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lundi 13 juin 2016

Le Mont-Dore.

Le Mont-Dore.
(Puy-de-Dôme)



On désigne sous le nom général de Mont-Dore, et non pas Mont-d'Or, une chaîne de montagnes du département du Puy-de-Dôme, montagnes dont la circonférence est d'environ vingt lieues.
La vallée du Mont-Dore est formée par quatre montagnes: à droite, le Rigolet et Lucleigue; à gauche, Langle, d'où sortent les eaux thermales des bains, et Servielle, que le peuple a surnommé l'Ecorchade, à cause des ravins dont elle est sillonnée. 
Les feux souterrains des volcans ont tourmenté, soulevé, bouleversé ces masses énormes; leur aspect est devenu terrible, et leurs noms conservent souvent le souvenir de ces catastrophes épouvantables qui ne s'effacent jamais de la mémoire des hommes. Ici, c'est la vallée des Enfers, plus loin, le chemin du Diable, les Abîmes, etc. C'est surtout à l'automne que ces montagnes reprennent leur aspect sauvage, quand la cime des pins commence à blanchir, quand les redoutables Echirs ébranlent les airs.
Le Rigolet est une montagne à cime ronde, élevée de 230 toises au-dessus du village, couverte de bois et d'énormes prismes de basalte. Les gens du pays l'appellent le Capucin, parce que, parmi ces prismes, il en est un isolé, qui représente assez bien l'aspect d'un capucin enveloppé de son froc.
La vallée s'ouvre du sud au nord, et a près d'une lieue et demie de longueur; elle est terminée par le Mont-Dore, la plus haute montagne de l'Auvergne, et qui donne à la fois son nom, et au village des bains et à la chaîne de montagnes dont il fait partie. Ce mont ferme la vallée de sa large base, s'arrondit autour d'elle en demi-cercle, et, s'élevant par une pente peu rapide, forme un vaste amphithéâtre couvert d'une forêt de sapins. Cette masse imposante, dont la hauteur n'est pas moindre de 512 toises, doit son nom à un faible ruisseau nommé la Dore, qui y prend sa source, non loin d'un autre nommé Dogne. Les deux sources, se confondant dans la vallée, forment ensemble la rivière appelée la Dordogne.
Le lieu d'où s'élance la Dore est un large ravin de forme triangulaire, dont la couleur rougeâtre fait encore ressortir l'éclat argenté de ses eaux. Partout ailleurs, cette riche et sauvage décoration serait admirée, même isolée de tout ce qui l'entoure. Ici, elle ravit, parce qu'elle n'est que le complément d'un tableau magnifique. Cependant cette même cascade, dont le site et les détails, adoucis au loin par l'illusion de la perspective, se montre sous des formes ravissantes; si l'on ne craint pas d'essuyer quelques peines, même de courir quelques risques pour la considérer de près, on la trouvera horrible. Un chemin particulier conduit au Mont-Dore; il est même possible d'arriver à cheval jusqu'à la base du dôme qui le termine, et qu'on nomme le Pic-de-Lacroix. Mais à moins d'être accoutumé au péril des montagnes, il ne faut pas tenter d'escalader le pic. Beaucoup de personnes ne se verraient pas sans effroi sur la pointe de cette quille, entourée de tous côtés de précipices. Il règne sur le Mont-Dore et dans ses environs, un froid très vif; souvent au mois d'août on y voit de la neige qui n'est pas encore fondue.
La gorge où la Dogne prend sa source s'appelle les Enfers, et l'on est forcé d'avouer que, par son aspect effroyable, par les formes affreuses de ses rochers volcaniques, ses énormes morceaux de laves brisées, elle ne mérite que trop bien son nom.
La vallée du Mont-Dore offre aux regards des observateurs les curiosités les plus rares et les plus variées. 




