Cathédrale de Saint-Pierre
de Beauvais.
de Beauvais.
L'ancienne cathédrale de Beauvais fut fondée vars l'an 991 par Hervée, quarantième évêque de cette ville, puis continuée par son successeur Roger, élu évêque en 996. Cette église, bâtie avec une certaine magnificence, fut incendiée à deux reprises différentes, en 1180 et 1225. C'est après cette dernière catastrophe que Miles de Nanteuil, évêque de Beauvais, entreprit d'élever l'église que nous voyons aujourd'hui, sur un plan beaucoup plus vaste que celle qu'elle était destinée à remplacer. Pour subvenir aux frais de cette construction, on décida de leur consacrer chaque année le dixième des revenus de l'évêque et des chanoines, et la première année de toutes les cures vacantes dans le diocèse.
Les piliers du chœur étant trop éloignés pour soutenir les voûtes, celles-ci s'écroulèrent à deux reprises, en 1272 et 1284. Ces accidents n'ayant que trop prouvé l'insuffisance des tirants de fer pour empêcher le déversement des piliers, qui, attendu leur immense hauteur, ne présentaient pas assez de résistance pour contre-buter la poussée des voûtes, on prit le parti d'élever entre les piliers d'autres piliers avec des arcades en ogives; on employa quarante ans à ces importantes réparations.
En 1339, on entreprit d'achever le chœur sous la direction d'un habile architecte, Enguerrand, dit le Riche. Mais les travaux, interrompus par les guerres contre les Anglais, ne furent repris qu'en l'an 1500 sous l'épiscopat de Villiers de l'Ile-Adam: ils furent alors confiés aux deux architectes Jean Wast, de Beauvais, et Martin Lambiche, de Paris. L'évêque de Beauvais accorda la permission de faire usage du beurre pendant le carême à ceux qui contribueraient par leurs dons à l'exécution de ce grand projet. Toutefois le premier élan étant passé, la libéralité des fidèles s'était ralentie, et les travaux étaient près de cesser, quand le roi Louis XII vint en aide à l'entreprise, en accordant le produit d'un nouvel impôt sur le sel, secours qui fut continué par son successeur François 1er. Après leur mort, les deux architectes furent remplacés par Jean Wast fils, et François Maréchal, qui achevèrent la croisée de l'église en 1555. A cette époque, il n'était bruit dans le monde chrétien et dans le monde artiste que de l'admirable coupole de Saint-Pierre, élevée par Michel-Ange. Les architectes de Beauvais, jaloux d'égaler la réputation de ce grand homme, au lieu de terminer la nef dont ils avaient déjà commencé une travée, construisirent au-dessus de la croisée un clocher pyramidal, vrai chef-d'oeuvre de délicatesse et de légèreté, élevé de 288 pieds, ce qui donnait, à partir du pavé, une hauteur totale de 455 pieds, 31 pieds de plus que la coupole du Vatican. Cette admirable flèche, dont la construction avait coûté treize ans de travail et des sommes énormes, ne subsista que cinq années. Elle s'écroula en 1573, le jour de l'Assomption, au moment où heureusement le clergé et le peuple étaient en procession dans la ville.
On s'empressa de déblayer l'église des décombres et de faire les réparations les plus urgentes. Pour fermer la partie centrale de la croisée que l'écroulement de la pyramide avait laissé à découvert, on construisit une voûte en bois semblable à celle du chœur. Le comble fut refait, et on éleva au-dessus un petit clocher couvert en plomb pour remplacer celui qui venait d'être détruit; en 1576, on y plaça quatre cloches qui avaient été bénies le 30 septembre de la même année. Les réparations furent faites au moyen des libéralités du roi Charles IX, et du cardinal Charles de Bourbon, alors évêque de Beauvais.
Les voûtes de la croisée, qui avaient été aussi endommagées par suite de cet événement, furent réparées jusqu'au portail de la rue Saint-Pierre, que l'on devait à la munificence du roi François 1er. Ce monarque voulut témoigner sa reconnaissance au chapitre de la cathédrale, qui avait offert à l'Etat une partie de ses richesses pour la rançon du roi, fit terminer ce portail au retour de sa captivité en Espagne. La croisée de l'église étant achevée, on continua à élever les deux premières travées de la nef du côté du chœur, dont les fondements avaient été jetés depuis longtemps. Malheureusement l'insuffisance des sommes destinées à cette immense construction força de suspendre les travaux, et de clore par un mur de refend, qui s'élève jusqu'à la voûte, cette partie de l'église restée imparfaite, et qui, selon toute apparence, ne sera jamais terminée; et c'est braiment bien dommage, car si la nef eût été continuée et achevée, la cathédrale de Beauvais eût pu rivaliser avec les plus beaux édifices gothiques, non-seulement de France, mais de l'Europe entière.
