Chronique du 31 janvier 1858.
Voici la plus singulière idée qu'ait encore fait naître la cherté des loyers. Deux amis, trouvant qu'on leur faisait payer trop cher le moindre logement, ont imaginé d'avoir une maison entière sans rien payer du tout.
Les sieurs C... et B... étaient d'habiles ouvriers, sachant un peu de tout. Ils ont commencé par choisir un terrain à leur convenance, au milieu des champs, avec des arbres alentours et une jolie vue; puis ils sont allés partout où étaient des pierres, du sable, des solives, et, s'emparant de ces matériaux avec autant d'aisance qu'ils l'avaient fait du terrain, ils ont encore dérobé les pelles, pioches et truelles nécessaires, puis ils se sont mis à construire une fort jolie habitation.
Il n'y avait bientôt plus qu'à s'y loger, lorsque le propriétaire du champ, en y venant par hasard, vit qu'une maison y avait poussé. Quelque plante sauvage venue là ne l'aurait pas étonné, mais une maison l'intriguait au plus haut point. Il alla conter cette merveille au commissaire de police. On arrêta les sieurs B... et C..., on leur apprit que les terrains, les pierres, les solives, les truelles, tout absolument, s'achète et ne se prend pas, et on les envoya pour deux ans en prison.
C'est un moyen d'être logé pour rien.
Un autre tour de voleur est celui de Claude Guillot, condamné aux travaux forcés pour vols de vases sacrés dans les églises, et qui s'en allait de Paris à Dijon dans un wagon-cellule.
Les gardiens qui accompagnaient Guillot ayant à prendre, dans la prison de Dijon, quatre autres condamnés, s'y rendirent aussitôt, sans avertir personne à la gare de la présence d'un condamné dans le wagon-cellule. Ils furent absents environ une heure. A leur retour, le wagon était vide, et un premier coup d’œil fit connaître aux gardiens comment l'évasion avait pu s'effectuer.
Guillot a commencé par briser l'un des barreaux du grillage de la cellule, puis passant le bras à travers l'ouverture qui en est résultée, il a pris, dans un petit sac pendu près de la porte la clé de ses fers et s'en est débarrassé. Passant de nouveau le bras à travers la même ouverture, il a pris dans un autre sac la clé de la porte de sa cellule et l'a ouverte.
Se dirigeant vers l'endroit où les gardiens déposent leurs effets, il s'est revêtu du pantalon et de la veste du gardien-chef, veste décorée de la médaille de Saint-Hélène, a couvert sa tête du képi du gardien, s'est emparé d'une somme de 4 francs qu'il a trouvé sous sa main, et est sorti du wagon, puis de la gare, sans que personne eût le moindre soupçon.
Le désespoir éprouvé par le gardien-chef à la vue de la cellule vide ne saurait se dire. Sans songer même à raconter à aucune des autorités de la gare ce qu'il venait d'arriver, il s'est mis à la poursuite de Guillot, et, bien entendu, n'a pas pu l'atteindre.
Un bien triste événement est arrivé à la pointe de Saint-Quentin. Trois jeunes filles s'étaient avancées seules sur l'îlot Barrière; elles en sortirent en traversant une basse où il restait peu d'eau. Mais l'une d'elles, Léonie Labillet, âgée de dix-neuf ans, ayant oublié quelque chose dans l'île, voulut absolument y retourner. Lorsqu'elle revint, la marée montante envahissait la basse. Ses compagnes lui crièrent de courir plus loin, et qu'elle pourrait gagner assez sur le courant pour passer avant l'arrivée du flot. Mais la pauvre enfant, perdant la tête, s'avança toujours dans la basse convertie en torrent; une de ses compagnes, Virginie Batel, se mit à l'eau jusqu'à la ceinture pour essayer de lui tendre la main. Mais la pauvre Léonie fut renversée et roulée dans les flots, d'où elle ne reparut plus.
Deux jeunes ouvriers qui se rendaient à pied de Martigues à Port-de-Bouc, furent surpris par un grain violent, mêlé de rafales furieuses et d'une ondée diluvienne. Arrivés près du château de Croisainte, où ils avaient l'intention de chercher un abri, le chemin leur fut barré par un ruisseau débordé qui étendait au loin ses méandres torrentueux. Ils essayèrent de franchir cet obstacle, et entrèrent résolument dans l'eau en luttant contre le courant. Mais sa violence était plus forte que leur résistance et ils ne tardèrent pas à être emportés après des efforts inouïs. L'un d'eux fut assez heureux pour s'accrocher à des buissons et parvint ainsi à échapper à la mort. L'autre, nommé Finantiel, âgé de vingt-et-un ans, entraîné du côté de l'étang de Caronte, ne tarda pas à disparaître sous les eaux. Aux cris de désespoir de son camarade, plusieurs personnes accoururent du château de Croisainte. Mais leurs recherches furent infructueuses, et ne purent découvrir cet infortuné, dont le corps inanimé fut retrouvé, après l'averse, dans une touffe de tamarins qui borde l'étang de Caronte à l'embouchure du ruisseau de Croisainte.
