l'Etat de Bondoo.
Le Bondoo est situé dans l'Afrique occidentale entre le 14e et le 15e degré de latitude nord, et le 10e et 12e fe longitude ouest. L'aspect de la contrée est en général montagneux, principalement au nord et à l'est; ces montagnes sont en grande partie composées de rochers, et ne sont pas très-élevées, la plupart sont couvertes de bois clair-semé, mince et tordu, qui ne peut être propre qu'à brûler.
Les vallées où sont situées les villes et villages sont défrichées par la culture. D'innombrables torrents, plus ou moins considérables, coulent en tous sens à travers ces vallées, et les arrosent pendant la saison des pluies; le reste de l'année, ils sont à sec; mais le Sénégal et le Falémé se sont enrichis de leurs eaux, qu'ils ont reçues et rapportées des montagnes. Un grand nombre de Tamarins, de Rhamnus lotos, et autres arbres fruitiers agréablement dispersés dans les vallées, enrichis de villes et de villages, entourés de plantations de cotonniers et d'indigo, leur donnent l'aspect le plus pittoresque; puis, au-dessus de tout, domine le géant du règne végétal, l'immense Baobab, cet arbre prodigieux, que vénèrent la plupart des peuples africains.
Boolibany, la capitale du Bondoo, est située dans une vaste plaine au pied d'une chaîne de montagnes nues et pelées.
Cette bourgade est la résidence du roi, ou de l'almamy. Sa population est au plus de quinze à dix-huit cents habitants, dont le plus grand nombre est allié, esclave, ouvrier ou serviteur de l'almamy, ou bien de la famille royale. Boolibany est entourée d'un mur en terre glaise de 10 pieds de haut sur 18 pouces d'épaisseur. Elle a cinq portes avec quelques pans de murailles que surmontent des petites tours placées symétriquement, ayant 9 à 10 pieds carrés, et percées de meurtrières, ce qui donne à cette place une apparence assez formidable.
Les palais de l'almamy et de sa famille sont adossés aux murailles, à l'ouest de la ville, et entourés de murs plus épais et plus élevés, construits de la même façon et de la même matière; ces palais se touchent, mais sans avoir aucune communication intérieure.
La mosquée est dans le plus pitoyable état; elle est située à l'extrémité de la ville, au sud-ouest, et est presque entièrement dépouillée du chaume qui lui servait de toiture; les murs, construits en terre glaise, ont environ 9 pieds de haut, et le toit se compose d'une charpente grossière, et supportée au centre par trois forts piliers fourchus, haut de 18 pieds. Ce toit descend en pente sur le mur, et déborde d'environ 6 pieds; il est soutenu à son extrémité par d'autres piliers fourchus qui n'ont que 5 pieds de haut. Cet espace entre la muraille et les poteaux forme une galerie qui sert de promenade aux habitants. La prière se dit dans la mosquée cinq fois par jour, avec la dévotion extérieure la plus fervente.
La ville se compose de rues étroites, sales et irrégulières, et l'extérieur des murailles est un réceptacle d'immondices, d'où s'exhalent, surtout dans la saison des pluies, les miasmes les plus délétères. Les huttes ou maisons sont de forme et de construction diverses. Quelques-unes sont entièrement bâties en terre et en charpente grossière que recouvre un toit plat; d'autres sont rondes, avec des murs en terre comme les premières, et un toit de forme conique, composé de bâtons recouverts de longues herbes sèches, employées comme le chaume; les portes sont basses et incommodes, particulièrement celles des huttes rondes, et d'autant plus désagréables qu'elle servent à la fois de portes, de croisées et de cheminées.
Les palais de l'almamy et de tous les membres de la famille royale ont le même inconvénient, et ne se ressemblent point. Seulement ces édifices sont construits sur une plus grande échelle; l'intérieur couvre une superficie d'un arpent environ, et se trouve divisé en plusieurs petites cours, séparée par des murs de terre à hauteur d'appui. Dans l'une sont les logements des femmes, dans les autres les magasins d'armes, de munitions, de marchandises et de grains. Les murs ont environ 13 pieds de haut, et sont garnis, dans leur pourtour à l'intérieur, de petites chaumières carrées, qui servent de cuisine, d'étable, ou de logements pour les esclaves et pour divers autres besoins du service. Les toits de ces chaumières sont plats, et dans les cas d'attaque, on y place des combattants qui s'y trouvent défendus et garantis par le parapet que forme la muraille.
