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vendredi 27 décembre 2013

Les Esquimaux.

Les Esquimaux.


On appelle esquimaux les habitants des contrées voisines du Pôle Nord, comme le Groenland, les rivages de la baie de Baffin, les côtes du Labrador et de l'Alaska. Les Esquimaux, par leur caractère physique et par leur langue, forment une race toute particulière. Ils sont petits, trapus, agiles; ils ont la tête toute ronde, le nez petit et écrasé, la barbe rare, et sont généralement fort laids. Mais leur physionomie est douce, franche et bienveillante. Ils sont en effet paisibles, affables et hospitaliers.
Les Esquimaux n'ont point de chefs; ils vivent indépendants, en état de parfaite égalité, et n'ont jamais éprouvé le besoin de se donner des maîtres. Les différentes peuplades voisines les unes des autres ne sont jamais en guerre. Les Esquimaux ont le caractère pacifique; les querelles sont chez eux presque inconnues. Ils commettent rarement des délits, qui, d'ailleurs, ne peuvent être punis, puisqu'il n'existe aucune loi.
L'Esquimau comprend à peine le droit de propriété, qui ne s'applique pour lui qu'aux bateaux. Aussi, lorsqu'il trouve un objet à sa convenance, pourvu, toutefois, qu'il ne soit pas dans une cabane, n'hésite-t-il pas à se l'approprier. En revanche, quand il s'aperçoit qu'on lui a dérobé quelque chose, il ne se plaint jamais et n'en réclame pas le restitution;
Le costume des Esquimaux ne les embellit pas; il parait que de loin ces indigènes ont une vague ressemblance avec les ours. Les hommes et les femmes portent le même vêtement, composé d'un pantalon de peau d'ours, d'une veste de peau d'oiseaux de mer ou de renard, fixée sur le corps au moyen de ficelles, et d'un capuchon qui recouvre presque toute la tête.



L'une des particularité les plus curieuses de l'existence des Esquimaux est leur habitation. Ils vivent dans des huttes de neige que l'on pourrait comparer à des terriers; Elles sont, en effet, à demi-souterraines, creusées dans la neige, composées d'une pièce assez vaste, recouverte d'un dôme de glace ou de neige tassée, dans lequel on pénètre par une étroite ouverture qu'on ne peut franchir qu'en rampant à quatre pattes. 




