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vendredi 28 juillet 2017

Les Français ont les premiers exploré la Corée.

Les Français ont les premiers exploré la Corée.


On me parlait récemment de l'étonnement de certaines personnes devant l'abondance de noms français que présentent les cartes de Corée.
Cet étonnement s'explique très facilement: fort ignorants, en France, de tout ce qui concerne les choses de la Marine, fort oublieux de toutes nos gloires maritimes, nous négligeons d'apprendre dans nos écoles, les grandes pages de notre histoire navale: et c'est ainsi que nous ne savons pas que la Corée fut pour la première fois explorée, voici un demi siècle, par des marins de chez nous. L'hydrographie coréenne est une découverte française, et des marins de France réussirent là où avaient échoués des matelots d'autres nations. La page est intéressante et vaut, en ce moment, d'être rappelée.
Jusque vers 1830, la Corée, que les Anglais appelait fort justement the hermit nation, avait en effet vécu dans un isolement complet et volontaire. Un certain Pic-Ki y avait, en 1780, fondé une église chrétienne qui, en 1831, comptait 10.000 fidèles, et à qui le pape envoya alors un évêque in partibus. En 1836, les P. Maubant et Chastan, et l'évêque Mgr Imbert arrivèrent à Séoul par la Chine: ils furent décapités le 30 septembre 1842. Et pour les venger, le 1er juin 1846 l'amiral Cecil se présenta avec sa division devant l'île Or-Ien-To; mais tout se borna à une démonstration platonique qui surexcita l'orgueil coréen.
Venus présenter de nouvelles réclamations, le 10 août 1847, le capitaine de vaisseau Lapierre, sur la Gloire, et Rigault de Genouilly, sur la Victorieuse, échouèrent malheureusement leurs bâtiments dans la baie Basilhall, mal relevée sur une carte anglaise. Les équipages se retranchèrent dans l'île Ko-Koum To, qui devint l'île du Campement, et les lieutenants de vaisseau Delapelin et Poidloue étant allés à Shangaï chercher des secours, lord Marqu'har, avec la frégate Dœdalier et les bricks Espiègle et Childer, vint sauver les français, le 1er septembre 1847.
Les Coréens, croyant leurs côtes inaccessibles, refusèrent toute satisfaction, pillèrent un baleinier français, et, après un moment de crainte, pendant l'expédition de Chine, en 1860, massacrèrent en 1866, neuf missionnaires et dix mille chrétiens.
La chine ayant prudemment conseillé à la cour de Séoul d'offrir des réparations, celle-ci répondit fort audacieusement: "Que ce n'était pas la première fois que des français étaient tués en Corée et que jamais leurs compatriotes n'avaient réclamé."
Le 10 septembre 1866, la corvette Primauguet, l'aviso Déroulède et la canonnière Tardif, parurent devant Kang-Hoa et reconnurent la route de Séoul, cependant que le gros de la division mouillait à Che-Fou. Puis la frégate la Guerrière, les corvettes à hélices Laplace et Primauguet, les avisos Déroulède et Kienchan, les canonnières Tardif et Lebreton, commandés par l'amiral Roze, forcèrent l'entrée du fleuve Han-Kang (rivière Salée). L'île Kang-Hoa, de 400 kilomètres carrés, fut prise: la résidence royale, les archives, onze forts, trois dépôts d'armes, des poudrières, des magasins furent saisis. Les navires français passèrent où n'avaient pu passer des navires américains.
Mais la marche sur Séoul par le fleuve fut manquée: deux échecs, un à la porte de Séoul, un à la pagode de Trieun-Tong-Sa, dû à la faiblesse numérique des effectifs engagés, relevèrent la morgue des Coréens; Les récits de M. H. Zuber, officier de l'escadre, qui publia un curieux récit illustré dans le Tour du Monde de 1873 et de M. Ridel, vicaire apostolique de Corée, montrent que l'on cherchait plus à faire peur aux Coréens qu'à conquérir le pays.
On fit beaucoup plus de la science que de la conquête; on dressa une carte, on fit l'hydrographie de la rivière Salée, du golfe du Prince-Jérôme dont on dénombra les 142 îles et îlots.
Une géographie et une histoire du royaume coréen furent ébauchées. Puis on fit l'inventaire des objets trouvés dans les forts et les magasins de Kang-Hoa: on y remarqua des canons se chargeant par la culasse, des fusils à répétition d'un mécanisme bizarre, mais ingénieux; on y enleva une magnifique collection de livres peints et illustrés, en papier de mûrier, qui sont aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris.
Bref, on s'occupa beaucoup de la Corée et fort peu des Coréens, et le 23 novembre 1866, l'expédition française quittait les côtes de "l'Empire ermite", emportant une très belle carte de la région étudiée et laissant à ces rivages les noms français encore utilisés aujourd'hui.
Aussi les Coréens furent-ils persuadés qu'ils avaient fait reculer l'escadre des barbares. Les membres de l'expédition eux-mêmes déclarèrent que l'aventure n'avait pas rapporté politiquement les profits attendus. Les seuls résultats étaient ethnographiques, géographiques et hydrographique.

                                                                                                       Georges Toudouze.

Le Petit journal militaire, maritime, colonial, 17 avril 1904.

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