A peu de distance, au sud-ouest, on voit les ruines d'une ville presque aussi grande que Boolibany, et qui en formait une partie; elle fut complètement détruite en 1817, par l'armée des Kartans. On ne peut douter que cette affaire n'ait été horriblement meurtrière, en voyant une grande étendue de terrain, jonchés d'os humains blanchis par le temps, et dépouillés de leur enveloppe, et par les oiseaux de proie, et par les bêtes féroces.
Le gouvernement de Bondoo est monarchique; l'autorité suprême réside dans l'almany, ou roi; il se trouve cependant quelques circonstances où les lois de Mahomet doivent lui servir de guide; alors elles sont interprétés par les imans, ou prêtres mahométans, qui sont entièrement sous sa domination, et qui d'ailleurs, habitués au rôle de courtisans, tournent toujours l'interprétation en faveur du roi.
Les revenus de l'Etat sont la propriété de l'almany, ou du moins totalement à sa disposition; ils sont considérables, et se composent du dixième de tous les produits territoriaux, et d'une taxe imposée à tous les marchands européens qui traversent le pays pour faire le commerce; cette taxe est calculée sur la charge qu'un âne peut porter en marchandises; chaque charge est imposée à sept bottes de poudre (mesure du pays) et un fusil, ou leur valeur en marchandise quelconque. Le commerçant est obligé d'y joindre encore des présents pour l'almany et ses ministres; s'il osait refuser de satisfaire aux demandes exagérées du roi et des siens, il serait inévitablement pillé, et sa personne serait en danger; cependant ces événements arrivent rarement, les commerçants ayant l'adresse de soustraire à leurs yeux la meilleure partie de leurs richesses, soit en les gardant sur eux, soit en les cachant chez leurs hôtes, dont ils achètent la discrétion; ces précautions sont prises avant l'inspection des délégués de l'almany, qui tire aussi un fort revenu de la dîme de tout le sel pris sur les côtes, et importé dans son pays, ainsi que du tribut annuel payé par les vaisseaux marchands de la compagnie des Indes, commerçant sur la rivière, et par le comptoir français établi à Baquelle.
Les habitants de Bondoo suivent la religion mahométane, mais pas aussi régulièrement que les autres contrées de l'ouest de l'Afrique. Dans la plupart des villes, ils ont des écoles pour les enfants qui doivent professer la religion mahométane; ces écoles sont tenues par des imans ou prêtres; ils se bornent à enseigner à leurs élèves la lecture et l'écriture, prises seulement dans le Koran.
Le peuple de Bondoo est un mélange de Foolahs, de Mandingous, de Serrawollies et de Jallons; ils ont conservé les mœurs et les usages des Foolahs, et parlent exclusivement leur langue. Ils sont d'une taille moyenne, très-bien faits et très-actifs; leur couleur est cuivrée et leurs traits ont plus de rapport avec ceux des Européens qu'aucune autre peuplade d'Afrique, excepté les Maures; leurs cheveux ne sont pas aussi courts ni aussi crépus que ceux des Nègres; leurs yeux ont plus d'expression, sont plus grands, plus ronds, plus ouverts.
