L'acteur de Max.
M. de Max, qui s'appelle tout simplement Max est né à Jassy, en Roumanie, en 1869. Il a épousé une de ses compatriotes, Mlle Ventura, qui est une actrice de talent.
Ce n'est pas un événement banal que celui qui a fait d'une jeune Roumain un des premiers acteurs tragiques de France. M. de Max remporta, à vingt deux ans, le premier prix de tragédie et le premier prix de comédie au Conservatoire où il avait reçu les leçons de Worms. Il passa ensuite deux ans à l'Odéon sans grand éclat, mais appelé par Sarah Bernhardt, il commença auprès d'elle à acquérir sa réputation.
L'accent natal dont il n'a jamais pu se débarrasser, sa voix nasillarde et son zézaiement ne furent pas les seules causes de sa réputation: ses cheveux crépus et son menton en galoche y ont également contribué. A ses avantages physiques, M. de Max qui fait fine taille et met volontiers un corset, joint une grande intelligence et un vif amour-propre. C'est par amour-propre qu'il est ambitieux; c'est par amour-propre qu'il porte des gilets de velours et des complets d'été, car il aime se faire remarquer par sa belle mine. Cet acteur tragique est extrêmement coquet et dédaigne la simplicité de manières de ces gens qui ressemblent à tout le monde.
De Max quitta Sarah Bernhardt, avec laquelle il avait créé Gismonda*, La Princesse lointaine, pour retourner à l'Odéon, puis il fut engagé par Antoine: Le repas du Lion, La Gitane*, furent ses principales créations à l'ancien théâtre des Menus-Plaisirs*.
Quand la pièce du Roi de Rome* fut donnée au Nouveau-Théâtre, M. de Max y joua le rôle du fils de Napoléon (1899). Il eut un assez vif succès, dont on n'a pas su s'il fallait l'attribuer uniquement à son jeu ou bien à la perruque blonde qui lui couvrait les épaules. Car une transformation complète avait été nécessaire pour que M. de Max, qui est très brun, de visage et de crinière, pût ressembler au blond roi de Rome.
Depuis lors, tantôt ici et tantôt là, il a joué au gré de sa fantaisie, sur plusieurs scènes de Paris et d'ailleurs. A l'Odéon il a créé La Guerre en dentelles* où ses mièvreries étaient tout à fait de saison.
Antoine en prenant l'Odéon l'y a de nouveau appelé.
Au théâtre Sarah Bernhardt, il joua dans Francesca da Rimini, l'Aiglon, etc. A la porte Saint-Martin dans Quo Vadis le rôle de Pétrone. Aux arènes de Béziers on le vit dans Prométhée et Bacchus. Il ne dédaigna même pas se montrer Bouffes-Parisiens, dans un rôle du Talisman qui n'avait rien de tragique. Mais l'aventure se termina mal: une affiche ayant été préparée qui représentait l'artiste dans le simple appareil décrit par Racine, M. de Max estima que cette image nuirait à sa réputation d'élégance; il en exigea la destruction et, faute d'entente avec la direction, abandonna son rôle.
Cet incident marqua le début d'un ère fâcheuse pour cet artiste. Ayant eu, quelques mois après, l'idée néfaste de partir en Amérique, aux côtés de Sarah Bernhardt, il connut des déboires dont le souvenir le dissuadera sans doute de retourner d'ici longtemps dans le Nouveau-Monde. Une discussion s'éleva, à la Nouvelle-Orléans, entre son impresario et lui, et il y eut échange de témoins: c'est la plus bénigne de ses aventures.
Autrement pénible pour son amour-propre et pour la correction de sa tenue fut le traitement que les Canadiens lui infligèrent lors de son passage à Québec. Il venait de jouer avec Sarah Bernhardt la Sorcière* et allait reprendre le train, lorsqu'une troupe de manifestants essayèrent de faire un mauvais parti aux artistes et les assaillirent à l'aide d’œufs crus en guise de lauriers. M. de Max reçut, paraît-il, un œuf en pleine figure, ce qui lui causa le plus profond étonnement, car il n'en avait jamais consommé de cette manière. Bref, il aurait été peut-être assommé, s'il n'avait pu se réfugier dans un café. Plus heureuse que ses compagnons, Mme Sarah Bernhardt** resta indemne.
Quand ils furent confortablement installés dans leurs wagons, le premier moment de stupeur passé, les artistes ne firent que rire de leur aventure. Seul M. de Max resta sombre. On respecta son silence et l'on contempla d'un œil triste le désordre de sa toilette, mais dès le lendemain les cuisinières des petites camarades avaient l'ordre de faire figurer sur leurs menus un plat "d’œufs pochés à la de Max".
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 septembre 1907.
Nota de Célestin Mira:
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https://tolkien2008.wordpress.com/2011/02/26/sarah-bernhardt-suscite-la-colere-du-clerge-quebec-4-et-5-decembre-1905/
Ce n'est pas un événement banal que celui qui a fait d'une jeune Roumain un des premiers acteurs tragiques de France. M. de Max remporta, à vingt deux ans, le premier prix de tragédie et le premier prix de comédie au Conservatoire où il avait reçu les leçons de Worms. Il passa ensuite deux ans à l'Odéon sans grand éclat, mais appelé par Sarah Bernhardt, il commença auprès d'elle à acquérir sa réputation.
