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jeudi 16 avril 2015

De l'origine du baptême de la Ligne.

De l'origine du baptême de la Ligne.


Nous avons cherché vainement le récit du baptême de la Ligne (ou, si on l'aime mieux, celui du rachat du navire lorsqu'il traverse les régions équinoxiales) parmi les curieux détails nautiques qui nous ont été conservés par Galvan, Castenheda et Joam de Barros.
Les journaux si minutieux de Colomb ne mentionnent rien qui ait rapport avec cette mascarade maritime.
Il n'en est pas de même lorsque l'on consulte les récits de nos vieux navigateurs normands. Jean de Léry entre autres, qui partit du port de Honfleur pour le Brésil en 1557, donne à ce sujet des renseignements dont la conclusion doit faire supposer que le baptême de la Ligne remontait à une certaine antiquité parmi nos matelots sortis du Havre, de Honfleur ou de Dieppe.
" Après qu'en telle misère, dit-il... nous eusmes demeuré, viré et tourné environ cinq sepmaines à l'entour de ceste ligne, en estans finalement peu à peu ainsi approchez, Dieu ayant pitié de nous et nous envoyant le vent de nord-nord-d'est, fit que le quatrième iour de feuvrier 1557, nous fusmes poussez droit sous icelle... Ce dit iour d'oncques, quatrième de feurier, que nous passâmes le centre ou plutôt la ceinture du monde, les matelots firent les cérémonies par eux accoustumées en ce tant fâcheux et dangereux passage. Assauoir pour faire ressouuenir ceux qui n'ont iamais passé sous l'équateur, les lier de cordes et plonger en mer, ou bien, avec un vieux drapeau frotté sous la chaudière, leur noircir et barbouiller le visage. Toutefois on se peut racheter et exempter de cela, comme je fis, en leur payant le vin."
Or, on trouve un usage semblable adopté de temps immémorial par une des peuplades du Nord dont descendaient la plupart des navigateurs normands.
Lorsque les hardis matelots danois et norvégiens doublent le cap si pittoresque de Kullen, près d'Engelholn, jolie petite ville située au nord d'Helsinborg, l'usage veut qu'on achète le droit de passage, comme on l'achète sous les tropiques et sous la ligne équinoxiale. Kulla-Cubben (le vieillard de Kulla) est tout aussi exigeant que le bonhomme de la Ligne et s'affuble de la même manière que lui, pour jouer aux passagers les mêmes tours: vêtu de peaux velues, presque toujours noires, la tête couverte d'un bonnet de laine rouge, il porte aussi le trident; envoyé de Neptune, il semble sortir du fond des eaux, pour imposer aux passagers la joyeuse amende qui doit servir à abreuver l'équipage, et qu'il perçoit en raison de la protection perpétuelle dont les passagers jouissent dans ces parages grâce à son intercession.

Magasin pittoresque, juillet 1853.

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