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jeudi 26 octobre 2017

Pièce de mariage hollandaise.

Pièce de mariage hollandaise.


Il n'est personne qui ne sache ce qu'on appelle une "pièce de mariage". Dans la cérémonie religieuse du mariage chrétien, il est assez souvent d'usage de faire bénir, par le prêtre qui donne la bénédiction nuptiale aux deux époux, une médaille commémorative de cette bénédiction. On y voit un homme et une femme agenouillés au pied d'un autel, en face d'un prêtre qui consacre leur union. Et cet usage n'est pas récent: de tout temps, outre la cérémonie religieuse proprement dite, on trouve, à l'occasion du mariage chrétien, des monuments destinés à en perpétuer dans la famille le souvenir durable par un objet matériel.
A certaines époques, ces monuments, au lieu de porter simplement l'image d'un prêtre, ont porté celle du Christ lui-même. A l'origine du christianisme, ces effigies symboliques ont dû être fréquemment en usage. Il était dangereux d'être ou de se faire chrétien; il l'était aussi de se marier chrétiennement.
L'existence des deux époux chrétiens était exposée à des soucis, des craintes, des périls, des douleurs, que leur foi seule pouvait les aider à supporter. Aussi est-il bien naturel qu'on ait alors cherché, en toute occasion, à s'entourer d'objets qui pussent rappeler les événements de la vie auxquels cette foi avait donné une consécration religieuse.
Ainsi, l'on a trouvé des verres ou des tasses remontant aux premiers siècles du christianisme, et ayant fort probablement servi aux repas nuptiaux, dont le fond représente un mariage chrétien. Les deux époux se tiennent par la main, et, entre eux, l'on voit tantôt le monogramme du Christ, tantôt le Christ lui-même qui les couronne. Ces dessins portent aussi des inscriptions relatives à ce que doivent faire les deux époux, et à la vie qu'ils doivent mener en Dieu.
Le consciencieux et savant abbé Martigny, dans son Dictionnaire des antiquités chrétiennes, donne à ce sujet des détails fort intéressants. il décrit, entre autres, une médaille d'or, très-rare, d'après le P. Mozzoni, et qui  fut frappée à l'occasion du mariage de Marcien et de Pulchérie. Sur le revers se trouvaient deux époux nimbés se donnant la main, et sur le second plan, le Christ, la tête entourée du nimbe crucifère, imposait sa main droite sur l'épaule de Marcien et sa main gauche sur celle de Pulchérie.
La médaille que représente notre gravure, et qui est du dix-septième siècle, semble avoir été faite d'après la même inspiration que celle que l'on retrouve dans la médaille de Marcien et de Pulchérie. 



Il s'agit du mariage de deux grands personnages: leur costume et leur attitude le prouvent. Ils se donnent la main, et le Christ, la tête entourée d'une auréole, les bénit. L'inscription est la propre phrase de l'évangile de saint Mathieu: SOL KEIN MENSCH SCHEIDEN HWAS GOT ZUSAMMENFVGE, Aucun homme ne doit désunir ce que Dieu a uni.
Cette parole grave est ici plus qu'une simple formule, et l'on songe involontairement, en la lisant, qu'en effet, à la fin du seizième siècle et pendant une partie du dix-septième siècle, la vie de deux époux, en Hollande, si hauts placés, si riches, si puissants qu'ils fussent, n'était pas une vie oisive, ni molle, mais une vie d'inquiétudes et de périls à partager. On songe que ce petit pays, à cette époque, lutta longtemps et vaillamment pour sa liberté, et finit par la conquérir. On songe aussi que, malheureusement, une fois cette liberté conquise, les intrigues des uns, l'intolérance des autres, créèrent de nouveaux dangers, et que cette constance, cette fermeté dans l'affection conjugale, dont on voit de si nobles traits dans l'histoire de Hollande (Louise de Coligny, la femme du taciturne, par exemple), devinrent encore et bien plus tristement nécessaires en face de périls, de douleurs, de persécutions et de crimes qui venaient non plus du dehors, mais du dedans; non plus d'étrangers, d'envahisseurs, mais de concitoyens ambitieux et fanatiques.

Le Magasin pittoresque, novembre 1875.

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