Mariage d'une esclave.
aux Etats-Unis.
aux Etats-Unis.
Voici une histoire, qu'entre beaucoup d'autres du même genre, Thomason, missionnaire, a dernièrement raconté à M. Bradford, dans un meeting où il était question d'esclavage.
Un jeune médecin, plein de mérite et d'instruction, fit un voyage de sa ville natale, située dans le nord des Etats-Unis, à une autre ville de l'état du Mississipi. Ce jeune homme, pour le dire en passant, s'appelait Wallis. Il prit un logement dans une maison garnie, dont la ménagère, fort jolie personne de vingt ans environ, lui inspira un amour très-vif.
Bien que le teint de la jeune femme ne fût pas du blanc le plus pur, le médecin, exempt des préjugés trop ordinaires contre la race de couleur, lui offrit bientôt sa main. On l'accepta: le mariage eut lieu presque secrètement, et l'heureux couple vint bientôt après s'établir dans le district de Colombie, non loin de Washington.
Il n'y avait pas encore longtemps qu'ils y vivaient paisibles et retirés, lorsqu'un matin un individu, qui avait toutes les manières de ce qu'on appelle gentleman, se présente chez M. Wallis sous un prétexte banal. La conversation s'engage. Alors l'inconnu adresse au docteur cette question suffisamment indiscrète:
"Monsieur, n'avez-vous pas ramené avec vous une femme du Sud?
- Non, monsieur, et je ne comprends pas....
- Comment! reprit le premier interlocuteur, et votre épouse n'est-elle pas venue avec vous du Mississipi.
- En effet, je crois qu'elle est née dans ce pays, dit M. Wallis.
- Eh bien! votre épouse, ainsi que vous la nommez, est mon esclave, et à moins que vous ne me payiez immédiatement 900 dollars (4.400 fr.) pour son rachat, je la dénoncerai comme fugitive. Elle en vaut, à la vérité 1.000 au moins; mais puisque vous l'avez épousée, je consens à rabattre quelque chose sur cette somme.
- Votre esclave! s'écria le pauvre docteur fort étonné, c'est impossible.
- Croyez-moi ou ne me croyez pas, peu m'importe, continua l'autre; il faudra que vous vous rendiez. Je vais laisser ma facture, et si dans vingt-quatre heures vous n'avez pas fait remettre l'argent à tel hôtel où je demeure, je vous promets, que le nom de mistris Wallis sera signalé dans les feuilles publiques comme celui d'une esclave en fuite."
Aussitôt que cet homme fut sorti, le docteur monta chez sa femme, que ses qualités, ses vertus et ses grâces lui rendaient si chère.
"Mon ange, lui dit-il, quand nous nous sommes mariés, vous étiez donc esclave?
- Oui, je l'étais, confessa-t-elle en versant d'abondantes larmes.
- Pourquoi donc ne me l'avez-vous point dit avant la cérémonie?
- Je n'osais. Pouvais-je espérer que vous consentiriez à vous allier à une esclave?
- C'est bien. Maintenant la vérité s'est découverte. Aussi vais-je compter les 900 dollars qu'on exige, car je vous aime trop pour jamais consentir à une séparation de vous."
Durant ce court dialogue, mistriss Wallis était en proie à la plus vive agitation. Elle pria son mari de lui dépeindre les traits et la tournure du réclamant; ce qu'il fit avec toute l'exactitude possible; puis il lui demanda si le signalement répondait effectivement à celui de son ancien maître.
" Oui, dit-elle en baissant les yeux. Il était même plus que mon maître, il était mon père."
Le Magasin universel, décembre 1836.
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