Voyage de l'explorateur français Jules Borelli dans l'Afrique orientale.
Ces contrées sont fertiles, bien peuplées et passablement cultivées. On y trouve, avec le blé et l'orge, le "tief" et le "daghousa", deux céréales particulières au pays. Le doura abonde. On y rencontre partout un grand bananier improductif appelé "kotcho". Les filaments de ses feuilles sont employés dans la confection des perruques pour les femmes de Djimma: les fibres servent à la fabrication des cordes; la pulpe se mange sous les formes les plus diverses.
L'explorateur français, M. Jules Borelli a quitté la France au printemps de l'année 1884 et il n'y est rentré qu'au mois de juin 1889. Après avoir préparé une partie de son voyage en Egypte et subi mille contrariétés de toute nature sur la côte orientale d'Afrique, à Zeylah, à Toudjourah, à Ambado et ailleurs, il s'est mis en route avec sa caravane au mois de septembre 1885, se dirigeant vers Ankoboer, ville principale du Zchôa, à travers le désert des Danakil.
A Antoto, capitale actuelle du Schôa, il fut reçu par le roi Menelik qui se prétend arrière-petit-fils de Salomon et de la reine de Saba. Le Négous le retint longtemps dans ce pays; Borelli en profita pour étudier les mœurs et recueillir des renseignements précieux au point de vue de l'histoire et de la géographie.
Menelik s'habille généralement avec des tissus de coton, fabriqués au Schôa; mais il recherche avec empressement les étoffes riches de provenance européenne. Il porte un chapeau de paille recouvert de velours noir avec un serre-tête en mousseline.
Ses habitations se composent d'un grand nombre de huttes ou maisons élevées dans des enceintes entourées de palissades. Les constructions sont faites en grands éclats de bois fichés dans le sol et recouverts de terre argileuse. Les toitures sont coniques, composées aussi d'éclats de bois reliés entre eux par des lanières de cuir vert et recouvertes de longues herbes sèches.
Les femmes portent des coiffures compliquées dont les éléments éventuels sont des tresses plus ou moins larges. Les hommes ont aussi, pour leur chevelure, des soins laborieux qui en augmentent la malpropreté.
Après avoir, le premier, relevé scientifiquement la route d'Antoto à Harrar, dont Menelik venait de faire la conquête, Borelli a fait de nombreuses excursions, au Sud, dans les pays Oromo, dits Galla. Successivement, il a visité les Betcho, les Amaya, les Nonnos, etc., etc. Il a pénétré ensuite dans les petits royaumes de Limou, Gouma, Gomma, Ghéra, Djimma, etc., etc.
Dans cette région, hommes et femmes portent les cheveux en longues mèches ondulées qui couvrent souvent une partie du visage. A Djimma, l'usage des postiches est presque général et ces accessoires de toilette prennent des proportions et des formes extravagantes.
Ces contrées sont fertiles, bien peuplées et passablement cultivées. On y trouve, avec le blé et l'orge, le "tief" et le "daghousa", deux céréales particulières au pays. Le doura abonde. On y rencontre partout un grand bananier improductif appelé "kotcho". Les filaments de ses feuilles sont employés dans la confection des perruques pour les femmes de Djimma: les fibres servent à la fabrication des cordes; la pulpe se mange sous les formes les plus diverses.
Les bois et les forêts sont nombreux. Les arbres de la famille des "ficus" y dominent. Les "kelto", les "olda", les "abrou", les "woadeyssa" sont de véritables géants et souvent, dix ou quinze hommes ne réussissent pas à embrasser leurs troncs!
Les Oromo (Galla) les ont en vénération; ils viennent en pèlerinage, suspendre à leurs branches des bagues ou des bracelets. En passant près d'eux, ils les frottent de beurre et ils déposent, sous leur ombrage, des brins d'herbe, à titre d'offrande pieuse.
La production et la consommation de miel sont très considérables. On en fabrique une boisson fermentée. La cire est utilisée pour les torches; on en recouvre une bande de cotonnade que l'on fixe avec un clou sur un appareil de bois qui sert de chandelier.
Pour conserver leurs grains pendant la saison des pluies, les Oromo les emmagasinent dans de grands paniers de deux mètres de hauteur et d'un mètre et demi de diamètre qu'ils couvrent d'un petit toit de chaume. Ils laissent ensuite au dehors ces greniers mobiles.
En dépit des obstacles de toute nature qui lui ont été opposés, Borelli est parvenu à traverser le fleuve Omo et à pénétrer dans les pays Sidama.
Les langues de cette région diffèrent absolument de la langue des Oromo. Borelli en signale quatre et a rapporté des vocabulaires de trois d'entre elles. Les noms même de ces contrées étaient ignorés ou à peine connus: Tambaro, Hadia, Waltamo, Amzoula, etc., etc.
