M. de Selves, préfet de la Seine.
M. de Freycinet a fait beaucoup pour la France; il lui a donné un programme de routes et de canaux si grandiose que nos arrières-neveux se demanderont encore avec admiration: comment ferons-nous pour exécuter la moitié de ces travaux?
Mais de tous les départements français le département de la Seine est celui qui doit le plus à M. de Freycinet, puisqu'il lui doit son préfet, M. de Selves, neveu de l'illustre homme d'Etat... de cailloux comme l'appellent tous les cantonniers.
Il y a certainement des gens sérieux, d'excellents Républicains qui relisent de temps à autre l'histoire de la Révolution française, des gens, dis-je, qui, grands admirateurs de Condorcet et de Carnot, restent convaincus qu'un homme doué de grands talents arrive nécessairement dans notre belle République à la situation qu'il mérite. Ces gens vous diront que M. de Selves est peut être le neveu de M. de Freycinet, mais qu'il est surtout le fils de ses œuvres, parce que depuis 1789 les privilèges sont abolis et le favoritisme avec eux.
Ils vous diront cela, ces braves gens, et quand leur rejeton passera son baccalauréat, ils n'auront garde d'oublier d'en aviser leur député...
Quant à moi, qui, ne suis ici que pour faire de l'histoire impartiale, je n'insisterai pas sur les liens de parenté de M. de Selves et vais seulement retracer sa carrière.
Lorsqu'éclate la guerre de 1870, le neveu de M. de Freycinet venait de terminer ses études. Il partit comme lieutenant dans le bataillon des mobiles de Lot-et-Garonne, et fut nommé capitaine après le combat qui eut lieu sous les murs de Chartres.
Quelques jours plus tard, il fut appelé à Tours, à la direction des services administratifs au Ministère de la Guerre. Son oncle était précisément délégué comme Ministre.
Le neveu de M. de Freycinet suivit plus tard le gouvernement de la Défense Nationale à Bordeaux et il y fut chargé de la direction de la sous-intendance., comprenant les places de Toulouse, de Montauban et d'Aurillac. L'administrateur expérimenté qui se voyait confier ces missions délicates était un jeune homme de vingt-deux ans.
Après la guerre, M. de Selves se fit inscrire au barreau de Montauban. Il passa son doctorat en droit et fut élu bâtonnier. Bientôt après, sans quitter Montauban, il s'installait à la Préfecture. Cela se passait en 1880.
Puis, on vit le neveu de M. de Freycinet passer comme le vent à Beauvais, à Nancy et à Bordeaux d'où il prit le train en 1890 pour la Direction des Postes et Télégraphes. C'est un homme qui n'aime pas perdre son temps, comme on voit.
En qualité de Directeur des Postes, il représenta la France au Congrès postal universel de Vienne: il y présida même la Commission des colis postaux, valeurs déclarées et livrets d'identité. Que voulez-vous? On préside ce qu'on peut, et M. de Selves était d'autant plus fier de son titre de Président de la Commission des colis postaux que ce titre était le seul qu'il ne dût pas à l'intervention de son oncle.
Il y avait quelques années que le neveu de M. de Freycinet était Directeur des postes lorsqu'il fut nommé préfet de la Seine par le cabinet Méline (1896) en remplacement de M. Poubelle. C'était un poste périlleux que celui de successeur de M. Poubelle. Sa grande popularité, les idées de bien-être et d'ordures ménagères qui sont indissolublement liées à son nom rendaient le terrain glissant pour quiconque voulait suivre ses traces.
M. de Selves assuma sans faiblir ces lourdes responsabilités. Il administra avec tact, se garda de toute réforme de peur de faire des mécontents, et résolut de ne plus rien demander à son oncle et de se tirer d'affaire comme il pourrait. Il est devenu si peu ambitieux qu'il a refusé le portefeuille de Ministre des Affaires étrangères que lui offrait M. Clémenceau. Il ne gagne pourtant guère plus de quatre-vingt mille francs par an. Mais il voyage gratuitement sur tous les réseaux et ne paie pas ses places de théâtre. Ajouté à cela qu'il est logé, que l'Etat lui fournit deux ou trois costumes de cérémonie par an, et vous comprendrez qu'il puisse aisément parvenir à joindre les deux bouts.
Jean-Louis.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 28 juillet 1907.
Nota de célestin Mira:
Après la guerre, M. de Selves se fit inscrire au barreau de Montauban. Il passa son doctorat en droit et fut élu bâtonnier. Bientôt après, sans quitter Montauban, il s'installait à la Préfecture. Cela se passait en 1880.
Puis, on vit le neveu de M. de Freycinet passer comme le vent à Beauvais, à Nancy et à Bordeaux d'où il prit le train en 1890 pour la Direction des Postes et Télégraphes. C'est un homme qui n'aime pas perdre son temps, comme on voit.
En qualité de Directeur des Postes, il représenta la France au Congrès postal universel de Vienne: il y présida même la Commission des colis postaux, valeurs déclarées et livrets d'identité. Que voulez-vous? On préside ce qu'on peut, et M. de Selves était d'autant plus fier de son titre de Président de la Commission des colis postaux que ce titre était le seul qu'il ne dût pas à l'intervention de son oncle.
Il y avait quelques années que le neveu de M. de Freycinet était Directeur des postes lorsqu'il fut nommé préfet de la Seine par le cabinet Méline (1896) en remplacement de M. Poubelle. C'était un poste périlleux que celui de successeur de M. Poubelle. Sa grande popularité, les idées de bien-être et d'ordures ménagères qui sont indissolublement liées à son nom rendaient le terrain glissant pour quiconque voulait suivre ses traces.
M. de Selves assuma sans faiblir ces lourdes responsabilités. Il administra avec tact, se garda de toute réforme de peur de faire des mécontents, et résolut de ne plus rien demander à son oncle et de se tirer d'affaire comme il pourrait. Il est devenu si peu ambitieux qu'il a refusé le portefeuille de Ministre des Affaires étrangères que lui offrait M. Clémenceau. Il ne gagne pourtant guère plus de quatre-vingt mille francs par an. Mais il voyage gratuitement sur tous les réseaux et ne paie pas ses places de théâtre. Ajouté à cela qu'il est logé, que l'Etat lui fournit deux ou trois costumes de cérémonie par an, et vous comprendrez qu'il puisse aisément parvenir à joindre les deux bouts.
Jean-Louis.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 28 juillet 1907.
Nota de célestin Mira:
Paris-rue Emile Zola, boîtes à ordures, 1913. |
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