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jeudi 16 juin 2016

Le schopenhaueriste.

Le schopenhaueriste.



Un type nouveau. C'est le philosophe homme du monde, aimant le plaisir, fréquentant les salons et les théâtres, ayant bon estomac; mais jouant au blasé, au désillusionné, au dégoûté.




Le nom de Schopenhauer lui a plu; il l'a adopté et mis à la mode. Schopenhauer est devenu pour lui comme une espèce de tailleur moral, de chapelier transcendant, de bottier métaphysique. Il est schopenhauerisé comme on se morphinise, par genre.
Le schopenhaueriste n'est donc pas un misanthrope. C'est un pessimiste. Il s'amuse avec tristesse, il cause avec mélancolie, il rit avec désespoir. S'il mange des truffes, il vous dit qu'il en aura du mal à l'estomac. S'il boit du vieux vin, il est sûr d'en garder une abominable migraine. 




Dans le mariage, il ne voit que le divorce, dans l'amour il ne voit que la trahison. De tout cela il ne pense pas un mot et il serait incapable d'expliquer ses idées. Mais il est de chic d'être triste, maussade et d'être en proie aux blue devils, comme disent les anglais, Schopenhauer lui fournit les éléments nécessaires pour affecter ses façons lugubres.
Le schopenhaueriste joue dans les salons le rôle du Médecin malgré lui
"Savez-vous le latin?" dit Sganarelle à Géronte.
- "Non" répond celui-ci.
" Alors, Rosa, la rose, gloria, la gloire, Dominus, le Seigneur" etc.
De même le schopenhaueriste:
"Avez-vous lu Schopenhauer?" demande-t-il.
- "Non, monsieur."
Alors, il hausse les épaules, il vous plaint, il vous méprise et il vous explique que vous ne savez pas grand chose, si vous ne savez pas ce que c'est que Schopenhauer.






Règle générale: Le schopenhaueriste n'a jamais lu Schopenhauer.


Physiologies parisiennes, Albert Millaud, 1887, à la Librairie illustrée, illustrations de Caran d'Ache, Frick et Job.

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