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vendredi 20 décembre 2013

Comment les poules parlent entre elles?

Comment les poules parlent entre elles?

Il faut avoir la passion de la science pour se rendre dans les grandes forêts de l'Afrique et s'enfermer dans une cage à barreaux de fer afin de nouer des relations suivies avec des chimpanzés et des gorilles en général peu disposés à entrer en conversation, tandis que les poules sont d'un abord facile et résistent rarement à la séduction d'une poignée de mil. Quel agréable moyen  d'échapper à la monotonie et à la solitude de la vie rurale que d'avoir de fréquents entretiens avec le coq de la ferme, de se mêler au caquetage des poules, d'être immédiatement informé de l'impression que les dernières nouvelles du village ont produite dans le monde des basse-cours.

 Le professeur fait cocorico.

C'est ce qu'à tenté de faire le professeur Hamerik, de l'Université de Baltimore.
Il a commencé par étudier les allures, les attitudes et les mouvements des poules.Comme elles, il sautille, penche la tête vers la terre, puis la relève et la tourne brusquement d'un côté; il frappe violemment le sol, d'abord une seule fois du pied gauche, puis trois fois du pied droit, comme s'il voulait creuser dans un massif de fleurs une de ces excavations qui fait le désespoir des jardiniers.




Après avoir réussi à exécuter cette pantomime, le célèbre professeur a essayé d'imiter le chant du coq. En se livrant à cette étude, il a fait une découverte inattendue. Il a constaté que sur cent coqs, on n'en rencontre pas deux qui chantent de la même façon. Chacun de ces artistes sait donner un cachet individuel à une mélodie dont le thème général est à peu près uniforme. On se fait une idée de degré de perfection que peut atteindre un élève qui a suivi les cours de cent maîtres indifférents. M. Hamerik lance le cri du coq avec une habileté magistrale qui lui assurerait d'éclatants succès, s'il avait la fantaisie de fréquenter les réunions publiques de Paris.
Un homme qui sautille à la façon des gallinacés et sait attirer autour de lui, par des gloussements modulés avec art, les petits poulets qui croient entendre l'appel de leur mère, ne peut être considéré comme un étranger par les hôtes d'une basse-cour.

Comment les poules apprennent l'alphabet.

Quand la glace fut suffisamment rompue, M. Hamerik a pensé que le seul moyen de découvrir les secrets d'un vocabulaire, était d'enseigner aux poules quelques rudiments de la langue des hommes. Il se flattait de se faire peu à peu comprendre de ses élèves en attendant qu'un heureux hasard lui permit de deviner ce qu'elles disaient.
Il a procédé de la même façon que M. Jourdain, il a commencé par les voyelles. Dans sa basse-cour, il a choisi cinq cochinchinoises qui se distinguaient par leur intelligence et il leur a donné les noms de : Pat, Kèt, Kent, Pit et Pot. Puis il a essayé de les habituer à lui répondre quand il les appellerait.



Cette expérience a donné des résultats imprévus. Lorsque M. Hamerik appelait Pat, la poule interpellée n'arrivait jamais seule, ses trois camarades, Pit, Kent et Kèt se faisaient un devoir de l'accompagner. Il en était de même s'il prononçait le nom de Pit et Kent, les quatre cochinchinoises arrivaient en même temps.
Seule, Pot ne bronchait pas.
Lorsque le professeur l'appelait, elle arrivait en sautillant, avec la satisfaction d'une poule qui a mérité le premier prix d'alphabet.
De cette expérience, M. Hametik conclut que les poules ne savent pas distinguer les sons de a, de è, de eu, de i, tandis quel'o, produisait sur leur ouïe une impression toute particulière.

Le langage des poussins.

Un autre professeur de Baltimore, M. Morgan a noté sur le vif, pendant treize jours de suite, les faits et gestes d'un certain nombre de poulets couvés par des moyens artificiels et isolés de tout contact avec les autres être vivants, à l'exception de l'homme. Ces orphelins qui n'avaient jamais entendu le chant d'un coq ni le gloussement d'une poule, se sont mis à parler tout seuls la langue originelle de leur espèce, sans avoir eu besoin d'aucun maître.
Un tout petit piaulement indique une satisfaction discrète, tandis que des notes basses, à la fois redoublées sont le signe de la joie la plus intense qu'un jeune volatile puisse éprouver ici-bas, pendant les premiers jours de son existence.
Le signe d'alarme est un cri tout spécial, impossible à définir. Les poussins le font entendre chaque fois que leurs regards sont frappés d'un spectacle dont ils n'ont pas l'habitude: une guêpe qui bourdonne, un ver de terre de grande dimension, et même un morceau de sucre déposé sur le sol, leur inspire, au début, une égale frayeur.
Des notes plaintives et doucement réitérées sont l'indice de la faim. C'était par ce refrain que M. Lloyd Morgan était accueilli matin et soir lorsqu'il apportait de la nourriture à ses petits élèves.
Lorsqu'un poulet, âgé d'une quinzaine de jours est appréhendé malgré lui, par une main inconnue, il lance un cri strident; mais ce signe d'une contrariété très vive ne doit pas être confondu avec les appels de détresse qu'il pousse dans le cas où il est séparé de ses frères, et où il se croit abandonné, seul, à son destin. Les deux professeurs de Baltimore ont remarqué que les poules ont un penchant marqué pour le bavardage. Quand elles sont seules, elles chantent parfois, mais elles ne parlent jamais. Elles prennent leur revanche lorsqu'elles sont réunies et il n'existe pas dans la création de commères plus incorrigibles.

                                                                                                             G. Labadie-Lagrave.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 14 juin 1903.

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