses blessures.
Paul de Couder.
Journal du Dimanche, dimanche 6 juin 1858.
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