Le mécanicien de chemin de fer.
C'est bien un type essentiellement moderne, un des agents indispensables de notre civilisation contemporaine, que ce mécanicien dont un mouvement suffit pour lancer en avant le train qui nous emporte à nos plaisirs ou à nos affaires.
Debout sur la plateforme de sa machine, une main sur le régulateur, l'autre au volant de changement de marche, qui ne reconnaîtra cette apparition rapidement entrevue par la portière du wagon et dont notre gravure a pour but de fixer l'image?
Il nous a paru intéressant de collectionner, en les reproduisant avec une scrupuleuse exactitude, de ces documents humains dont le caractère et la physionomie changent à chaque génération, et dont les modifications sont si curieuses à suivre.
Le mécanicien d'aujourd'hui, par exemple, diffère de celui d'il y a trente ans presque autant que celui-ci différait du conducteur de diligences; les conditions de son travail ne sont plus les mêmes et nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'elles se sont singulièrement améliorées: sa sécurité est devenue presque absolue, grâce au meilleur état des voies, au perfectionnement des signaux et à l'emploi des freins continus; abrité par une toiture, il n'est plus exposé au vent et à la pluie; enfin, au lieu de conduire un même train d'un bout à l'autre du parcours, il ne procède plus que par courtes étapes, séparées par des temps de repos.
Sur la ligne du Nord, par exemple, où nous avons puisé nos renseignements, le mécanicien de train express partant de Paris ne dépasse pas Amiens, Tergnier ou Laon, d'où il revient sur Paris; il ne fournit donc qu'un parcours quotidien d'environ 260 à 280 kilomètres, soit cinq à six heures de travail, y compris le temps passé aux nettoyages, avant et après la marche. Ses appointements fixes sont de 150 à 175 francs, mais il arrive aisément à gagner 250, 300 et même 350 francs par mois, grâce à sa participation aux économies qu'il réalise sur le combustible et le graissage.
C'est une machine de train express que représente notre gravure. Ses quatre roues motrices accouplées ont 2,10 m de diamètre, en sorte qu'elle avance de 6,60 m à chaque allée et venue des pistons. Elle pèse, vide, 30.000 kilos et, comme les locomotives se vendent à raison de 1,40 fr. à 2 francs le kilo, selon les cours, son prix est de 60 à 80.000 francs. Si nous ajoutons que la Compagnie du Nord possède quinze cents locomotives de différents types et qu'une machine brûle de 8 à 12 kilos de charbon par kilomètre parcouru, on aura une idée de ce que coûte une telle cavalerie et de ce qu'elle consomme.
Comme toutes les machines du réseau du Nord, celle-ci porte une inscription exprimant sa puissance en unités conventionnelles. Quatre de ces unités représente la force nécessaire pour remorquer, à la vitesse d'un train de marchandises, un wagon chargé de dix mille kilos ou deux wagons vides. Une machine de quatre-vingt unités peut donc traîner 20 wagons vides; construites en vue de la vitesse, les machines d'express ont une puissance de traction moindre que les locomotive à marchandises dont les différents types sont de 100, 150 et 180 unités.
I. L.
Journal des Voyages, dimanche 15 mai 1887.
Debout sur la plateforme de sa machine, une main sur le régulateur, l'autre au volant de changement de marche, qui ne reconnaîtra cette apparition rapidement entrevue par la portière du wagon et dont notre gravure a pour but de fixer l'image?
Il nous a paru intéressant de collectionner, en les reproduisant avec une scrupuleuse exactitude, de ces documents humains dont le caractère et la physionomie changent à chaque génération, et dont les modifications sont si curieuses à suivre.
Le mécanicien d'aujourd'hui, par exemple, diffère de celui d'il y a trente ans presque autant que celui-ci différait du conducteur de diligences; les conditions de son travail ne sont plus les mêmes et nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'elles se sont singulièrement améliorées: sa sécurité est devenue presque absolue, grâce au meilleur état des voies, au perfectionnement des signaux et à l'emploi des freins continus; abrité par une toiture, il n'est plus exposé au vent et à la pluie; enfin, au lieu de conduire un même train d'un bout à l'autre du parcours, il ne procède plus que par courtes étapes, séparées par des temps de repos.
Sur la ligne du Nord, par exemple, où nous avons puisé nos renseignements, le mécanicien de train express partant de Paris ne dépasse pas Amiens, Tergnier ou Laon, d'où il revient sur Paris; il ne fournit donc qu'un parcours quotidien d'environ 260 à 280 kilomètres, soit cinq à six heures de travail, y compris le temps passé aux nettoyages, avant et après la marche. Ses appointements fixes sont de 150 à 175 francs, mais il arrive aisément à gagner 250, 300 et même 350 francs par mois, grâce à sa participation aux économies qu'il réalise sur le combustible et le graissage.
C'est une machine de train express que représente notre gravure. Ses quatre roues motrices accouplées ont 2,10 m de diamètre, en sorte qu'elle avance de 6,60 m à chaque allée et venue des pistons. Elle pèse, vide, 30.000 kilos et, comme les locomotives se vendent à raison de 1,40 fr. à 2 francs le kilo, selon les cours, son prix est de 60 à 80.000 francs. Si nous ajoutons que la Compagnie du Nord possède quinze cents locomotives de différents types et qu'une machine brûle de 8 à 12 kilos de charbon par kilomètre parcouru, on aura une idée de ce que coûte une telle cavalerie et de ce qu'elle consomme.
Comme toutes les machines du réseau du Nord, celle-ci porte une inscription exprimant sa puissance en unités conventionnelles. Quatre de ces unités représente la force nécessaire pour remorquer, à la vitesse d'un train de marchandises, un wagon chargé de dix mille kilos ou deux wagons vides. Une machine de quatre-vingt unités peut donc traîner 20 wagons vides; construites en vue de la vitesse, les machines d'express ont une puissance de traction moindre que les locomotive à marchandises dont les différents types sont de 100, 150 et 180 unités.
I. L.
Journal des Voyages, dimanche 15 mai 1887.
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