M. Constans, ambassadeur.
M. Constans a eu une existence extraordinairement active. Fils d'un conservateur des hypothèques, il fit d'abord des études de droit très complètes qu'il poussa jusqu'au doctorat et prêta serment à la Cour de Toulouse. Mais il ne trouvait pas dans le prétoire un champ d'action assez vaste. Il partit en Espagne faire du commerce.
Il était né avec une fortune rondelette. Ses entreprises audacieuses lui en mangèrent les trois quarts. Il revint en France appauvri, mais plein de courage, et se mit à préparer l'agrégation de droit. Quand il eut son diplôme, il professa à la Faculté de Douai, puis à Dijon, puis à Toulouse. Il commençait à s'occuper de politique, et il était adjoint au maire de Toulouse quand le Gouvernement de l'Ordre Moral lui notifia sa révocation. Cette mesure était motivée uniquement par ses opinions.
M. Constans exulta; la lutte commençait.
Cet événement le lança à corps perdu dans la politique. Un revirement s'étant produit, sa chaire lui fut rendue en 1875. L'année suivante, il était élu député de la Haute-Garonne. Il ne tarda pas à se faire une place considérable à la Chambre et fit partie, comme sous-secrétaire d'Etat ou comme ministre de l'Intérieur, de plusieurs cabinets.
Ses partisans lui surent gré de l'énergie avec laquelle il appliqua les décrets de 1880 contre les congrégations, et combattit plus tard le boulangisme.
La dissolution de la Ligue des Patriotes fut son oeuvre, et c'est lui qui provoqua la chute de Boulanger avant que la Haute-Cour eût prononcé sans jugement
Entre temps, il était allé à Pékin, comme ministre plénipotentiaire, conclure un traité franco-chinois et avait exercé quelque temps les fonctions de Gouverneur général de l'Indo-Chine.
En 1889, comme ministre, il passa par la volonté des électeurs de la Haute-Garonne du palais Bourbon à celui du Luxembourg. Le boulangisme était écrasé: il dirigea ses efforts sur les mesures qui pouvait améliorer le sort de la classe ouvrière.
Ayant quitté, en 1892, le pouvoir, il passa quelques années de tranquillité au cours desquelles l'influence qu'il avait su prendre dans le parti républicain ne fit que croître, si bien qu'un jour, un ministre habile et inquiet lui offrit... une place dans l'Orient-express pour l'ambassade de Constantinople.
M. Constans trouva le gâteau à son goût et partit, il y a dix ans de cela. Mais en s'occupant des affaires de Turquie, il ne négligea pas celles de France.
Toutes les fois que la situation politique se tendait, on annonçait l'arrivée de M. Constant. Il fut pendant plusieurs années le croquemitaine qui faisait filer doux nos homme d'Etat.
On a annoncé dernièrement son retour définitif, mais cette nouvelle a jeté peu d'effroi, d'abord parce qu'on s'est accoutumé au danger, ensuite parce que M. Constans a maintenant soixante quinze ans bien sonnés.
L'ancien ministre a laissé à Paris le souvenir d'un homme affable, bon enfant, ne dédaignant pas les grosses plaisanteries et les calembours.
Un jour, pourtant on vit ce bon vivant se fâcher. Toute la Chambre en frissonna. C'était le 17 janvier 1892.
M. Constans malgré ses cinquante-neuf ans tomba à bras raccourcis sur l'orateur, qui reçut une belle "tripotée", le mot n'est pas déplacé, puisqu'il s'agissait de tripotages. Après quoi, M. Constans, étonné lui-même de sa fougue, s'excusa à la Chambre de la séance de boxe qu'il venait de lui donner.
Il y a quelques années, au moment de l'affaire Humbert, de nouvelles attaques furent dirigées contre M. Constans; mais ce qui avait tant échauffé le sang du ministre laissa l'ambassadeur indifférent.
Jean-Louis.
M. Ernest Constans est né à Béziers en 1833. Élevé au château du Gouzon (Aveyron); il ébaucha avec la fille d'un banquier voisin, une idylle qui se termina par un mariage. Il se lève matin, mange peu et hume la cigarette du matin au soir.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 30 août 1908.
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