Les couleurs de la toilette féminine.
La nature a donné aux papillons des couleurs différentes, selon qu'ils volent aux heures du crépuscule ou à la lumière du plein midi. Le brun foncé, le marron, le gris liseré de noir, revêtent les ailes veloutées des bombyx et des sphinx qui ne prennent leur essor qu'à la nuit tombante. Les couleurs éclatantes et gaies, le jaune d'or, le bleu d'azur, le rouge vif ou tendre, les chatoiements irisés ou nacrés sont le privilège de ces légers papillons de jour qu'on voit voltiger le long des eaux vives ou dans les allées des bois, au grand soleil d'été.
Les femmes suivent dans leur toilette cette loi d'harmonie qui régit la gent papillonne. Elles gardent pour la saison des frimas et des brumes les vêtements aux teintes neutres, les soies foncées, les fourrures lourdes et sombres; mais, au premier beau jour, vite les robes couleur de soleil et de feuilles vertes se montrent dans la clarté joyeuse des rues et des promenades.
Tout est si beau! Les éventaires des bouquetières sont jonchés de roses et d’œillets qui embaument; les étalages des magasins rivalisent de fraîcheur et de gaîté. Là, sont les étoffes légères, bleues, roses ou gris-perle; les longues ombrelles à cannes qui font rêver aux lentes et majestueuses promenades des belles dames du temps passé; les larges éventails noirs tout semé d'églantines, de lilas et de narcisses, et ces écharpes de crêpe de Chine que l'on noue derrière, à la Charlotte-Corday, et qui avantagent si bien les tailles élégantes... La rue est vivante, souriante, chatoyante. Il semble que les femmes qui se parent de ces jolies choses doivent être toutes jeunes et charmantes.
Malheureusement, il n'en est pas toujours ainsi: se bien mettre est un art qui exige du goût et un sentiment exquis de l'harmonie des couleurs. C'est un don naturel, une sorte d'intuition. On voit des femmes qui savent très-bien choisir séparément un joli chapeau, une jolie robe, mais qui ne se doute pas que telle nuance ne peut s'accorder avec telle autre, et qui comment journellement un crime de lèse-harmonie
La suprême élégance consiste dans l'assortiment complet de la toilette. Par exemple, une femme qui aura une tunique de soie grise, relevée sur une jupe de faille marron doré, devra pour rendre sa toilette harmonieuse porter des gants et des bottines de l'une ou de l'autre de ces couleurs. Son chapeau devra être également dans les mêmes tons; seulement, une fleur bleue, rose ou cerise, selon l'âge et le teint, devra relever et réveiller ce parti-pris de gris ou de marron. La fleur est le trait d'esprit de la toilette; elle peut, à elle seule, égayer le costume le plus sévère et lui donner une physionomie piquante ou modeste, suivant la façon dont elle est posée. Avec la forme des coiffures actuelles, qui découvrent beaucoup la chevelure, il est très-gracieux, au lieu de coudre la fleur, de la piquer soi-même dans les cheveux, à l'aide d'une longue épingle. Elle se trouve ainsi accommodée à l'air du visage, chose importante pour les femmes aux traits mobiles, et qui n'ont pas tous les jours la même figure.
La chaussure est une des choses qu'une femme de goût doit avant tout soigner dans sa toilette. Le bas blanc, uni et fin, est toujours le plus distingué. Chez soi, dans ses pantoufles, on peut à la rigueur se mettre le bas de fantaisie rayé ou le bas de soie de couleur à coins brodés; mais, pour sortir, la femme comme il faut doit porter le classique bas blanc.
La bottine de chevreau à haute empeigne et à boutons est la chaussure la plus convenable pour les temps incertains; la mignonne bottine de fin chevreau à guêtres grises, pour les beaux jours; mais point de botte ou de demi-bottes qui grossissent le bas de la jambe; point de nœuds ou de bouffettes qui élargissent et gâtent le pied le mieux fait!
