Le jardin public de Bordeaux.
Quand M. de Tourny vint prendre possession de l'intendance de la Guienne (1743), Bordeaux ne possédait que trois promenades publiques, qui n'étaient presque d'aucun usage pour ses habitants. La plus fréquentée était le jardin de l'Archevéché, mais l'entrée n'en était permise que les jours de fête; on délaissait celle des Fossés-de-Ville et de la plate-forme Saint-Eulalie, située à l'extrémité de la ville, dans des quartiers assez mal habités.
M. de Tourny fit bientôt abandonner ces antiques et tristes promenades pour celle qu'il forma aux abords, jusqu'alors peu fréquentés, du quartier des Chartrons. Ce quartier était séparé du reste de la ville par d'immenses terrains et par un esprit d'autonomie, heureusement disparu aujourd'hui, qui faisait répudier pas ses habitants le titre de Bordelais; ils étaient Chartronnais avant tout: exemple assez rare d'un faubourg dont les habitants aient voulu ne pas s'appeler comme ceux de la ville dont ils faisaient partie.
En plaçant le Jardin public où il se trouve actuellement, M. de Tourny voulut mettre la ville en contact avec cet immense faubourg et rapprocher ainsi les deux sections de Bordeaux. Le terrain sur lequel il l'établit se composait de prairies et de champs divisés entre plusieurs propriétaires; l'intendant fit faire l'acquisition de ces différents fonds par l'administration municipale. Un arrêt du conseil, du 15 janvier 1747, l'autorisa à employer une somme de 80.000 livres pour la construction et l'achèvement de cette nouvelle promenade, à laquelle on aurait donné une forme plus régulière si des citoyens riches, qui cherchaient à contrarier les vues de l'intendant, n'eussent pas refusé de vendre à la ville certaines parcelles de terres adjacentes qui eussent été nécessaires pour compléter le Jardin et en équilibrer les proportions.
Malgré tout, lors de sa formation, on lui donna tous les agréments qui convenaient à sa destination, et l'accroissement rapide des riches quartiers qui l'entourent montra une fois de plus la sûreté de vue de M. de Tourny.
Le 18 juillet 1789, trente mille bordelais s'y réunirent pour célébrer la nouvelle de la prise de la Bastille; parterres et bosquets eurent à souffrir et disparurent tout à fait sous l'empire, qui trouva le lieu favorable aux manœuvres militaires; dès lors, on l'appela Champ de Mars.
Sous la Restauration, cette promenade, mal entretenue, fut tout à fait délaissée pour celle des Quinconces, créée sur l'emplacement des fortifications du château Trompette qui venait d'être rasé. Cet abandon dura jusqu'à l'année 1854; à cette époque, l'administration municipale adopta le plan du jardin tel qu'il est aujourd'hui, et, trois ans après, il fut ouvert au public. rendez-vous habituel et préféré de la population bordelaise, il peut être cité, pour son heureuse disposition et ses richesses botaniques, à côté des premiers jardins de l'Europe.
Le Magasin pittoresque, novembre 1866.
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