Les événements de Chine.
Le lecteur trouvera dans l'Histoire de la semaine le récit des événements tragiques dont la Chine est actuellement le théâtre.
Ces faits donnent une cruelle actualité aux documents qui suivent, et dont nous devons la communication à M. Labit et à un autre de nos correspondants, qui ont pu photographier instantanément les scènes que nous reproduisons.
Bien que ces documents n'aient pas un rapport direct avec les événements actuels, ils montrent la cruauté et la brutalité de ce peuple, dans la vie ordinaire, et donnent par conséquent bien l'idée de ce qui doit se passer aux moments de trouble et d'effervescence de la populace.
C'est d'abord la justice, telle qu'elle est rendue par les mandarins. Pris en flagrant délit ou après une détention plus ou moins longue, l'inculpé vient d'être amené devant le tribunal. Accusateurs, témoins et accusés s'avancent en rampant sur les genoux et sur les coudes, la tête au niveau du sol, et attendent dans cette posture l'interrogatoire et le prononcé du jugement.
Cela ne traîne d'ailleurs pas en général, surtout si l'accusé est un pauvre diable qui n'a pas le sou. En Chine, la justice est une chose essentiellement contingente et vénale: "Tu n'as pas d'argent, paye de ta tête!". Et le jugement prononcé est aussitôt exécuté. Le pauvre diable le sait: une fois dans les mains de la justice il est perdu et c'est à peine s'il lèvera un regard vers le portrait de Con-fu-tse, l'illustre philosophe, qui resplendit au-dessus du tribunal, ou vers les terribles caractères tracés en rouge devant le bureau du mandarin et qui signifient: Craignez ceci!
Nous avons dit que l'exécution suivait immédiatement le jugement. La voici en effet qui a lieu à la porte même du prétoire, sur la place publique. La scène se passe à Tung-Tchao, près de la capitale, et nous avons devant les yeux l'exécuteur des hautes œuvres dans l'exercice de ses fonctions.
Que le pauvre diable ait tué un Européen ou volé un sapèque d'une valeur d'un centime, la peine est la même s'il plait au mandarin; de sorte que, au demeurant, on ne sait jamais si l'homme est le pire des coquins ou un simple mendiant.
Quoi qu'il en soit, il est là, agenouillé, au milieu de la place, les mains liées derrière le dos, le corps penché en avant, le cou tendu et la tête maintenu par un aide qui l'attire à lui au moyen de la queue de cheveux. L'exécuteur est debout à côté du condamné et tient dans ses deux mains au bout des bras levés le sabre ou plutôt la lame triangulaire qui va faire office de couperet. Un éclair, et d'un seul coup, la tête ira rouler parmi la poussière. Personne n'a donné signe d'émotion, le condamné moins que tout autre.
On sait que ce sont les missions catholiques en Chine qui sont surtout attaquées et saccagées en ce moment. Voici, à Tien-Tsin, un asile d'aliénés et d'incurables dirigé par une congrégation de religieuses.
Les malades assises dans l'une des cours se livrent à un travail facile et en quelque sorte mécanique: le rouet. Les institutions et établissements de bienfaisance chinois dirigés par des religieux sont très nombreux en Chine. Détail curieux à cet égard: tout religieux ou religieuse qui vient en Chine pour catéchiser quitte tout d'abord son costume ecclésiastique pour endosser le costume chinois. C'est ainsi que les sœurs revêtent la blouse et le pantalon bleus et laissent pousser leurs cheveux pour en former le gros chignon à la chinoise; le seul signe distinctif des religieuses est la croix d'argent qu'elles portent sur la poitrine. L'asile de Tien-Tsin est un établissement essentiellement chinois, bien qu'appartenant aux missions catholiques de Chine. Mais les sœurs sont toutes européennes, moins une surveillante habillée de noir, et que l'on voit, sur notre gravure, debout derrière le rouet.
