L'agriculture et les travaux publics.
Sous le titre de service hydraulique, les ingénieurs des ponts et chaussées donnent aux agriculteurs de la France, un concours des plus actifs et des plus efficaces dans les localités qui sont aptes à en profiter. Ils dressent et réalisent des projets d'assainissement pour les terrains inondés et fiévreux; ils étudient et exécutent des plans d'irrigation pour les champs susceptibles d'être mis en prairies ou de porter des plantes fourragères. L'augmentation des produits et des bestiaux en est la conséquence prochaine. Aussi la prospérité publique n'est pas moins intéressée que les cultivateurs à l'extension et au développement du service hydraulique confié au corps savant et patriotique des ponts et chaussées.
Quelques exemples puisés dans les notices et les dessins que le ministère des travaux publics avait placés dans son pavillon, à l'Exposition de 1878, serviront à la fois et pour donner la preuve des bienfaits dont l'agriculture est redevable au service hydraulique, et pour encourager les particuliers qui auraient la bonne pensée de recourir aux lumières des ingénieurs, en apportant, de leur côté, une part des dépenses de l'opération.
Dans le bassin de la Mare, petite rivière du Forez (Loire), un syndicat de quinze communes s'est organisé en 1859, pour assainir 13.312 hectares. Les travaux sont à peu près terminés. La dépense, de cinq à six cent mille francs environ, a été répartie entre les propriétaires intéressés pour la moitié, l'Etat pour un tiers, le département pour un sixième. Or voici ce qui se passe actuellement. Les fièvres paludéennes ont entièrement disparu de plusieurs communes; elles deviennent de plus en plus rares et bénignes pour les autres. La culture peut être appliquée sur des terrains d'où l'humidité s'éloignait. La production agricole s'est accrue au point que l'on estime à plus de quatre millions la plus-value du sol. Dans un bassin tout voisin, celui de la rivière Vizézy, il s'est formé un syndicat de dix communes pour assainir 8.212 hectares moyennant une dépense de deux cent cinquante à trois cent mille francs. La moitié des travaux terminée aujourd'hui présage un résultat semblable au précédent.
Dans ce même Forez, un canal d'irrigation subventionné a été concédé, en 1863, par l'Etat au département de la Loire, pour irriguer une surface qui pourra par la suite s'étendre à 26.000 hectares. Actuellement, 500 hectares sont arrosés et payent une redevance annuelle de vingt mille francs pour la jouissance des eaux. La valeur de l'hectare est augmentée par l'arrosage d'un millier d'écus en moyenne.
Le service hydraulique a terminé dans le département de la Haute-Garonne, le canal d'irrigation de Saint-Martory, destiné à répandre ses bienfaisantes eaux sur 14.000 hectares; le réseau des rigoles secondaires aujourd'hui construites peut desservir un millier d'hectares. Des terres labourables ont été converties en prairies, et tandis qu'elles ne donnaient précédemment en blé et en maïs qu'un revenu de 50 à 60 francs, elles rapportent net plus de 300 francs par an et par hectare. Les frais nécessaires pour transformer en prairie un hectare irrigué s'élèvent à 500 francs environ, dont 350 francs consacrés au nivellement du sol et au creusement de petites rigoles, le reste pour les frais de fumure et d'ensemencement.
On trouve un résultat analogue pour le canal d'arrosage de Lestelle, dans le même département, où des propriétaires se sont associés et ont employé 45.000 francs à établir un canal de 3.760 mètres servant à l'irrigation de 90 hectares. C'es propriétaires ont ajouté, pour la préparation de leur sol, nivellements et rigoles, une somme à peu près égale, soit en tout mille francs par hectare. Les travaux datant de plusieurs années déjà, il n'y a plus à faire des hypothèses sur les résultats: au lieu de 80 francs que rapportait moyennement l'hectare de culture, on en retire aujourd'hui plus de 350 francs après la mise en prairie, et sa valeur vénale est passée de 2.500 à 7.500 francs.
Il est utile de répéter que dans tout ce qui précède, il ne faut pas voir seulement l'intérêt immédiat du propriétaire, mais encore les avantages que la contrée environnante et les catégories d'ouvriers retirent de l'accroissement de la production. La terre était douée d'une force virtuelle latente que l'art de l'Ingénieur uni à celui de l'Agriculteur ont dégagée et rendue aussi palpable que féconde.
Magasin Pittoresque, 1879.
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