Les femmes sont vives; elles ont la taille svelte et des traits et des formes dignes d'être enviés par les plus belles Européennes. Elles sont propres jusqu'à la recherche, ornent leur tête, leur cou, leurs bras et leurs jambes, de corail, d'ambre et de perles de différentes couleurs, auxquelles elles mêlent souvent de petits boutons d'or ou d'argent; elles portent toujours un voile d'un tissu imitant la mousseline, tiré de leurs manufactures. Elles aiment le musc et toutes les odeurs avec passion; ne pouvant se procurer facilement des essences de rose et de lavande, elles y suppléent par le girofle réduit en poudre et mêlé avec une autre fève broyée de la même manière à peu près, et aussi parfumée que celle que nous appelons ici fève de Tonka. Ce mélange étant arrosé d'un peu d'eau gommée, elles en forment des petites boules de la grosseur d'un pois; lorsque ces boules ont pris une sorte de consistance, on les perce, et alors elles en façonnent des colliers et des bracelets. Souvent elles enfilent simplement les clous de girofle, et les portent de même; mais la manière dont elles aiment le mieux en faire usage, c'est de les renfermer dans une petit sachet d'étoffe de soie des couleurs les plus brillantes, en en réunissant qu'elles pendent à leur cou. Leurs cheveux, peignés avec le plus grand soin, sont divisés en un grand nombre de tresses flottantes sur les épaules, et réunies seulement près de la tête par une chaîne d'ambre ou de corail dans laquelle sont entremêlées des perles; cette chaîne va se joindre aux autres bijoux qui ornent le sommet de sa tête; telle est principalement la coiffure des jeunes filles. Les femmes mariées attachent leur chevelure avec une petite bande étroite ou cordonnet, soit en soie, soit en drap de coton, ayant à peu près un doigt d'épaisseur; pour compléter leur parure, elles portent à leurs oreilles des anneaux d'or si larges, qu'ils tombent jusqu'à leurs épaules, et si lourds, que leurs oreilles en seraient déchirées si elles ne prenaient la précaution de les soutenir avec une petite bande de cuir rouge très-étroite, attachée par un bouton à chaque anneau et fixée sur le sommet de la tête. Leur démarche, quoiqu'elle paraisse étrange à des yeux européens, a cependant de la noblesse et de la grâce.
Les couleurs favorites pour l'habillement des hommes sont le bleu et le blanc; les plus riches préfèrent les mousselines de l'Inde aux étoffes de leurs propres manufactures. Le vêtement de dessus, qui ressemble beaucoup aux blouses, est brodé en soie de différentes couleurs sur le dos, autour du cou et sur la poitrine; le bonnet est toujours blanc et brodé. Les marabouts ou prêtres, ainsi que les vieillards, portent un turban blanc dont la forme est rouge ou bleue, et quelquefois un chapeau fait de joncs et d'herbe tressées, avec une forme conique et de larges bords.
La force armée du Bondoo peu s'élever à cinq ou six cents chevaux, et à deux ou trois cents fantassins. Quand le roi veut réunir son armée, soit pour la défense de son pays, soit pour faire quelque excursion chez ses voisins, il fait proclamer la guerre au son du tambour. Cette proclamation est répétée de ville en ville, et de village en village; aussitôt chaque chef rassemble tous les hommes destinés à marcher, et, se mettant à leur tête, les conduit au quartier-général. Les chefs tiennent conseil avec le roi sur les moyens d'attaque et de défense; ils ne mettent aucune régularité dans la division de leurs troupes, et ne s'occupent nullement de les approvisionner ni de les équiper. Chaque officier ou soldat est obligé de se pourvoir de munitions et de sa nourriture personnelle; aussi sont-ils très-mal fournis de l'un et de l'autre. La plupart n'ont souvent comme arme qu'un couteau et un fort bâton d'un bois très-dur; les plus favorisés, lorsqu'ils possèdent déjà un fusil, reçoivent deux pierres et deux ou trois charges de poudre et de balles. Plus rarement encore, et par une grâce spéciale, le roi fait présent d'un cheval à l'un, et d'un fusil à un autre; mais pour les provisions de bouche, ils n'ont d'autre ressource que le pillage; aussi malheur aux propriétaires des magasins et des bestiaux dans les villes où ils séjournent.
