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mardi 15 mars 2016

Commerce de Syngapore.

Commerce de Syngapore.

Syngapore est une des plus intéressantes colonies qui se présentent dans toute l'histoire du commerce.
C'est une île qui a trente miles de longueur sur quinze de largeur, située presque sous l'équateur, et à l'extrémité est (en entrant dans la mer de Chine) d'une détroit de cinq cents miles de longueurs, qui sépare la grande île de Sumatra de l'extrémité méridionale du continent d'Asie. Syngapore n'est qu'une des soixante-dix à quatre-vingts îles qui sont dans ces mêmes parages, et pour la plupart inhabitées et couvertes de forêts vierges jusqu'aux bords de la la mer.
Il y a seize ans, elle ne contenait que quelques pirates vagabonds de Malayan, qui campaient momentanément sur ses bords, plutôt qu'ils ne l'habitaient. Pendant les dix premières années de l'occupation anglaise, sa population excéda 12.000 habitans, et, sous les sept années qui viennent de s'écouler, elle s'est doublée et s'élève aujourd'hui à 25.000 . Il y a seize ans qu'elle n'avait aucun commerce, à moins qu'on ne veuille donner ce nom au misérable pillage d'une poignée de pirates.
Dans cette dernière période de sept années, ses exportations et importations ont quelquefois atteint la somme de deux millions sterling chacune (fr. 50.000.000), et n'ont jamais été au dessous d'un million et demi. Ainsi, en moins de seize ans, ce point, sorti de l'Océan et des forêts, est devenu l'un des principaux ports de l'Orient, comme il est en même temps, et de beaucoup plus, le plus actif et le plus entreprenant dans les vastes possessions anglaises de l'Inde. Cela provient en grande partie d'une position géographique très-avantageuse, mais surtout d'une entière liberté de commerce qui l'exempte de tous droits et même de toute espèce de contrôle. Syngapore se trouve sur la grande route de communication maritime existant entre la Perse, l'Arabie et l'Indostan d'un côté, et les îles indiennes, Siam, Tonquin, l'Australie et les côtes orientales de l'Amérique de l'autre.
En allant d'un de ces point à l'autre, on navigue en grande partie dans les eaux de Syngapore qu'il faut traverser comme la barrière d'une grande route. Son commerce se multiplie par la diversité des nations et des tribus dont se compose sa population, ou par les marchands étrangers et les marins qui fréquentent son port. On y parle trois dialectes chinois, trois des langues de l'Archipel indien, et trois de celles de l'Indostan, tant par les résidens que par la population flottante, sans compter l'usage fréquent des langues anglaise, portugaise et arabe.
Sous ce rapport, Moscou même ne surpasse pas Syngapore. On remarque par conséquent, la même variété dans les nombreux navires que renferme son vaste port. Là, on voit de tout, depuis le navire solide, bien armé, fin voilier d'Angleterre, qui vient de faire près de vingt mille lieues sur l'Océan, jusqu'à la lourde jonque chinoise qui, ayant enfin réussi à tourner sa proue du bon côté, est descendue par la mousson sans changer la barre, et le frêle canot du Malais qui, tout frêle qu'il est, a apporté des oiseaux de paradis, de la poudre d'or et des nids d'oiseaux de la Nouvelle-Guinée, à une distance de deux cents milles.
On peut y voir, au moins, de ces constructions de navires ou embarcations différentes, l'une à côté de l'autre, et chacune d'elle toute particulière à la nation ou à la tribu à laquelle elle appartient, et qui indique à un certain degré caractéristique l'état de la civilisation. On peut assurer que le commerce tant vanté de Tyr, Sidon et Carthage, n'était rien en comparaison de cette place sur laquelle, il y a à peine dix-huit ans, aucun Européen n'avait encore marché.

                                                                                  (Spectator, Extrait du bon sens.)

Le Magasin universel, octobre 1836.

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