L'explorateur français a pu apercevoir distinctement le lac Abbala dont l'existence avait été signalée sans qu'il ait encore été visité. Traversant de nouveau le fleuve, il est arrivé dans le Koullo, au prix des plus grands sacrifices et en exposant sa vie à toute heure; mais l'attitude constamment hostile des habitants et les terreurs des indigènes qui l'accompagnaient l'ont obligé à revenir sur ses pas. Il a voulu alors pénétrer dans le Zingero, petit pays dont les naturels lui avaient paru offrir un intérêt particulier au point de vue ethnographique. Il réussit d'abord; ayant fait alliance avec un chef puissant du pays de Hereto, qui vint avec lui accompagné de plus de 1.800 hommes. Mais pendant une dernière lutte, beaucoup trahirent, il se vit entouré de plusieurs milliers de cavaliers et obligé de fuit précipitamment. Le chef Oromo qui lui avait donné son appui et une centaine de malheureux indigènes tombèrent entre les mains de ces sauvages combattants. Il fut blessé. Le chef Oromo fut éventré et les prisonniers furent tués: on leur fit boire de l'eau bouillante.
Les Zingero pratiquent les sacrifices humains; les immolations ont lieu le premier jour de chaque nouvelle lune. Entre autres coutumes étranges de ce petit peuple, Borelli signale l'usage de se couper les bouts de seins "pour ne pas ressembler aux femmes" disent-ils.
Les habitants de ce petit royaume ont des cultures relativement soignées. Ils filent et tissent le coton, comme les Oromo; mais ils sont plus industrieux et leurs étoffes sont plus belles. Ils tissent notamment des orties qui atteignent la dimension de grands arbustes. Borelli a rapporté et réuni dans une magnifique collection dont il a fait présent à l'Etat de nombreux spécimens de l'industrie des peuples Sidama et Oromo. Le ministre de l'instruction publique et le monde savant ont grandement apprécié l'intérêt exceptionnel de cette série de documents ethnographiques qui a été définitivement installées et exposée au musée de Trocadéro.
Le courageux explorateur qu'aucune épreuve n'avait découragé a été vaincu par la maladie au mois de mai 1888. A grand'peine, il a pu regagner le Schôa où il a passé la saison des pluies, épuisé par les fièvres et les privations, dans une hutte d'Antoto. Il voulait reprendre, quelques mois plus tard, le cours de ses explorations mais ses forces étaient à bout et la maladie ne le quittait pas. Il dut partir et retourner péniblement à la côte par Harrar et Zeylah.
Au cours de ses voyages, Borelli a relevé d'une façon absolue et minutieuse, qui a fait l'admiration des hommes compétents et des plus illustres géographes, les pays qu'il a parcourus. il n'a pas cessé de porter avec lui ses instruments de physique et il les a rapportés en France pour assurer le contrôle de ses observations. La carte de la région qu'il vient d'explorer est en grande parie achevée; elle a été dressée par lui, à l'Observatoire de Paris, sous la haute direction de l'amiral Mouchez.
J. Borelli est né à Marseille en 1853; ses études finies à Paris, il s'embarque sur un voilier américain, va à San-Francisco, s'engage sur un baleinier, est pris par les glaces au nord du détroit de Behring; il rentre en France en 1873, immédiatement il part sur un trois-mâts français, va aux îles Réunion et Maurice, puis dans l'Inde; au retour, le navire, pris dans un cyclone, désemparé, atteint Natal; Norelli retourne à l'île Maurice, puis rentre en France par le cap de Bonne-Espérance, Sainte-Hélène et les Açores; il repart de nouveau pour la Réunion, de là, il va dans les Indes et ensuite parcourt une partie de Madagascar. En 1878, il visite la côte du Sahara et du Sénégal, en 1879 et 1880, il parcourt les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire, visite le Caucase, la Caspienne, la Russie méridionale, les principautés danubiennes et rentre en France par l'Autriche. Fin 1883, il part pour l'Egypte, parcourt l'Egypte et la Nubie jusqu'au-dessus de Wady-Alpha.
Ces utiles explorations ont trouvé leur récompense. M. Jules Borelli a été nommé le 14 juillet dernier, chevalier de la Légion d'honneur.
Le Petit Moniteur illustré, dimanche 17 août 1890.
Les Oromo (Galla) les ont en vénération; ils viennent en pèlerinage, suspendre à leurs branches des bagues ou des bracelets. En passant près d'eux, ils les frottent de beurre et ils déposent, sous leur ombrage, des brins d'herbe, à titre d'offrande pieuse.
La production et la consommation de miel sont très considérables. On en fabrique une boisson fermentée. La cire est utilisée pour les torches; on en recouvre une bande de cotonnade que l'on fixe avec un clou sur un appareil de bois qui sert de chandelier.
