Economies budgétaires.
Il est rare, au moment où les députés sont appelés à comparoir devant l'électeur, leur souverain maître, de ne pas voir se produire quelque beau projet d'allégeance des charges publiques.
En cette fin de session où le budget se présente en déficit, après les funérailles décentes faites au projet d'impôt sur le revenu et le vote d'une loi sur les associations qui ne fait pas rentrer dans les caisses de l'Etat le "milliard" attendu des congrégations, les député de la majorité se trouvaient en mauvaise posture devant leurs juges.
Que dire, que faire pour apaiser la mauvaise humeur de gens à qui on avait promis de franches lippées au compte du bourgeois et qui, au contraire, sentent qu'il va falloir payer son écot comme tout le monde, et un peu plus cher que l'an dernier? Mais nos hommes politiques ne sont jamais à court de bonnes paroles:
"Vous nous blâmez d'avoir trompé vos espérances, a dit l'un d'eux, attendez, ce n'est pas fini; je vous apporte un moyen sûr de réduire les dépenses, ce sera comme pour vos bourses éprouvées."
Et, pour la centième fois peut-être, nous avons vu reparaître le fameux projet de remaniements administratifs d'où résulteraient une fructueuse hécatombe de fonctionnaires. Il est avéré que l'Administration des affaires publiques nous coûte ridiculement cher et qu'il serait facile de remplacer ses vieux rouages par une mécanique moderne, plus simple, plus rapide et moins coûteuse. Chacun sait ça, mais voilà! L'Administration tient à ces vieux rouages; toutes les fois qu'on fait mine de vouloir y changer quelque chose, elle pousse les hauts cris.
Comment déterminer les fonctionnaires à dévoiler eux-mêmes les faiblesses de leur machine, faiblesses qu'ils connaissent mieux que personne, et à enseigner le remède? Mon Dieu! c'est bien simple, a dit notre député, faites ce qu'on fait dans les chemins de fer, donnez une prime aux chauffeurs sur le charbon qu'ils ne brûleront pas. Tout fonctionnaire qui, par son initiative, aura fait réaliser à l'Etat une économie, recevra pendant dix ans une prime de tant pour cent sur l'économie réalisée.
Voilà l'idée de M. Antide Boyer; certes, elle est ingénieuse dans sa franchise un peu brutale, américaine si l'on préfère. Sérieusement appliquée, elle pourrait donner les résultats attendus. En tous cas, si la Chambre adopte ce projet, la "Commission des Economies" trouvera à qui parler. Il n'y a pas un employé de l'Etat, chez nous, qui ne se fasse fort de remplacer à lui seul le personnel du bureau qui l'emploie, son chef compris, bien entendu.
L'Illustration, 27 juillet 1901.
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