Le copurchic*.
Au premier abord, ce mot a l'air d'un roi mérovingien. Tout au contraire, il est d'une création toute moderne. C'est le mot triomphant qui vient de distancer cette appellation de "Bécarre" que nous expliquions naguère et qui disparaît tous les jours.
A Paris, la mode est si changeante et ses représentants vieillissent si vite, que les élégants du jour ne sont déjà plus ceux de la veille et répudient tout à la fois leurs habits, leur langage, leurs mœurs et jusqu'au sobriquet qui les caractérisait.
Le "Copurchic" est donc la dernière incarnation du jeune moderne. Son étymologie s'explique d'elle-même; elle vient de "pur et de chic". Le premier indiquant la perfection absolue du second, la syllabe "co" n'est mise là que pour l'euphonie.
Le "Copurchic" brille surtout aux bains de mer. C'est lui qui a inauguré la mode des casquettes américaines en flanelle blanche, rehaussée d'un galon bleu marine. Il y a des "Copurchics" qui varient la couleur de cette coiffure, et son étoffe. Le drap bleu est réservé aux "Copurchics" déjà marqués.
La casquette ne va pas sans le pantalon de flanelle blanche, dont les extrémités sont toujours relevées, quelque temps qu'il fasse. Ce pantalon ne doit pas tenir par des bretelles, ni par une boucle. Il est serré à la taille par une écharpe de couleur que devrait cacher le gilet. Pour la montrer, le "Copurchic" se promène, en se tenant le poing sur la hanche, et en relevant, par ce mouvement affecté, l'un des côtés de sa jaquette. On entrevoit l'écharpe.
La jaquette est en drap ou en alpaga, de couleur foncée. La bottine de cuir jaune, très pointue, est toujours de mode. Il y a des "Copurchics" qui maintiennent le chapeau de paille à compresse. Mais cette compresse est aux couleurs nationales du "Copurchic". Tricolore pour le "Copurchic français". Noire, jaune et rouge pour le Belge, verte pour l'Italien.
C'est très patriotique.
Le "Copurchic" ne parle plus argot.
Il se contente de parler lentement, doucement. Chaque parole sort péniblement de ses lèvres, avec effort. La suprême distinction est de traîner sur une phrase, avec un léger accent d'ironie. Une conversation entre "Copurchics" de sexe différent dure longtemps, sans vouloir dire grand chose. Les uns et les autres ont l'air de craindre de se fatiguer, en exprimant des pensées cependant peu fatigantes.
Physiologies parisiennes, Albert millaud, 1887, à la Librairie illustrée, illustrations de Caran d'Ache, de Frick et de Job.
*Nota de Célestin Mira: Le copurchic désigne un jeune homme à la mode de 1882. L'appellation survivra jusqu'au début du XXe siècle. Il remplace le bécarre (voir article de février 2016 du présent blog).
A Paris, la mode est si changeante et ses représentants vieillissent si vite, que les élégants du jour ne sont déjà plus ceux de la veille et répudient tout à la fois leurs habits, leur langage, leurs mœurs et jusqu'au sobriquet qui les caractérisait.
Le "Copurchic" est donc la dernière incarnation du jeune moderne. Son étymologie s'explique d'elle-même; elle vient de "pur et de chic". Le premier indiquant la perfection absolue du second, la syllabe "co" n'est mise là que pour l'euphonie.
Le "Copurchic" brille surtout aux bains de mer. C'est lui qui a inauguré la mode des casquettes américaines en flanelle blanche, rehaussée d'un galon bleu marine. Il y a des "Copurchics" qui varient la couleur de cette coiffure, et son étoffe. Le drap bleu est réservé aux "Copurchics" déjà marqués.
La casquette ne va pas sans le pantalon de flanelle blanche, dont les extrémités sont toujours relevées, quelque temps qu'il fasse. Ce pantalon ne doit pas tenir par des bretelles, ni par une boucle. Il est serré à la taille par une écharpe de couleur que devrait cacher le gilet. Pour la montrer, le "Copurchic" se promène, en se tenant le poing sur la hanche, et en relevant, par ce mouvement affecté, l'un des côtés de sa jaquette. On entrevoit l'écharpe.
La jaquette est en drap ou en alpaga, de couleur foncée. La bottine de cuir jaune, très pointue, est toujours de mode. Il y a des "Copurchics" qui maintiennent le chapeau de paille à compresse. Mais cette compresse est aux couleurs nationales du "Copurchic". Tricolore pour le "Copurchic français". Noire, jaune et rouge pour le Belge, verte pour l'Italien.
C'est très patriotique.
Le "Copurchic" ne parle plus argot.
Il se contente de parler lentement, doucement. Chaque parole sort péniblement de ses lèvres, avec effort. La suprême distinction est de traîner sur une phrase, avec un léger accent d'ironie. Une conversation entre "Copurchics" de sexe différent dure longtemps, sans vouloir dire grand chose. Les uns et les autres ont l'air de craindre de se fatiguer, en exprimant des pensées cependant peu fatigantes.
Physiologies parisiennes, Albert millaud, 1887, à la Librairie illustrée, illustrations de Caran d'Ache, de Frick et de Job.
*Nota de Célestin Mira: Le copurchic désigne un jeune homme à la mode de 1882. L'appellation survivra jusqu'au début du XXe siècle. Il remplace le bécarre (voir article de février 2016 du présent blog).
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