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samedi 29 juillet 2017

L'église de Saint-Riquier.

L'église de Saint-Riquier.

A 9 kilomètres d'Abbeville (Abbatis villa, ancienne ferme de l'abbaye), dans un riant vallon, s'élève Saint-Riquier (Somme). Le Scardon baigne le mur méridional de l'antique et célèbre abbaye de l'ordre de saint Benoît, construite par saint Angilbert, sous Charlemagne, et qui a donné son nom à cette petite ville de 1.800 âmes.
Les historiens rapportent que trois cents religieux s'y relevaient nuit et jour pour chanter les louanges de Dieu, et que cent enfants, fils de rois ou de grands seigneurs, y étaient élevés dans l'étude des lettres et des sciences, sous la direction d'Alcuin. Le monastère et l'école donnèrent à l'Eglise vingt sept papes, deux cents cardinaux et cinq cents évêques. Les Bourguignons et les Français, durant le quinzième siècle, prirent, pillèrent et brûlèrent tour à tour la ville et l'abbaye.
Après l'incendie de 1437, on commença la construction de l'église abbatiale actuelle, considérée comme l'un des plus curieux monuments gothiques de la Picardie, et même de la France, et comme l'un des derniers et des plus parfaits modèles de ce genre d'architecture.




Le tympan placé au-dessus de la porte, dans le fond du cadre ogive, et que nous reproduisons ici, est totalement occupé par un bas-relief représentant l'arbre de Jessé ou la généalogie de Jésus-Christ. Douze rois, ses ancêtres, sont assis sur les branches de cet arbre dans des attitudes variées, et portent des costumes du seizième siècle: David, Salomon, Roboam, Abias, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Joatham, Achaz, Ézéchias et Manassé! En avant, sur un joli cul-de-lampe, décoré de pampres, on aperçoit Jessé richement vêtu, assis sur son trône, la tête appuyée sur sa main droite, et endormi; l'écusson de France, sans fleur de lis, est suspendu devant lui.
L'arbre est surmonté de la figure de la Vierge, portant sur ses genoux l'enfant Jésus. Les interstices sont découpés à jour et garnis de vitraux. Une riche dentelle encadre le tout.
Sur les panneaux unis, à encadrement, de la porte, sont sculptés deux médaillons représentant les bustes du Christ et de la Vierge. Cette profusion d'ornements signale la fin de la période ogivale.
La partie inférieure des deux contreforts de la tour, en dehors du portail, est décorée de six niches contenant des statues d'évêques et d'abbés révérés dans le Ponthieu.
Dans le fronton qui surmonte le grand arc ogive, un groupe représente le Mystère de la Trinité: le Père éternel, sur son trône, présente aux hommes son Fils crucifié. La tête, pleine de dignité, est coiffée de la tiare que domine une colombe figurant le Saint-Esprit. Au-dessus, des anges à demi-mutilés et un riche dais pyramidal découpé à jour.
En dehors du fronton, et sur le mur de face, sont des niches séparées par des compartiments, les statues colossales des douze apôtres, remarquables par la beauté du style et par le fini de l'exécution. On distigue, à droite, saint Riquier; à gauche, saint Angilbert, à genoux devant Dieu le Père.
Le fronton triangulaire en saillie qui termine cette partie de la façade, et qui domine le portail, est décoré de trois statues surmontées de dais en forme de couronnes. Au milieu, la Vierge recevant de l’Éternel la couronne céleste fleurdelisé que soutiennent deux anges. A gauche, Dieu le Père; à droite, le Christ. Le saint-Esprit, en colombe, plane sur ce groupe modelé avec beaucoup d'art. Ajoutons que le fronton se détache sur un fond lisse, coupé par de fines colonnettes terminées par des trèfles. Les rampants et la frise sont décorés de chardons délicatement fouillés.
Le gros mur de la tour est bordé d'une balustrade orné d'entrelacs découpés à jour. La tour, sur chacune de ses faces, est ouverte de deux baies garnies de trois abat-vents. Entre elles, apparaît la statue colossale de saint Michel, protecteur de la France et terrassant Satan avec la croix; à gauche, Adam et Eve après leur faute; à droite, Moïse et le roi David.
La tour se termine par une véritable broderie architecturale et le sommet est bordé d'une balustrade à jour.
Il faut regretter, avec M. Adolphe  Joanne, les restaurations mal habiles qui ont dénaturé l'aspect extérieur de l'église en faisant disparaître les jolis clochetons qui surmontaient les contre-forts.
L'ensemble de l'édifice présente la forme d'une croix latine, longue de cent quatre mètres et large de vingt-cinq. La grande nef mesure vingt-cinq mètres de hauteur, tandis que les bas-côtés n'en mesurent que treize ou quatorze. A l'intérieur, l'église se compose d'une nef (cinq travées) avec bas-côtés autour du chœur, d'un transept et de onze chapelles rayonnant autour du sanctuaire.
L'église est aujourd'hui paroissiale et, depuis 1822, un petit séminaire est installé dans l'abbaye.

                                                                                                   V.-F. Maisonneuve.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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