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mercredi 29 juin 2016

La mobilisation.

La mobilisation.


En pays mobilisé.

La cloche du départ sonne. On monte dans le train. Il est onze heures quand nous entrons en gare. On placarde à la gare les affiches blanches ordonnant la mobilisation du corps. Il semble qu'on ait attendu l'arrivée de notre train pour exécuter cet ordre.
De nombreux groupes se forment autour des affiches, que les voyageurs lisent sans signe apparent d'impressions, tandis que les cochers de fiacre rangés sur la place et endormis sur leur siège s'abritent sous leurs larges parasols de cotonnade bleue. Mesures préventives excellentes contre les ardeurs de la canicule, car la chaleur est accablante.





N'importe! les braves gendarmes courent les routes poudreuses depuis le matin, allant transmettre l'ordre aux mairies des communes. Il y a en ce moment comme un réveil du pays, qui commence dès lors à sortir de son assoupissement pour se préparer aux événements.
De toutes parts dans la région les églises sonnent à toute volée le tocsin. Les habitants qui n'ont pas été prévenus sont dans l'effroi. Mais dans le village ou le tambourineur annonce la nouvelle sur sa caisse, avec une voix de rogomme, le calme est parfait. Des patrouilles d'infanterie au shako nouveau modèle, bas de forme, traversent la ville aux maisons en briques, tandis que des fours de campagne ou des voitures de subsistance mêlés  à de longues charrettes du pays, que traînent des chevaux portant de pittoresques colliers pointus, gémissent sur le pavage.
Toutes les gares du réseau portent les affiches blanches, rayées d'une ligne verte, qui prescrivent la mobilisation. Au dessus d'une porte on lit cette inscription:

Passage des réservistes.

Présenter le livre ouvert à l'ordre de route.

Les wagons de marchandises regorgent de foin et de paille pressés, de bestiaux et de farine, pour la nourriture du corps d'armée appelée aux manœuvres.
Des bourgs voisins du chemin de fer, aux églises en briques, présentant un joli cachet d'élégance mauresque, descendent des flots humains qui se pressent vers les gares. Ce ne sont partout que des gars en vêtements civils ou des soldats qui ont déjà endossé l'uniforme; ce ne sont que gentilles grisettes, coiffées du petit bonnet bordelais, qui viennent faire un bout de conduite à leurs frères ou à leurs fiancés, en portant à la main un petit bagage. Le pays est mobilisé.

Un essai de mobilisation.

A rapprocher de cette mobilisation sérieuse, la mobilisation pour rire de notre dessin.





La mobilisation a intéressé tous les papas, effrayé toutes les mamans et troublé la cervelle de tous les bébés.
Boum, boum! rataplan, rataplan! taratata, taratata!
C'est le canon, c'est le tambour, c'est le clairon, qu'imitent dans leurs cris les joyeux bambins; pantins, poupées, sont délaissés; une simple latte, un bâton, voilà les nouveaux joujoux servant de sabre ou de fusil. Les hommes jouent à la guerre, les enfants aussi. Et il faut avouer que c'est bien plus amusant. Voir plutôt le spirituel dessin de M. Gostiaux montrant l'un de ces bataillons carrés épiques. Nous ne l'analyserons pas, laissant à nos lecteurs ce soin par la simple inspection de la gravure.

Le Petit Moniteur illustré, dimanche 14 septembre 1890.

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