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samedi 28 octobre 2017

Le tour du monde des salutations.

Le tour du monde des salutations.


"Comment vous portez-vous?". Dans cette phrase de quatre mots se trouve l'essence même du caractère français.
"Vous portez-vous?" tout extérieur, superficiel, indique bien l'être impressionnable, vif; le peuple ardent et démonstratif.




Le Gascon dit simplement: "Commin vas?". Deux mots lui suffisent, alors que le Parisien, plus exigeant, en demande quatre.





L'Allemand vous salue par son: "Wie  geht's?", comment va-t-il (il neutre), c'est à dire comment va l'être? La personne tout entière est comprise dans ce seul mot.
L'Anglais, très fort en monosyllabes vous dit: "How do you do?" ou bien "How do you feel?", comment allez-vous; mot à mot, "comment faites-vous faire" et "comment sentez-vous"
Le Hollandais vous lance un fort: "Hoe waart's ge?": comment voyagez-vous? - Peuple toujours en voyages;
Les Égyptiens vous disent: "Comment va la transpiration?", phrase qui caractérise bien leur climat brûlant.
Le Chinois, finement gastronome en tout et partout, vous salue par ces mots: "Tchen kna fan me?": "Avez-vous mangé votre riz?" ou par cet autre: "Comment est votre estomac?".




Ce bon Céleste descend de sa monture quand il passe à côté d'un grand personnage.
Les gens qui passent la moitié de leur vie à l'ombre vous abordent par le lent: "Come sta?".
Les Arabes demandent: "Par la grâce d'Allah! comment êtes-vous?".
Les Ottomans: "Soyez sous la garde de Dieu."




Les Persans: "Puisse ton ombre ne pas diminuer."
Les Russes baisent le front des dames leurs amies, sans que personne n'y trouve à redire.




Dans l'Arabie Pétrée, on se salue en se mettant joue contre joue. 




En présence d'une caste supérieure à la sienne, l'Hindou se prosterne dans la poussière.



Dans quelques îles de l'Amérique du Sud, les naturels se crachent dans les mains, puis frottent la figure de la personne qu'ils veulent complimenter, ce qui sans doute ne peut manquer d'être très doux.




Les sauvages d'Australie collent leur langue contre celle de leur ami. Horreur! Et les microbes! Les malheureux n'y pensent pas.




En Afrique, les nègres se serrent le nez en signe d'affection vive, l'on doit avancer la tête vers celui qui a la pensée de vous donner ce témoignage d'amitié.




En Laponie, on s'offre la pipe l'un de l'autre sans l'essuyer, et il faut accepter sans sourciller et même avec un doux sourire.
En France, autrefois, les hommes, les princes même, s'offraient à coucher dans les mêmes draps, ce qui montrait que l'on avait aucune répugnance l'un pour l'autre et qu'on était prêts à partager les mêmes maux.
Dans certaine commune du département de la Corrèze, un simple signe de croix vous accueille, tandis que dans l'Auvergne vous entendez un adicias qui vous ferait croire, sur le ton où il est prononcé, à un juron.
Pour terminer dignement ce "tour du monde" et en revenir à notre point de départ, la France, finissons par des formules "fin de siècle" qui ont pris des tournures ironiques et cruelles. On dit:
A un homme qui revient du Maroc ou de Turquie: "Je te croyais perdu!"
A un seigneur russe qui fait ses frasques à Paris: "Tiens, les Japonais vous ont fait grâce!".
A Monsieur Edmond Rostand, rencontré au hasard d'une promenade dans les Pyrénées: "Quand Chantecler chantera-t-il?".
Et à un financier qui flâne sur le boulevard: "Vous avez donc fini vos cinq ans?".

                                                                                                                             Raoul Pierre.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 20 septembre 1908.

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