La façade principale donnant sur la rue Saint-Pierre offre tout ce que l'architecture gothique, quoique sur son déclin, pouvait réunir de richesse et d'élégance. Les deux piliers angulaires qui flanquent cette façade sont enrichis, dans toutes leur hauteur, de fleurs de lis, de salamandres, de couronnes royales, de colonnettes et de rosaces. Malheureusement, toutes les statues ont été mutilées à la révolution. La porte qui est de la même époque, est chargée d'ornements délicieux, où domine encore la salamandre, qui indique qu'elle fut exécutée sous le règne du roi chevalier. Le dessin des figures et des ornements paraît être du Primatice, ou l'un de ses meilleurs élèves; quelque uns en attribuent l'exécution à Jean Goujon.
La façade septentrionale, quoique datant également du XVIe siècle, est loin d'offrir la même richesse; Les grands contre-forts qui lui servent d'appui sont lisses et sans sculptures. Dans la lunette du portail, on voit un arbre généalogique dont les écussons ne portent aucune armoiries; on devait sans doute y sculpter celles des bienfaiteurs de l'église, lorsque les travaux furent interrompus.
Le pourtour de l'édifice est environné d'une multitude d'arc-boutants d'une structure hardie, dont les piliers butants, disposés en retraite, ont tous au moins 3 pieds d'épaisseur et sont surmontés de très-jolis clochetons. ces arcs-boutants servent à contre-buter la poussées des voûtes; ils sont maintenus dans leur écartement par de grosses barres de fer. Deux galeries placées, l'une à la hauteur des combles des bas-côtés, et l'autre autour du grand comble, servent à circuler sur l'édifice.
L'intérieur de la basilique, qui a 144 pieds de hauteur sous clef, sur 48 pieds de largeur, présente dix-neuf arcades en ogives, un rang de galeries, et un de fenêtres de très-grandes dimensions, dont les roses sont de la plus grande délicatesse; indépendamment de cette galerie, il en existe une autre petite encore au-dessus du pourtour des arcs ogives du bas-côtés qui environne le chœur, autour duquel sont neufs chapelles.
Quelques vitraux sont d'une belle conservation; on croit que ceux des roses du nord et du midi sont de Jean et Nicolas Lepot, célèbres peintres-verriers. Dans la chapelle de Saint-Pierre et Saint-Paul, un des vitraux offre une figure de saint Paul, qui rappelle par sa noblesse les apôtres de Raphaël; il est d'Enguerrand-Leprince, autre artiste fort habile, mort en 1530.
Le buffet d'orgue, dont l'origine remontait au XVIe siècle, a été remplacé en 1826 par un instrument dont la facture a été confiée à M. Cosyn. Le maître-autel et les peintures imitant des panneaux de menuiseries, qui servent de revêtement à la partie inférieure des colonnes du sanctuaire, n'offrent rien de remarquable, et les colonnes produiraient un meilleur effet, sans ces ornements parasites et de mauvais goût.
Sous le bas-côté gauche, celui que présente notre gravure est le tombeau en marbre blanc du cardinal de Forbin Janson, évêque de Beauvais, mort à Paris en 1713. La statue, agenouillée, est due au ciseau de Nicolas Costou. Ce monument est derrière le pilier qui occupe le milieu de notre gravure. A côté est une grande horloge fort curieuse, surmontée d'un couronnement gothique très-élégant.
Enfin, dans les derniers temps, on a élevé à droite de la partie existante de la grande nef un bel autel funèbre de marbres blancs et noirs, dont malheureusement l'architecture grecque n'est nullement en rapport avec le style du reste de l'édifice.
Telle est la description de cette belle cathédrale, dont le chœur sera toujours cité comme le nec plus ultra de la hardiesse et de l'élégance gothique. On connait le fameux dicton: Pour composer un monument parfait, il faudrait les clochers de Chartres, le portail de Reims, la nef d'Amiens et le chœur de Beauvais.
Ernest Breton.
Magasin universel, janvier 1837.
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