La Dordogne reçoit un ruisseau qui porte le nom de Cascade, et qui forme effectivement la plus célèbre de toutes les cascades de l'Auvergne. Ce ruisseau tombe d'une montagne volcanique, que les eaux ont creusée depuis des siècles; les couches qu'elles ont mises ainsi à découvert nous prouvent qu'elle fut formée par les diverses éruptions d'un volcan.
On peut monter à la cascade en suivant le ravin formé par le ruisseau; la fatigue est extrême, mais combien n'en est-on pas dédommagé! Quand on est arrivé au sommet de la montagne, on voit se déployer une vaste et magnifique décoration; c'est une immense coulée de basalte, qui, haute de 60 pieds, et terminée par une surface plane, est venue sur la montagne s'arrondir en demi-cercle. Cette enceinte ovale est presque aussi régulière, si l'on excepte un endroit qui s'est écroulé, que le plus bel amphithéâtre romain. C'est au centre de l'enceinte qu'est placée la cascade; c'est de cet hémicycle, haut de 60 pieds, qu'elle se précipite, et telle est la violence de sa chute, que les laves sur lesquelles elle tombe la font rejaillir avec tant de force, que, réduite en poussière humide, elle inonde le spectateur, même à une grande distance. On cite encore les cascades de Cureuil et de la Vernière, et les voyageurs ne manqueront pas de visiter le Pic-de-Sancy.
Le village des Bains, par son admirable position, devait offrir le coup d’œil le plus pittoresque, avant d'avoir été gâté par ces froides et plates constructions modernes, espèce de cage à voyageurs, dont les blanches murailles semblent une anomalie si choquante au milieu de cette nature sauvage et vigoureusement colorée. Le village est riche en sources thermales et minérales; il avait attiré l'attention des Romains, qui attachaient tant d'importance à ces sources, qui, outre leur utilité reconnue, emportaient avec elles quelques idées religieuses. Le temps et la barbarie des hommes ont épargné quelques restes des édifices qu'ils y firent élever; mais on n'a aucune donnée positive sur l'époque de ces constructions; on ne peut que conjecturer, d'après le style des sculptures, qu'elles appartiennent au Bas-Empire, et au IVe siècle de notre ère.
Malgré les attaques du temps, malgré le rude climat de la vallée, malgré les orages et les éboulements de la montagne de Langle, le petit bâtiment ou Ædicula, qui renferme la source des bains, est parvenu jusqu'à nous; il a 11 pieds de profondeur, 9 de largeur et 11 d'élévation. Au centre de cette construction, l'eau jaillit en bouillonnant, et sa chaleur est telle qu'elle fait monter le thermomètre à 36° de Réaumur.
Le vaste édifice destiné aux bains, dont la construction n'a été terminée que depuis quelques années, a nécessité quelques réparations, quelques changements dans la forme extérieure de l'Ædicula, dite les Bains de César. Son frontispice a été réparé, et la chaleur de ses eaux modérée par leur mélange avec des eaux d'une température moins élevée.
Il existe encore trois autres sources thermales, celle de Sainte-Marguerite et du Tambour, et le Grand Bain, ou bain de Saint-Jean. Le Grand Bain est situé à 20 pas  des Bains de César; le bâtiment qui le contient est de construction romaine, et dans les travaux exécutés il y a peu d'années, outre un grand nombre de curieux fragments d'antiquité, on a trouvé deux sources abondantes dont la température n'est pas au-dessous de 42 degrés.
Devant le village des Bains est une place au centre de laquelle est une source froide et minérale; à l'extrémité méridionale s'élevait un temple magnifique, dont le nom antique de Panthéon s'est conservé jusqu'à nous. On est parvenu à relever exactement le plan de ce monument. Il paraît que sa façade était ornée d'un fronton soutenu par six colonnes; cette construction paraît dater du Bas-Empire, et cependant tous ses ornements sont d'un goût et d'une délicatesse remarquables.
Les bains du Mont-Dore sont au nombre des plus fréquentés; du 15 juin au 20 septembre, ils reçoivent chaque année plus de deux mille baigneurs, qui pour la plupart, viennent moins pour y chercher la santé que pour y déployer tous les raffinements du luxe, et se conformer aux règles de la mode et du bon ton.

                                                                                                                  E. B.

Le Magasin universel, avril 1837.



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