L'Adam et l’Ève malgaches.
Quand la terre émergea des flots, Dieu y laissa tomber l'homme et la femme tout faits. Longtemps ils vécurent comme deux étrangers. Mais la femme, qui n'aime pas la solitude, fit la coquette auprès de l'homme. Ils nouèrent connaissance, resserrèrent petit à petit leurs liens d'intimité et s'unirent.
De cette union un fils naquit.
Aussitôt Dieu apparut aux deux époux dans un nuage brûlant et leur dit:
" De même que les bêtes sauvages, vous ne vous êtes nourris jusqu'ici que de racines et que de fruits. Maigre nourriture au demeurant. Il vous en faut changer. Laissez-moi tuer votre enfant: avec son sang je créerai une plante magnifique de laquelle vous tirerez plus de force que des fruits et des racines. Réfléchissez; je reviendrai chercher votre réponse."
A cette proposition inattendue, l'homme et la femme s'entre-regardèrent, et n'auraient certainement pas pu articuler un seul mot si Dieu avait exigé une réponse immédiate. La nuit durant ils mêlèrent leurs larmes. Leurs sanglots déchirants troublèrent le grand silence de la nature.
"Ah! ah! s'écria enfin la femme à bout de pleurs et affolée d'angoisse. Ah! ah! ah! que Dieu me prenne, mais qu'il laisse la vie à mon enfant."
L'homme, morne et recueilli, ne dit rien, mais de ses yeux maintenant taris, un sombre éclair jaillissait."
Le jour vint et Dieu aussi, sur son nuage toujours brillant. Mais plus brillant encore que le nuage apparaissait dans sa main un couteau à la lame tranchante comme celle d'une sagaie neuve. A cette vue un frisson de terreur parcourut la femme de la tête aux pieds et la secoua toute. Sa décision de la nuit l'abandonna. Elle s'élança vers l’Éternel et se prosterna la face dans la poussière en s'écriant:
"O mon Dieu! mon Dieu! prends mon enfant, pends-le, prends-le!"
L'homme lança à sa compagne un regard de pitié, puis saisissant son enfant à plein bras, il le pressa sur son coeur et le remit à sa mère. S'avançant alors, la poitrine découverte, il dit à Dieu:
"Tue-moi! mais laisse vivre mon fils!"
L’Éternel brandit alors l'arme terrible qu'il tenait à la main. La lame brillante envoya des éclairs de tous côtés.
"Tu vas mourir, cria-t-il d'une voix tonnante. Réfléchis avant que je te frappe.
- Inutile. Tue-moi."
Encore une fois le couteau tournoya dans l'air. L'homme ne sourcilla pas. Aucun trait de son visage ne trahit la plus minime émotion. La lame pénétra dans la chair, près du cou. Quelques gouttes de sang perlèrent sur la peau.
La blessure n'était que légère. Le Créateur avait voulu éprouver sa créature et il était content d'elle. Il prit ce sang et le répandit sur la terre. Aussitôt le riz germa et poussa.
"Tu sarcleras trois fois ce riz avant sa maturité, dit-il à l'homme, puis tu en récolteras les épis; tu les feras sécher au soleil et tu les conserveras dans un grenier que tu construiras pour cet usage. Tu battras ces épis pour en détacher les grains; tu pileras ces grains pour en séparer le son, tu pourras alors les manger et donner le son aux animaux domestiques."
En termes plus précis, il apprit à l'homme à faire cuire le riz et à le manger, et avant de remonter au ciel, il ajouta:
"Femme, écoute bien ma dernière parole: l'Homme sera le maître de l'enfant parce qu'il a préféré la vie de l'enfant à la sienne et toi tu seras toujours soumise."
C'est depuis ce temps, à jamais mémorable, que le père est le chef de famille et que l'homme connait le riz et le mange.
Frédéric Dillaye.
Journal des Voyages, dimanche 27 octobre 1889.
" De même que les bêtes sauvages, vous ne vous êtes nourris jusqu'ici que de racines et que de fruits. Maigre nourriture au demeurant. Il vous en faut changer. Laissez-moi tuer votre enfant: avec son sang je créerai une plante magnifique de laquelle vous tirerez plus de force que des fruits et des racines. Réfléchissez; je reviendrai chercher votre réponse."
A cette proposition inattendue, l'homme et la femme s'entre-regardèrent, et n'auraient certainement pas pu articuler un seul mot si Dieu avait exigé une réponse immédiate. La nuit durant ils mêlèrent leurs larmes. Leurs sanglots déchirants troublèrent le grand silence de la nature.
"Ah! ah! s'écria enfin la femme à bout de pleurs et affolée d'angoisse. Ah! ah! ah! que Dieu me prenne, mais qu'il laisse la vie à mon enfant."
L'homme, morne et recueilli, ne dit rien, mais de ses yeux maintenant taris, un sombre éclair jaillissait."
Le jour vint et Dieu aussi, sur son nuage toujours brillant. Mais plus brillant encore que le nuage apparaissait dans sa main un couteau à la lame tranchante comme celle d'une sagaie neuve. A cette vue un frisson de terreur parcourut la femme de la tête aux pieds et la secoua toute. Sa décision de la nuit l'abandonna. Elle s'élança vers l’Éternel et se prosterna la face dans la poussière en s'écriant:
"O mon Dieu! mon Dieu! prends mon enfant, pends-le, prends-le!"
L'homme lança à sa compagne un regard de pitié, puis saisissant son enfant à plein bras, il le pressa sur son coeur et le remit à sa mère. S'avançant alors, la poitrine découverte, il dit à Dieu:
"Tue-moi! mais laisse vivre mon fils!"
L’Éternel brandit alors l'arme terrible qu'il tenait à la main. La lame brillante envoya des éclairs de tous côtés.
"Tu vas mourir, cria-t-il d'une voix tonnante. Réfléchis avant que je te frappe.
- Inutile. Tue-moi."
Encore une fois le couteau tournoya dans l'air. L'homme ne sourcilla pas. Aucun trait de son visage ne trahit la plus minime émotion. La lame pénétra dans la chair, près du cou. Quelques gouttes de sang perlèrent sur la peau.
La blessure n'était que légère. Le Créateur avait voulu éprouver sa créature et il était content d'elle. Il prit ce sang et le répandit sur la terre. Aussitôt le riz germa et poussa.
"Tu sarcleras trois fois ce riz avant sa maturité, dit-il à l'homme, puis tu en récolteras les épis; tu les feras sécher au soleil et tu les conserveras dans un grenier que tu construiras pour cet usage. Tu battras ces épis pour en détacher les grains; tu pileras ces grains pour en séparer le son, tu pourras alors les manger et donner le son aux animaux domestiques."
En termes plus précis, il apprit à l'homme à faire cuire le riz et à le manger, et avant de remonter au ciel, il ajouta:
"Femme, écoute bien ma dernière parole: l'Homme sera le maître de l'enfant parce qu'il a préféré la vie de l'enfant à la sienne et toi tu seras toujours soumise."
C'est depuis ce temps, à jamais mémorable, que le père est le chef de famille et que l'homme connait le riz et le mange.
Frédéric Dillaye.
Journal des Voyages, dimanche 27 octobre 1889.
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