Baisers mortels.
Un singulier procès se plaide en ce moment devant les tribunaux de Chicago, bien fait pour inspirer aux jeunes filles la retenue et la prudence.
Une jeune Américaine mourut il y a quelque temps, parce que son fiancé, encore mal remis d'une attaque de fièvre scarlatine, s'était permis de l'embrasser.
Cette malheureuse caresse, qui devait être un gage de bonheur et d'amour, transmit la maladie à la pauvre petite et devint l'objet d'un funèbre remords pour le jeune homme. Pour comble, ses beaux-parents d'hier le poursuivent devant la justice en l'accusant d'homicide par imprudence.
Il est probable que les juges lui seront indulgents, car le pauvre garçons n'a pas eu de mauvaise intention; mais il est bon cependant de faire un exemple, car la légèreté des jeunes gens n'a pas de bornes et ce cas n'est pas isolé.
On raconte qu'un jeune matelot espagnol donna, lui aussi, la mort à sa fiancée par son impatiente tendresse.
Le bateau espagnol Madonna était dans le petit port de Candalo, sur la côte de Floride. Il y avait quelques malades à bord, et comme on avait cru constater des symptômes de peste bubonique, on mit le navire en quarantaine; mais le matelot, pressé de revoir sa fiancée dont il était séparé depuis longtemps, s'en alla à terre en cachette, dans une petite barque.
Au bout d'une heure, il était de retour, heureux d'avoir pu embrasser sa future et ne se doutant pas du désastre qu'il laissait derrière lui. Quelques semaines après, deux cents habitants de la petite ville étaient morts de la peste.
Vous voyez que les Américains n'ont pas eu tout à fait tort de créer récemment une grande ligue contre le baiser. D'après les membres de cette ligue, il vaut mieux ne jamais être embrassé que risquer un danger quel qu'il soit.
C'est sage..., mais c'est triste!
Marguerite Lièvre.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 janvier 1905.
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