L'accent natal dont il n'a jamais pu se débarrasser, sa voix nasillarde et son zézaiement ne furent pas les seules causes de sa réputation: ses cheveux crépus et son menton en galoche y ont également contribué. A ses avantages physiques, M. de Max qui fait fine taille et met volontiers un corset, joint une grande intelligence et un vif amour-propre. C'est par amour-propre qu'il est ambitieux; c'est par amour-propre qu'il porte des gilets de velours et des complets d'été, car il aime se faire remarquer par sa belle mine. Cet acteur tragique est extrêmement coquet et dédaigne la simplicité de manières de ces gens qui ressemblent à tout le monde.
De Max quitta Sarah Bernhardt, avec laquelle il avait créé Gismonda*, La Princesse lointaine, pour retourner à l'Odéon, puis il fut engagé par Antoine: Le repas du Lion, La Gitane*, furent ses principales créations à l'ancien théâtre des Menus-Plaisirs*.
Quand la pièce du Roi de Rome* fut donnée au Nouveau-Théâtre, M. de Max y joua le rôle du fils de Napoléon (1899). Il eut un assez vif succès, dont on n'a pas su s'il fallait l'attribuer uniquement à son jeu ou bien à la perruque blonde qui lui couvrait les épaules. Car une transformation complète avait été nécessaire pour que M. de Max, qui est très brun, de visage et de crinière, pût ressembler au blond roi de Rome.
Depuis lors, tantôt ici et tantôt là, il a joué au gré de sa fantaisie, sur plusieurs scènes de Paris et d'ailleurs. A l'Odéon il a créé La Guerre en dentelles* où ses mièvreries étaient tout à fait de saison.
Antoine en prenant l'Odéon l'y a de nouveau appelé.
Au théâtre Sarah Bernhardt, il joua dans Francesca da Rimini, l'Aiglon, etc. A la porte Saint-Martin dans Quo Vadis le rôle de Pétrone. Aux arènes de Béziers on le vit dans Prométhée et Bacchus. Il ne dédaigna même pas se montrer Bouffes-Parisiens, dans un rôle du Talisman qui n'avait rien de tragique. Mais l'aventure se termina mal: une affiche ayant été préparée qui représentait l'artiste dans le simple appareil décrit par Racine, M. de Max estima que cette image nuirait à sa réputation d'élégance; il en exigea la destruction et, faute d'entente avec la direction, abandonna son rôle.
Cet incident marqua le début d'un ère fâcheuse pour cet artiste. Ayant eu, quelques mois après, l'idée néfaste de partir en Amérique, aux côtés de Sarah Bernhardt, il connut des déboires dont le souvenir le dissuadera sans doute de retourner d'ici longtemps dans le Nouveau-Monde. Une discussion s'éleva, à la Nouvelle-Orléans, entre son impresario et lui, et il y eut échange de témoins: c'est la plus bénigne de ses aventures.
Autrement pénible pour son amour-propre et pour la correction de sa tenue fut le traitement que les Canadiens lui infligèrent lors de son passage à Québec. Il venait de jouer avec Sarah Bernhardt la Sorcière* et allait reprendre le train, lorsqu'une troupe de manifestants essayèrent de faire un mauvais parti aux artistes et les assaillirent à l'aide d’œufs crus en guise de lauriers. M. de Max reçut, paraît-il, un œuf en pleine figure, ce qui lui causa le plus profond étonnement, car il n'en avait jamais consommé de cette manière. Bref, il aurait été peut-être assommé, s'il n'avait pu se réfugier dans un café. Plus heureuse que ses compagnons, Mme Sarah Bernhardt** resta indemne.
Quand ils furent confortablement installés dans leurs wagons, le premier moment de stupeur passé, les artistes ne firent que rire de leur aventure. Seul M. de Max resta sombre. On respecta son silence et l'on contempla d'un œil triste le désordre de sa toilette, mais dès le lendemain les cuisinières des petites camarades avaient l'ordre de faire figurer sur leurs menus un plat "d’œufs pochés à la de Max".
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 septembre 1907.
M. de Max et la grosse dame.
C'était dans les premières années de la carrière de M. de Max.
On lui avait confié le rôle de jeune premier dans je ne sais plus quel drame où il avait comme partenaire une dame d'âge mûr, beaucoup plus douée sous le rapport de l'embonpoint que sous celui du talent dramatique.
Je ne nommerai pas cette personne, autant par galanterie, que pour lui laisser le plaisir de se reconnaître.
Le jour de la première arrive.
Comme M. de Max est un acteur consciencieux et plein de feu, vous pensez bien que l'opulence des charmes que celle pour qui il devait brûler d'amour ne refroidissait pas son zèle.
La déclaration passionnée qu'il avait à lui faire au troisième acte, il s'en acquitta avec un lyrisme tel qu'entraîné par sa conviction, il eut instantanément l'idée d'ajouter à la pièce un jeu de scène de son cru: de ses bras, il entoura l'objet de son amour et fit mine de l'emporter avec lui dans la coulisse.
Mais l'héroïne était une si forte personne que tous robustes qu'ils étaient, les muscles de M. de Max se tendirent vainement.
A l'instant son enthousiasme disparut et il se sentait dans la situation la plus pénible où un acteur puisse être, quand un titi lança du haut du poulailler ces mots gouailleurs:
"Faudra que tu fasses deux voyages!"
Le rideau s'abaissa au bruit d'un rire général et la dame tomba dans un juste oubli.
Nota de Célestin Mira:
Edouard de Max dans Britannicus de Racine en 1915. |
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Affiche de Mucha. |
Affiche de Toulouse-Lautrec. |
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Le théâtre Antoine a remplacé le théâtre des Menus-Plaisirs construit en 1866. |
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Affiche de Charles Léandre. (1899) |
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Illustration de La Guerre en dentelles, drame de Georges d'Esparbes, créé au théâtre de l'Odéon. |
Dessin de Louise Abbema. |
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