Pour conserver leurs grains pendant la saison des pluies, les Oromo les emmagasinent dans de grands paniers de deux mètres de hauteur et d'un mètre et demi de diamètre qu'ils couvrent d'un petit toit de chaume. Ils laissent ensuite au dehors ces greniers mobiles.
En dépit des obstacles de toute nature qui lui ont été opposés, Borelli est parvenu à traverser le fleuve Omo et à pénétrer dans les pays Sidama.
Les langues de cette région diffèrent absolument de la langue des Oromo. Borelli en signale quatre et a rapporté des vocabulaires de trois d'entre elles. Les noms même de ces contrées étaient ignorés ou à peine connus: Tambaro, Hadia, Waltamo, Amzoula, etc., etc.
L'explorateur français a pu apercevoir distinctement le lac Abbala dont l'existence avait été signalée sans qu'il ait encore été visité. Traversant de nouveau le fleuve, il est arrivé dans le Koullo, au prix des plus grands sacrifices et en exposant sa vie à toute heure; mais l'attitude constamment hostile des habitants et les terreurs des indigènes qui l'accompagnaient l'ont obligé à revenir sur ses pas. Il a voulu alors pénétrer dans le Zingero, petit pays dont les naturels lui avaient paru offrir un intérêt particulier au point de vue ethnographique. Il réussit d'abord; ayant fait alliance avec un chef puissant du pays de Hereto, qui vint avec lui accompagné de plus de 1.800 hommes. Mais pendant une dernière lutte, beaucoup trahirent, il se vit entouré de plusieurs milliers de cavaliers et obligé de fuit précipitamment. Le chef Oromo qui lui avait donné son appui et une centaine de malheureux indigènes tombèrent entre les mains de ces sauvages combattants. Il fut blessé. Le chef Oromo fut éventré et les prisonniers furent tués: on leur fit boire de l'eau bouillante.
Les Zingero pratiquent les sacrifices humains; les immolations ont lieu le premier jour de chaque nouvelle lune. Entre autres coutumes étranges de ce petit peuple, Borelli signale l'usage de se couper les bouts de seins "pour ne pas ressembler aux femmes" disent-ils.
Les habitants de ce petit royaume ont des cultures relativement soignées. Ils filent et tissent le coton, comme les Oromo; mais ils sont plus industrieux et leurs étoffes sont plus belles. Ils tissent notamment des orties qui atteignent la dimension de grands arbustes. Borelli a rapporté et réuni dans une magnifique collection dont il a fait présent à l'Etat de nombreux spécimens de l'industrie des peuples Sidama et Oromo. Le ministre de l'instruction publique et le monde savant ont grandement apprécié l'intérêt exceptionnel de cette série de documents ethnographiques qui a été définitivement installées et exposée au musée de Trocadéro.
Le courageux explorateur qu'aucune épreuve n'avait découragé a été vaincu par la maladie au mois de mai 1888. A grand'peine, il a pu regagner le Schôa où il a passé la saison des pluies, épuisé par les fièvres et les privations, dans une hutte d'Antoto. Il voulait reprendre, quelques mois plus tard, le cours de ses explorations mais ses forces étaient à bout et la maladie ne le quittait pas. Il dut partir et retourner péniblement à la côte par Harrar et Zeylah.
Au cours de ses voyages, Borelli a relevé d'une façon absolue et minutieuse, qui a fait l'admiration des hommes compétents et des plus illustres géographes, les pays qu'il a parcourus. il n'a pas cessé de porter avec lui ses instruments de physique et il les a rapportés en France pour assurer le contrôle de ses observations. La carte de la région qu'il vient d'explorer est en grande parie achevée; elle a été dressée par lui, à l'Observatoire de Paris, sous la haute direction de l'amiral Mouchez.
J. Borelli est né à Marseille en 1853; ses études finies à Paris, il s'embarque sur un voilier américain, va à San-Francisco, s'engage sur un baleinier, est pris par les glaces au nord du détroit de Behring; il rentre en France en 1873, immédiatement il part sur un trois-mâts français, va aux îles Réunion et Maurice, puis dans l'Inde; au retour, le navire, pris dans un cyclone, désemparé, atteint Natal; Norelli retourne à l'île Maurice, puis rentre en France par le cap de Bonne-Espérance, Sainte-Hélène et les Açores; il repart de nouveau pour la Réunion, de là, il va dans les Indes et ensuite parcourt une partie de Madagascar. En 1878, il visite la côte du Sahara et du Sénégal, en 1879 et 1880, il parcourt les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire, visite le Caucase, la Caspienne, la Russie méridionale, les principautés danubiennes et rentre en France par l'Autriche. Fin 1883, il part pour l'Egypte, parcourt l'Egypte et la Nubie jusqu'au-dessus de Wady-Alpha.
Ces utiles explorations ont trouvé leur récompense. M. Jules Borelli a été nommé le 14 juillet dernier, chevalier de la Légion d'honneur.
Le Petit Moniteur illustré, dimanche 17 août 1890.
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