Les mêmes principes doivent être appliqués au choix des gants. Il faut les assortir à la nuance de la toilette. C'est un tort de croire que le gant doit trancher sur le costume. Ces oppositions de couleurs ne sont permises qu'avec les toilettes noires. Ainsi la nuance bouton d'or est charmante avec une robe de soie noire; elle trancherait trop avec une toilette bleue. Il faut pour cette dernière nuance le gant de couleur mastic ou noisette pâle. Laissons aux Anglaises et aux Allemandes ces gants aux teintes voyantes, bleus, verts ou violet d'évêque, que quelques marchands exposent à leur étalage et qui sont du dernier mauvais genre.
Tous ces menus détails de la toilette exigent une grande sûreté de goût; mais le goût ne suffit pas pour se bien mettre, il faut encore y joindre du tact et de l'esprit.
Une femme spirituelle ne mettra pas, à son jour de réception, la robe qu'elle choisirait pour faire visite aux personnes qu'elle reçoit. Chez elle, une femme doit toujours garder une simplicité élégante, et, sous le rapport de la toilette, s'effacer complètement devant ses invitées. Point de couleurs trop pimpantes, ni de bijoux trop éclatants. Du reste, sa beauté n'y perdra rien, car la femme vue chez elle, dans le cadre qu'elle s'est elle-même arrangé, est toujours mille fois plus charmante que n'importe où.
Il y a aussi dans le choix des couleurs des questions de sentiment et de convenance. Pour rendre une visite de condoléance, une femme de tact revêtira la robe noire qui doit faire le fond de toute garde-robe féminine. Si son chapeau est gaîment fleuri, elle devra, pour la circonstance, en sacrifier les fleurs, afin que l'éclat de sa toilette ne contraste pas avec la tristesse des personnes qu'elle visite. Ces petits détails, qui semblent des riens, sont d'une grande importance dans la vie mondaine, et font immédiatement juger d'une manière différente la femme qui les néglige et celle qui les observe.
L'esprit dans la toilette se reconnait aux moindres choses: à la façon dont un nœud est posé, à un velours mis ou omis, et surtout au choix des nuances assorties au teint. Il y a de jolies femmes qui s'enlaidissent à plaisir en portant des couleurs qui les effacent absolument. Une blonde doit se renfermer dans les nuances douces et les demi-teintes: le bleu pâle ou foncé, le noir, le brun, le mauve et le vert, telles sont les couleurs qui lui seyent le mieux; Le cerise tendre s'accorde parfois merveilleusement avec quelques chevelures blondes et ajoute du piquant à une physionomie un peu terne; mais on doit laisser aux brunes le rouge ponceau, le jaune, le violet, le rose vif et le blanc. Quant aux châtaines, elles ont le privilège de pouvoir porter indistinctement toutes les nuances, étant à la fois brunes et blondes: brunes à l'ombre et blondes au soleil. C'est la couleur vraiment française, et surtout vraiment parisienne. Les châtaines peuvent disposer à leur fantaisie de la gamme de l'arc-en-ciel; tout leur va; un ruban bleu au corsage, aussi bien qu'un œillet rouge piqué dans les cheveux; c'est une question d'heure et de saison, de pluie et de beau temps, d'humeur gaie ou mélancolique; la femme châtaine est l'être mobile et ondoyant par essence, et c'est ce qui lui donne deux charmes très-appréciés par le sexe fort: la nouveauté et l'imprévu.
Rose-Lise.
Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.
La suprême élégance consiste dans l'assortiment complet de la toilette. Par exemple, une femme qui aura une tunique de soie grise, relevée sur une jupe de faille marron doré, devra pour rendre sa toilette harmonieuse porter des gants et des bottines de l'une ou de l'autre de ces couleurs. Son chapeau devra être également dans les mêmes tons; seulement, une fleur bleue, rose ou cerise, selon l'âge et le teint, devra relever et réveiller ce parti-pris de gris ou de marron. La fleur est le trait d'esprit de la toilette; elle peut, à elle seule, égayer le costume le plus sévère et lui donner une physionomie piquante ou modeste, suivant la façon dont elle est posée. Avec la forme des coiffures actuelles, qui découvrent beaucoup la chevelure, il est très-gracieux, au lieu de coudre la fleur, de la piquer soi-même dans les cheveux, à l'aide d'une longue épingle. Elle se trouve ainsi accommodée à l'air du visage, chose importante pour les femmes aux traits mobiles, et qui n'ont pas tous les jours la même figure.