Quand le roi projette d'envoyer un détachement de ses troupes au pillage de quelque ville voisine, il choisit un chef parmi ses parents ou ses ministres pour le commander, ou plutôt pour le conduire. Le plus grand secret est gardé sur l'objet de l'expédition qui ne doit être connu que de l'almany et de celui qui la commande; ceux qu'ils conduisent l'ignorent également, et n'en sont informés que lorsqu'ils arrivent sur le terrain. Les habitants de ces villes surpris à l'improviste, sont ordinairement emmenés avec leurs troupeaux et réduits en esclavage; mais si l'ennemi, prévenu par quelque indiscrétion, se trouve préparé à la défense, les assaillants prennent la fuite en désordre et perdent quelquefois beaucoup de monde. Bondoo, toutefois, a souvent aussi souffert des attaques de voisins plus puissants que lui: telle a été la terrible incursion des Kartans, qui, en 1817 faillit détruire à jamais la puissance du Bondoo.
Ernest Breton.
Le Magasin universel, avril 1837.
Cette bourgade est la résidence du roi, ou de l'almamy. Sa population est au plus de quinze à dix-huit cents habitants, dont le plus grand nombre est allié, esclave, ouvrier ou serviteur de l'almamy, ou bien de la famille royale. Boolibany est entourée d'un mur en terre glaise de 10 pieds de haut sur 18 pouces d'épaisseur. Elle a cinq portes avec quelques pans de murailles que surmontent des petites tours placées symétriquement, ayant 9 à 10 pieds carrés, et percées de meurtrières, ce qui donne à cette place une apparence assez formidable.
Les palais de l'almamy et de sa famille sont adossés aux murailles, à l'ouest de la ville, et entourés de murs plus épais et plus élevés, construits de la même façon et de la même matière; ces palais se touchent, mais sans avoir aucune communication intérieure.
La mosquée est dans le plus pitoyable état; elle est située à l'extrémité de la ville, au sud-ouest, et est presque entièrement dépouillée du chaume qui lui servait de toiture; les murs, construits en terre glaise, ont environ 9 pieds de haut, et le toit se compose d'une charpente grossière, et supportée au centre par trois forts piliers fourchus, haut de 18 pieds. Ce toit descend en pente sur le mur, et déborde d'environ 6 pieds; il est soutenu à son extrémité par d'autres piliers fourchus qui n'ont que 5 pieds de haut. Cet espace entre la muraille et les poteaux forme une galerie qui sert de promenade aux habitants. La prière se dit dans la mosquée cinq fois par jour, avec la dévotion extérieure la plus fervente.
La ville se compose de rues étroites, sales et irrégulières, et l'extérieur des murailles est un réceptacle d'immondices, d'où s'exhalent, surtout dans la saison des pluies, les miasmes les plus délétères. Les huttes ou maisons sont de forme et de construction diverses. Quelques-unes sont entièrement bâties en terre et en charpente grossière que recouvre un toit plat; d'autres sont rondes, avec des murs en terre comme les premières, et un toit de forme conique, composé de bâtons recouverts de longues herbes sèches, employées comme le chaume; les portes sont basses et incommodes, particulièrement celles des huttes rondes, et d'autant plus désagréables qu'elle servent à la fois de portes, de croisées et de cheminées.
Les palais de l'almamy et de tous les membres de la famille royale ont le même inconvénient, et ne se ressemblent point. Seulement ces édifices sont construits sur une plus grande échelle; l'intérieur couvre une superficie d'un arpent environ, et se trouve divisé en plusieurs petites cours, séparée par des murs de terre à hauteur d'appui. Dans l'une sont les logements des femmes, dans les autres les magasins d'armes, de munitions, de marchandises et de grains. Les murs ont environ 13 pieds de haut, et sont garnis, dans leur pourtour à l'intérieur, de petites chaumières carrées, qui servent de cuisine, d'étable, ou de logements pour les esclaves et pour divers autres besoins du service. Les toits de ces chaumières sont plats, et dans les cas d'attaque, on y place des combattants qui s'y trouvent défendus et garantis par le parapet que forme la muraille.
A peu de distance, au sud-ouest, on voit les ruines d'une ville presque aussi grande que Boolibany, et qui en formait une partie; elle fut complètement détruite en 1817, par l'armée des Kartans. On ne peut douter que cette affaire n'ait été horriblement meurtrière, en voyant une grande étendue de terrain, jonchés d'os humains blanchis par le temps, et dépouillés de leur enveloppe, et par les oiseaux de proie, et par les bêtes féroces.
