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vendredi 17 avril 2015

Un mobilier en ossements humains.

Un mobilier en ossements humains.

Au "Flower Hospital" de New-York, le conservateur des pièces anatomiques osseuses, qui servent à l'instruction des étudiants en médecine, est un artiste d'un genre spécial. Il a eu la singulière idée de décorer sa chambre avec les pièces dont il a la garde et de faire de l'esthétique ou de la fantaisie avec ces lugubres objets d'étude.
On dit d'ailleurs que ce n'est pas seulement par simple caprice personnel ni pour l'unique satisfaction de ses yeux qu'il s'est fixé à ces travaux d'ornementation d'un nouveau genre.
L'artiste a voulu rendre moins funèbre aux étudiants l'aspect de cette salle de démonstration.
En était-il si grand besoin, et vit-on jamais "carabins" avoir horreur d'un macchabée, et à plus forte raison d'un os?
Presque à la hauteur du plafond, courant tout autour des murs, une corniche d'os entrelacés couronnent la pièce. Au-dessous, lambrissant artistement les quatre côtés, des dessins bizarres, des trumeaux, des cadres, des cartouches, des inscriptions singulières, des arabesques surprenantes ont mis à contribution tous les éléments osseux de la nature humaine, depuis les phalangettes jusqu'au bassin.

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Ça et là, sur des tables et étagères, sont rangés les os phénoménaux qui ont une histoire, ou qui méritent de retenir l'attention de l'anatomiste.
Nombre d'objets usuels, dans cette chambre sans pareille, sont fabriqués avec des morceaux de la charpente humaine: tabourets, cadres, étagères, pupitres, encriers et porte-plume. L'auteur de ces macabres travaux a même pour le service personnel de sa table divers objets de la même origine, parmi lesquels un porte-huilier, une corbeille à pain, une salière et particulièrement une passoire ayant pour manche un avant-bras de femme et pour fond un crâne d'homme percé de trous.
Naturellement, ce musée de démonstration possède plusieurs squelettes articulés et le conservateur n'a point voulut qu'ils restassent accrochés "bourgeoisement" contre les murs, dans des poses raides et invariables. Il leur a donné des attitudes de vie. Au milieu de la chambre, assis face à face dans des fauteuils, avec des poses pleines de naturel et légèrement abandonnées, deux squelettes ont l'air d'échanger des propos accompagnés de gestes.
D'un autre côté, accoudé sur une table, la tête inclinée, un squelette semble plongé dans la lecture. un autre regarde dans un microscope. Deux autres luttent ensemble. Il y en a un qui fait de la gymnastique à un trapèze, et un qui, avec des jumelles regarde par la fenêtre dans les jardins de l'hôpital.
Le conservateur de ce musée d'un nouveau genre a mis cinq ans pour en achever la décoration. Il y a pris d'ailleurs un tel goût, que rien autre ne l'intéresse plus. Tout son temps se passe à inventer de nouveaux motifs de décoration, et l'autre jour, il était tout heureux d'avoir ajouté à son mobilier funèbre une corbeille à papier entièrement fabriquée avec des mains entrelacées.
Le conservateur artiste couche dans le musée dont la garde lui est confiée.Son lit même est décoré avec des os. Son bougeoir nocturne et son porte-montre sont de la même fabrication. Derrière la tête du lit, le squelette d'un géant, qui mesure deux mètres et demi, une main étendue au-dessus du dormeur et l'autre brandissant un sabre, semble veiller sur lui et protéger son sommeil.

                                                                                                                  Cousin Sam.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 janvier 1905.

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