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dimanche 29 décembre 2013

Légendes iroquoises.

La fondation du monde.

A l'origine des temps, la terre ne ressemblait nullement à ce qu'elle est aujourd'hui. Une eau profonde la couvrait. Dans l'air des oiseaux voltigeaient en nombre infini et mêlaient au murmure des flots, leurs chants joyeux ou leurs interminables gazouillis. Dans l'onde, des bêtes aquatiques bondissaient, nageaient, plongeaient, reniflaient. Point de chasseurs, point de pêcheurs pour inquiéter ces habitants des eaux et des airs.
Un jour, une sorte de point sombre tacha l'azur immuable du ciel. Peu à peu ce point grandit, comme s'avançant. A bien examiner on reconnut que quelque chose descendait directement de la grande voûte bleue. Quelque chose? Oui, mais qu'était ce quelque chose?... Ce quelque chose était...une femme d'une incomparable beauté.
Lancée ainsi à travers l'espace et en dépit de ses charmes non pareils, elle ne pouvait manquer de plonger dans les eaux et peut être de s'y perdre à tout jamais. Les animaux bavardèrent. De grands canards s'assemblèrent et tinrent conseil. Après de longs discours, ils résolurent de voler au-devant de la beauté de plus en plus visible.
Aussitôt dit, aussitôt fait. La bande s'enleva. Les grands canards formant plateau, avec leurs ailes, reçurent celle qui devait être la mère de tous les hommes et l'empêchèrent de se noyer dans sa chute.
Quelques robustes qu'ils furent, les canards se fatiguèrent. Planer sans cesse, avec un fardeau, n'est pas toujours chose facile. Ils allaient, venaient, coupaient l'air de sinuosités fantastiques, cherchant vainement où déposer en lieu sur leur charge précieuse.
Soudain, une tortue immense, immense, émergea des eaux. On la nommait la Terre. Elle appela les grands canards et s'offrit gracieusement, non seulement à recevoir la femme, venue du ciel, mais encore à la porter toujours sur sa carapace. Les canards acceptèrent l'offre de grand cœur.
L'incomparable beauté fut déposée sur la Tortue, mais à peine eut-elle mis le pied sur le complaisant animal qu'elle donna naissance à deux jumeaux: l'un, l'esprit du bien, auquel on doit le maïs, les fruits et le tabac; l'autre, l'esprit du mal auquel on doit les moustiques, les poux et la vermine.
Depuis ce jour, la tortue n'a cesser de nager. Sa carapace s'est peuplée d'êtres humains; des forêts y ont poussé. Quelque fois, la noble bête se fatigue, alors elle étire ses membres vivement: voilà pourquoi l'homme ressent des secousses que l'on nomme des tremblements de terre.

                                                                                                                F. des Malis.

Journal des Voyages, dimanche 26 mai 1889.

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