Paul de Couder.
Journal du Dimanche, 31 janvier 1858.
Un autre tour de voleur est celui de Claude Guillot, condamné aux travaux forcés pour vols de vases sacrés dans les églises, et qui s'en allait de Paris à Dijon dans un wagon-cellule.
Les gardiens qui accompagnaient Guillot ayant à prendre, dans la prison de Dijon, quatre autres condamnés, s'y rendirent aussitôt, sans avertir personne à la gare de la présence d'un condamné dans le wagon-cellule. Ils furent absents environ une heure. A leur retour, le wagon était vide, et un premier coup d’œil fit connaître aux gardiens comment l'évasion avait pu s'effectuer.
Guillot a commencé par briser l'un des barreaux du grillage de la cellule, puis passant le bras à travers l'ouverture qui en est résultée, il a pris, dans un petit sac pendu près de la porte la clé de ses fers et s'en est débarrassé. Passant de nouveau le bras à travers la même ouverture, il a pris dans un autre sac la clé de la porte de sa cellule et l'a ouverte.
Se dirigeant vers l'endroit où les gardiens déposent leurs effets, il s'est revêtu du pantalon et de la veste du gardien-chef, veste décorée de la médaille de Saint-Hélène, a couvert sa tête du képi du gardien, s'est emparé d'une somme de 4 francs qu'il a trouvé sous sa main, et est sorti du wagon, puis de la gare, sans que personne eût le moindre soupçon.
Le désespoir éprouvé par le gardien-chef à la vue de la cellule vide ne saurait se dire. Sans songer même à raconter à aucune des autorités de la gare ce qu'il venait d'arriver, il s'est mis à la poursuite de Guillot, et, bien entendu, n'a pas pu l'atteindre.
Un bien triste événement est arrivé à la pointe de Saint-Quentin. Trois jeunes filles s'étaient avancées seules sur l'îlot Barrière; elles en sortirent en traversant une basse où il restait peu d'eau. Mais l'une d'elles, Léonie Labillet, âgée de dix-neuf ans, ayant oublié quelque chose dans l'île, voulut absolument y retourner. Lorsqu'elle revint, la marée montante envahissait la basse. Ses compagnes lui crièrent de courir plus loin, et qu'elle pourrait gagner assez sur le courant pour passer avant l'arrivée du flot. Mais la pauvre enfant, perdant la tête, s'avança toujours dans la basse convertie en torrent; une de ses compagnes, Virginie Batel, se mit à l'eau jusqu'à la ceinture pour essayer de lui tendre la main. Mais la pauvre Léonie fut renversée et roulée dans les flots, d'où elle ne reparut plus.
Deux jeunes ouvriers qui se rendaient à pied de Martigues à Port-de-Bouc, furent surpris par un grain violent, mêlé de rafales furieuses et d'une ondée diluvienne. Arrivés près du château de Croisainte, où ils avaient l'intention de chercher un abri, le chemin leur fut barré par un ruisseau débordé qui étendait au loin ses méandres torrentueux. Ils essayèrent de franchir cet obstacle, et entrèrent résolument dans l'eau en luttant contre le courant. Mais sa violence était plus forte que leur résistance et ils ne tardèrent pas à être emportés après des efforts inouïs. L'un d'eux fut assez heureux pour s'accrocher à des buissons et parvint ainsi à échapper à la mort. L'autre, nommé Finantiel, âgé de vingt-et-un ans, entraîné du côté de l'étang de Caronte, ne tarda pas à disparaître sous les eaux. Aux cris de désespoir de son camarade, plusieurs personnes accoururent du château de Croisainte. Mais leurs recherches furent infructueuses, et ne purent découvrir cet infortuné, dont le corps inanimé fut retrouvé, après l'averse, dans une touffe de tamarins qui borde l'étang de Caronte à l'embouchure du ruisseau de Croisainte.
Paul de Couder.
Journal du Dimanche, 31 janvier 1858.
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