La chaussure est une des choses qu'une femme de goût doit avant tout soigner dans sa toilette. Le bas blanc, uni et fin, est toujours le plus distingué. Chez soi, dans ses pantoufles, on peut à la rigueur se mettre le bas de fantaisie rayé ou le bas de soie de couleur à coins brodés; mais, pour sortir, la femme comme il faut doit porter le classique bas blanc.
La bottine de chevreau à haute empeigne et à boutons est la chaussure la plus convenable pour les temps incertains; la mignonne bottine de fin chevreau à guêtres grises, pour les beaux jours; mais point de botte ou de demi-bottes qui grossissent le bas de la jambe; point de nœuds ou de bouffettes qui élargissent et gâtent le pied le mieux fait!
Les mêmes principes doivent être appliqués au choix des gants. Il faut les assortir à la nuance de la toilette. C'est un tort de croire que le gant doit trancher sur le costume. Ces oppositions de couleurs ne sont permises qu'avec les toilettes noires. Ainsi la nuance bouton d'or est charmante avec une robe de soie noire; elle trancherait trop avec une toilette bleue. Il faut pour cette dernière nuance le gant de couleur mastic ou noisette pâle. Laissons aux Anglaises et aux Allemandes ces gants aux teintes voyantes, bleus, verts ou violet d'évêque, que quelques marchands exposent à leur étalage et qui sont du dernier mauvais genre.
Tous ces menus détails de la toilette exigent une grande sûreté de goût; mais le goût ne suffit pas pour se bien mettre, il faut encore y joindre du tact et de l'esprit.
Une femme spirituelle ne mettra pas, à son jour de réception, la robe qu'elle choisirait pour faire visite aux personnes qu'elle reçoit. Chez elle, une femme doit toujours garder une simplicité élégante, et, sous le rapport de la toilette, s'effacer complètement devant ses invitées. Point de couleurs trop pimpantes, ni de bijoux trop éclatants. Du reste, sa beauté n'y perdra rien, car la femme vue chez elle, dans le cadre qu'elle s'est elle-même arrangé, est toujours mille fois plus charmante que n'importe où.
Il y a aussi dans le choix des couleurs des questions de sentiment et de convenance. Pour rendre une visite de condoléance, une femme de tact revêtira la robe noire qui doit faire le fond de toute garde-robe féminine. Si son chapeau est gaîment fleuri, elle devra, pour la circonstance, en sacrifier les fleurs, afin que l'éclat de sa toilette ne contraste pas avec la tristesse des personnes qu'elle visite. Ces petits détails, qui semblent des riens, sont d'une grande importance dans la vie mondaine, et font immédiatement juger d'une manière différente la femme qui les néglige et celle qui les observe.
L'esprit dans la toilette se reconnait aux moindres choses: à la façon dont un nœud est posé, à un velours mis ou omis, et surtout au choix des nuances assorties au teint. Il y a de jolies femmes qui s'enlaidissent à plaisir en portant des couleurs qui les effacent absolument. Une blonde doit se renfermer dans les nuances douces et les demi-teintes: le bleu pâle ou foncé, le noir, le brun, le mauve et le vert, telles sont les couleurs qui lui seyent le mieux; Le cerise tendre s'accorde parfois merveilleusement avec quelques chevelures blondes et ajoute du piquant à une physionomie un peu terne; mais on doit laisser aux brunes le rouge ponceau, le jaune, le violet, le rose vif et le blanc. Quant aux châtaines, elles ont le privilège de pouvoir porter indistinctement toutes les nuances, étant à la fois brunes et blondes: brunes à l'ombre et blondes au soleil. C'est la couleur vraiment française, et surtout vraiment parisienne. Les châtaines peuvent disposer à leur fantaisie de la gamme de l'arc-en-ciel; tout leur va; un ruban bleu au corsage, aussi bien qu'un œillet rouge piqué dans les cheveux; c'est une question d'heure et de saison, de pluie et de beau temps, d'humeur gaie ou mélancolique; la femme châtaine est l'être mobile et ondoyant par essence, et c'est ce qui lui donne deux charmes très-appréciés par le sexe fort: la nouveauté et l'imprévu.
Rose-Lise.
Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.
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