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jeudi 2 avril 2015

Les fonctionnaires comiques.

Les fonctionnaires comiques.

Les agriculteurs, les commerçants, les ouvriers, tous ceux qui alimentent le budget tempêtent contre le fonctionnarisme, tempêtent... et payent. Pour leur consolation, nous empruntons à une revue anglaise de curieux types de serviteurs de l'Etat, au pays d'Edouard VII.
En 1854, on supprima un  petit dépôt d'approvisionnement, en donnant au magasinier privé de sa charge un traitement de quatre-vingt-cinq francs par mois environ. Depuis le Colonial Office entretient sans barguigner ce serviteur de l'Etat.
Parmi les heureux mortels rentés  à ne rien faire, il faut noter encore: un citoyen qui reçoit du ministère de l'Intérieur trois mille cents francs chaque année, sous prétexte qu'il fut jadis maître d'école dans une prison, et tel polyglotte fortuné auquel le département des Affaires étrangères donne, tous les douze mois, quatre cents francs, pour avoir traduit quatre documents arabes.
John Bull se montre tout aussi généreux pour les fonctionnaires de rien. Un ancien "boueux" perçoit religieusement, à chaque veille de Noël, un chèque de cent soixante-quinze francs, parce qu'il ramassait, autrefois, la boue devant le Parlement. Il n'y a plus d'ordures, en tas, devant les Chambres anglaises; mais les "députés" n'ont pas voulu que meure d'inanition un homme qui préserva des immondices le seuil du Palais des Lois! Bien réjouissante aussi, la manière dont on traite, à Londres, les anciennes blanchisseuses des avocats de la Cour de Justice. Depuis un fort long temps, ces dames ne donnent plus leurs soins au linge de la Cour. Mais elles en ont tant lavé et remis au propre que l'on semble craindre leurs indiscrétions. Et elles partagent entre elles une pension grassouillette de deux mille cinq cents francs.

Les gros pensionnés.

Quelles récriminations n'entendrions-nous pas en France,  si M. Rouvier s'avisait de verser une pension d'un demi million à un citoyen qui n'aurait d'autre mérite que celui de succéder à son père!...
C'est pourtant ce qui vaut en Angleterre au duc de Richmond une rente de cinq cent mille francs.
Le roi Georges III offrit jadis au duc de Richmond de lui verser tous les ans la somme précitée, en remplacement de l'impôt de vingt-cinq sous par trente-six boisseaux qu'il avait droit de prélever sur tout charbon exporté de la rivière Tyne et brûlé en Angleterre. Edouard VII fait honneur aux engagements de la couronne!
En échange de droits analogues, les ducs de Grafton reçoivent aujourd'hui, une pension de cent soixante-quinze mille francs. Et notez que ces gentilshommes n'avaient pu prélever ces impôts que par faveur spéciale et privilège du roi. La nation anglaise ne leur devait pas un penny.
On comprend mieux que l'Angleterre ait voulu, par un témoignage de reconnaissance, servir une rente à Nelson, le vainqueur de Trafalgar! Les patriotes avaient songé d'abord offrir un palais d'honneur au célèbre marin. Mais le héros britannique n'avait jamais eu le courage de prendre femme. Comment condamner à vivre dans un vaste et solennel édifice un homme ne possédant aucun intérieur? La somme de deux millions cinq cents mille francs, qui devait servir à la construction du monument, fut convertie en une rente annuelle de deux cent cinquante mille francs. A la mort de l'amiral, l'aubaine échut au pasteur Nelson, qui, lui-même, la transmit à ses enfants. Aujourd'hui, la pension Nelson est versée au petit-neveu et à la petite nièce du grand homme!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 janvier 1905.

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