Le gouvernement de Bondoo est monarchique; l'autorité suprême réside dans l'almany, ou roi; il se trouve cependant quelques circonstances où les lois de Mahomet doivent lui servir de guide; alors elles sont interprétés par les imans, ou prêtres mahométans, qui sont entièrement sous sa domination, et qui d'ailleurs, habitués au rôle de courtisans, tournent toujours l'interprétation en faveur du roi.
Les revenus de l'Etat sont la propriété de l'almany, ou du moins totalement à sa disposition; ils sont considérables, et se composent du dixième de tous les produits territoriaux, et d'une taxe imposée à tous les marchands européens qui traversent le pays pour faire le commerce; cette taxe est calculée sur la charge qu'un âne peut porter en marchandises; chaque charge est imposée à sept bottes de poudre (mesure du pays) et un fusil, ou leur valeur en marchandise quelconque. Le commerçant est obligé d'y joindre encore des présents pour l'almany et ses ministres; s'il osait refuser de satisfaire aux demandes exagérées du roi et des siens, il serait inévitablement pillé, et sa personne serait en danger; cependant ces événements arrivent rarement, les commerçants ayant l'adresse de soustraire à leurs yeux la meilleure partie de leurs richesses, soit en les gardant sur eux, soit en les cachant chez leurs hôtes, dont ils achètent la discrétion; ces précautions sont prises avant l'inspection des délégués de l'almany, qui tire aussi un fort revenu de la dîme de tout le sel pris sur les côtes, et importé dans son pays, ainsi que du tribut annuel payé par les vaisseaux marchands de la compagnie des Indes, commerçant sur la rivière, et par le comptoir français établi à Baquelle.
Les habitants de Bondoo suivent la religion mahométane, mais pas aussi régulièrement que les autres contrées de l'ouest de l'Afrique. Dans la plupart des villes, ils ont des écoles pour les enfants qui doivent professer la religion mahométane; ces écoles sont tenues par des imans ou prêtres; ils se bornent à enseigner à leurs élèves la lecture et l'écriture, prises seulement dans le Koran.
Le peuple de Bondoo est un mélange de Foolahs, de Mandingous, de Serrawollies et de Jallons; ils ont conservé les mœurs et les usages des Foolahs, et parlent exclusivement leur langue. Ils sont d'une taille moyenne, très-bien faits et très-actifs; leur couleur est cuivrée et leurs traits ont plus de rapport avec ceux des Européens qu'aucune autre peuplade d'Afrique, excepté les Maures; leurs cheveux ne sont pas aussi courts ni aussi crépus que ceux des Nègres; leurs yeux ont plus d'expression, sont plus grands, plus ronds, plus ouverts.
Les femmes sont vives; elles ont la taille svelte et des traits et des formes dignes d'être enviés par les plus belles Européennes. Elles sont propres jusqu'à la recherche, ornent leur tête, leur cou, leurs bras et leurs jambes, de corail, d'ambre et de perles de différentes couleurs, auxquelles elles mêlent souvent de petits boutons d'or ou d'argent; elles portent toujours un voile d'un tissu imitant la mousseline, tiré de leurs manufactures. Elles aiment le musc et toutes les odeurs avec passion; ne pouvant se procurer facilement des essences de rose et de lavande, elles y suppléent par le girofle réduit en poudre et mêlé avec une autre fève broyée de la même manière à peu près, et aussi parfumée que celle que nous appelons ici fève de Tonka. Ce mélange étant arrosé d'un peu d'eau gommée, elles en forment des petites boules de la grosseur d'un pois; lorsque ces boules ont pris une sorte de consistance, on les perce, et alors elles en façonnent des colliers et des bracelets. Souvent elles enfilent simplement les clous de girofle, et les portent de même; mais la manière dont elles aiment le mieux en faire usage, c'est de les renfermer dans une petit sachet d'étoffe de soie des couleurs les plus brillantes, en en réunissant qu'elles pendent à leur cou. Leurs cheveux, peignés avec le plus grand soin, sont divisés en un grand nombre de tresses flottantes sur les épaules, et réunies seulement près de la tête par une chaîne d'ambre ou de corail dans laquelle sont entremêlées des perles; cette chaîne va se joindre aux autres bijoux qui ornent le sommet de sa tête; telle est principalement la coiffure des jeunes filles. Les femmes mariées attachent leur chevelure avec une petite bande étroite ou cordonnet, soit en soie, soit en drap de coton, ayant à peu près un doigt d'épaisseur; pour compléter leur parure, elles portent à leurs oreilles des anneaux d'or si larges, qu'ils tombent jusqu'à leurs épaules, et si lourds, que leurs oreilles en seraient déchirées si elles ne prenaient la précaution de les soutenir avec une petite bande de cuir rouge très-étroite, attachée par un bouton à chaque anneau et fixée sur le sommet de la tête. Leur démarche, quoiqu'elle paraisse étrange à des yeux européens, a cependant de la noblesse et de la grâce.