Ces demeures ne sont éclairées que par des fenêtres faites de petits trous généralement obstruées par des morceaux de fourrure. L'intérieur de ces habitations forme une petite chambre dont le sol, les murs et le plafond sont en glace. On n'y voit aucun meuble. Mais tout le long du mur court une banquette de glace qui sert à la fois de banc et de table. Quant au lit, il est formé d'une plate-forme de glace sur laquelle, en guise de matelas, sont jetées des peaux de rennes.
Comme dans les contrées polaires on ne trouve pas de bois, les Esquimaux, pour tout foyer, ont une espèce de réceptacle rappelant vaguement la forme d'une cuvette, dans lequel brûle, comme dans une lampe, de l'huile de phoque qui produit une fumée nauséabonde. C'est au-dessus de la flamme qui s'échappe de cette sorte de lampe qu'on fait dégeler l'eau à boire et qu'on fait cuire le poisson et la viande. Dans cette hutte de glace où il fait toujours une chaleur lourde et étouffante, produite par la flamme qui brûle continuellement, les habitants, entassés les uns sur les autres, se tiennent presque complètement déshabillés.
Les Esquimaux sont d'une saleté répugnante, et tous les voyageurs qui les ont visités ont souffert de leur promiscuité. Leur principale nourriture consiste en viande demi-crue et en poisson. Il y a même des groupes d'Esquimaux qui ne mangent que du poisson cru. D'ailleurs leur nom d'Esquimaux signifie mangeurs de poissons crus. Ils boivent de l'eau de neige fondue et de l'huile de phoques, pour laquelle ils ont un goût particulier. Vous savez que l'une de leurs principales occupations est la chasse aux phoques, qu'ils poursuivent dans leurs canots pour les harponner dans la mer, ou qu'ils abattent à coup de bâton lorsqu'ils les rencontrent sur un banc de glace. Ils les prennent aussi à l'affût, en creusant un trou dans la glace, et en profitant du moment où ces animaux viennent respirer à la surface de l'eau, pour les saisir au moyen d'un nœud coulant.
Les Esquimaux ont des petits bateaux qu'ils conduisent avec une habileté surprenante. Ces sortes de canots, qu'ils appellent kayaks, sont certainement les plus petites embarcations qui puissent supporter le poids d'un homme. Ces kayaks sont construits dans du bois très léger, et se terminent à chaque bout par des pointes aiguës et recourbées vers le haut. L'embarcation est recouverte de peaux de phoques imperméables et si habilement cousues au moyen d'un fil de nerfs de veaux marins, que pas une goutte d'eau ne pourrait passer à travers les coutures. Au centre du bateau, une ouverture ronde est réservée dans ces peaux de phoques; c'est par là que se glisse l'Esquimau, qui attache étroitement et solidement le bas de sa blouse aux bords de l'ouverture pratiquée dans l'étoffe imperméable. Une fois solidement fixé à son kayak, où l'eau ne peut pénétrer, l'Esquimau, muni d'une rame de 2 mètres de long, aplatie à chaque bout, qu'il tient par le milieu, comme une rame de périssoire, et plonge alternativement à droite et à gauche, se lance sans hésiter dans la tempête et se glisse à travers les écueils à la poursuite des phoques. Certains Esquimaux manœuvrent même si habilement leur kayak qu'ils arrivent à faire avec leurs bateaux le saut périlleux, c'est à dire qu'ils se renversent complètement sous l'eau, la tête en bas et la quille du bateau en l'air. Cet exercice, qu'on peut considérer comme la haute école du kayak, exige une adresse et un sang-froid à toute épreuve, car un faux mouvement de l'homme ou la perte de sa pagaie pourraient causer sa mort.
Lorsque les Esquimaux voyagent sur la glace, ils se font rouler en traîneau par leurs chiens, appartenant à une race spéciale, connue sous le nom de chiens des Esquimaux. 



Ces animaux sont attelés tantôt au moyen d'une seul trait, tantôt au moyen de deux. Chaque traîneau est tiré par plusieurs chiens, qui courent côte à côte à une allure assez vive. Le conducteur d'un traîneau s'aide bien de la voix pour diriger son attelage, mais c'est surtout avec un fouet qu'il arrive à se faire obéir de ses coursiers et à les faire marcher suivant son gré. Le fouet esquimau se termine par une mince lanière de nerf durci avec laquelle un conducteur habile corrige à volonté, au milieu de l'attelage des chiens, celui qui ne se comporte pas bien; il peut même indiquer l'endroit où il touchera le réfractaire, et rarement il manque son coup. Les chiens des Esquimaux sont d'ailleurs fort intelligents; ils savent quand ils ont affaire à un conducteur inexpérimenté, et ils en profitent pour jouer entre eux et ne pas obéir à celui qui les mène. Ces animaux sont certainement, toute proportions gardées, plus intelligents que les hommes à qui ils appartiennent. L'Esquimau est en effet d'une intelligence plus que médiocre. Il paraît qu'ils savent, au moins, se rendre justice. On raconte qu'un Esquimau du nom de Sackouse avait été mené à Londres et qu'un jour on lui avait fait voir dans une ménagerie un éléphant qui obéissait avec promptitude à son cornac, il s'écria, dans un élan d'admiration convaincue: "Oh! éléphant à plus d'esprit qu'Esquimau!".

Mon Journal, Recueil hebdomadaire pour les Enfants, 6 janvier 1894.

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