Un document, photographié aussi, nous donne la clé des massacres qui ont lieu en ce moment et dont le fanatisme est le principal agent; c'est la reproduction d'un placard affiché dans les rues de Tsien-Tsin et de Shang-Haï. Il représente les Célestes torturant les "Diables" (c'est le nom que les Chinois donnent aux étrangers) et brûlant leurs livres.
Voici, dans sa crudité, la traduction de la légende qui encadre le dessin.
"Une religion infernale, issue du cochon, nous vient d'Europe; elle insulte le ciel et la terre, anéantit les ancêtres. Dix mille ciseaux et mille couteaux seraient un châtiment insuffisant. Les livres infernaux, déjections de chiens, répandent une odeur aussi infecte que les excréments. Ils calomnient les saints, les sages, les génies, les dieux, et doivent être haïs dans toute la Chine."
Le dernier document, de même que ceux qui précèdent, jette un jour instructif sur les mœurs barbares de ce pays où la mort n'est pas plus respectée que la vie...
L'Illustration, samedi décembre 1891.
Que le pauvre diable ait tué un Européen ou volé un sapèque d'une valeur d'un centime, la peine est la même s'il plait au mandarin; de sorte que, au demeurant, on ne sait jamais si l'homme est le pire des coquins ou un simple mendiant.
Quoi qu'il en soit, il est là, agenouillé, au milieu de la place, les mains liées derrière le dos, le corps penché en avant, le cou tendu et la tête maintenu par un aide qui l'attire à lui au moyen de la queue de cheveux. L'exécuteur est debout à côté du condamné et tient dans ses deux mains au bout des bras levés le sabre ou plutôt la lame triangulaire qui va faire office de couperet. Un éclair, et d'un seul coup, la tête ira rouler parmi la poussière. Personne n'a donné signe d'émotion, le condamné moins que tout autre.
On sait que ce sont les missions catholiques en Chine qui sont surtout attaquées et saccagées en ce moment. Voici, à Tien-Tsin, un asile d'aliénés et d'incurables dirigé par une congrégation de religieuses.
Les malades assises dans l'une des cours se livrent à un travail facile et en quelque sorte mécanique: le rouet. Les institutions et établissements de bienfaisance chinois dirigés par des religieux sont très nombreux en Chine. Détail curieux à cet égard: tout religieux ou religieuse qui vient en Chine pour catéchiser quitte tout d'abord son costume ecclésiastique pour endosser le costume chinois. C'est ainsi que les sœurs revêtent la blouse et le pantalon bleus et laissent pousser leurs cheveux pour en former le gros chignon à la chinoise; le seul signe distinctif des religieuses est la croix d'argent qu'elles portent sur la poitrine. L'asile de Tien-Tsin est un établissement essentiellement chinois, bien qu'appartenant aux missions catholiques de Chine. Mais les sœurs sont toutes européennes, moins une surveillante habillée de noir, et que l'on voit, sur notre gravure, debout derrière le rouet.
Un document, photographié aussi, nous donne la clé des massacres qui ont lieu en ce moment et dont le fanatisme est le principal agent; c'est la reproduction d'un placard affiché dans les rues de Tsien-Tsin et de Shang-Haï. Il représente les Célestes torturant les "Diables" (c'est le nom que les Chinois donnent aux étrangers) et brûlant leurs livres.
Voici, dans sa crudité, la traduction de la légende qui encadre le dessin.
"Une religion infernale, issue du cochon, nous vient d'Europe; elle insulte le ciel et la terre, anéantit les ancêtres. Dix mille ciseaux et mille couteaux seraient un châtiment insuffisant. Les livres infernaux, déjections de chiens, répandent une odeur aussi infecte que les excréments. Ils calomnient les saints, les sages, les génies, les dieux, et doivent être haïs dans toute la Chine."
Le dernier document, de même que ceux qui précèdent, jette un jour instructif sur les mœurs barbares de ce pays où la mort n'est pas plus respectée que la vie...
L'Illustration, samedi décembre 1891.
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