Les couleurs favorites pour l'habillement des hommes sont le bleu et le blanc; les plus riches préfèrent les mousselines de l'Inde aux étoffes de leurs propres manufactures. Le vêtement de dessus, qui ressemble beaucoup aux blouses, est brodé en soie de différentes couleurs sur le dos, autour du cou et sur la poitrine; le bonnet est toujours blanc et brodé. Les marabouts ou prêtres, ainsi que les vieillards, portent un turban blanc dont la forme est rouge ou bleue, et quelquefois un chapeau fait de joncs et d'herbe tressées, avec une forme conique et de larges bords.
La force armée du Bondoo peu s'élever à cinq ou six cents chevaux, et à deux ou trois cents fantassins. Quand le roi veut réunir son armée, soit pour la défense de son pays, soit pour faire quelque excursion chez ses voisins, il fait proclamer la guerre au son du tambour. Cette proclamation est répétée de ville en ville, et de village en village; aussitôt chaque chef rassemble tous les hommes destinés à marcher, et, se mettant à leur tête, les conduit au quartier-général. Les chefs tiennent conseil avec le roi sur les moyens d'attaque et de défense; ils ne mettent aucune régularité dans la division de leurs troupes, et ne s'occupent nullement de les approvisionner ni de les équiper. Chaque officier ou soldat est obligé de se pourvoir de munitions et de sa nourriture personnelle; aussi sont-ils très-mal fournis de l'un et de l'autre. La plupart n'ont souvent comme arme qu'un couteau et un fort bâton d'un bois très-dur; les plus favorisés, lorsqu'ils possèdent déjà un fusil, reçoivent deux pierres et deux ou trois charges de poudre et de balles. Plus rarement encore, et par une grâce spéciale, le roi fait présent d'un cheval à l'un, et d'un fusil à un autre; mais pour les provisions de bouche, ils n'ont d'autre ressource que le pillage; aussi malheur aux propriétaires des magasins et des bestiaux dans les villes où ils séjournent.
Quand le roi projette d'envoyer un détachement de ses troupes au pillage de quelque ville voisine, il choisit un chef parmi ses parents ou ses ministres pour le commander, ou plutôt pour le conduire. Le plus grand secret est gardé sur l'objet de l'expédition qui ne doit être connu que de l'almany et de celui qui la commande; ceux qu'ils conduisent l'ignorent également, et n'en sont informés que lorsqu'ils arrivent sur le terrain. Les habitants de ces villes surpris à l'improviste, sont ordinairement emmenés avec leurs troupeaux et réduits en esclavage; mais si l'ennemi, prévenu par quelque indiscrétion, se trouve préparé à la défense, les assaillants prennent la fuite en désordre et perdent quelquefois beaucoup de monde. Bondoo, toutefois, a souvent aussi souffert des attaques de voisins plus puissants que lui: telle a été la terrible incursion des Kartans, qui, en 1817 faillit détruire à jamais la puissance du Bondoo.
Ernest Breton.
Le Magasin universel, avril 1837.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire