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mardi 29 mars 2016

La sécheresse de l'année 1906.

La sécheresse de l'année 1906.


Dans presque toute la France, l'année 1906, a été remarquable par la persistance du beau temps, par la rareté des pluies, par des chaleurs excessives et prolongées. Elle sera surtout mémorable grâce à une sécheresse dont la durée et l'intensité ont varié avec les localités ainsi qu'avec les époques, mais qui a néanmoins présenté un caractère général, et qui a eu, en bien des régions, des conséquences désastreuses.
Dans le Nord, dans l'Est et même dans l'Ouest, des averses plus fréquentes qu'ailleurs sinon plus copieuses, l'ont atténué à diverses reprises; mais dans le Centre et dans le Midi, elle a pris une gravité tout à fait exceptionnelle.
C'est principalement depuis la fin de mai jusqu'au commencement d'octobre qu'elle s'est accentuée partout. nous donnons ci-dessous un diagramme dans lequel les traits verticaux indiquent les dates et les valeurs des pluies constatées, depuis le 1er avril jusqu'au 30 novembre, dans quatorze stations du Service météorologique international.



Ce diagramme permet donc d'apprécier l'importance de la sécheresse dans les diverses parties du territoire. Il met en outre en évidence, parmi beaucoup d'autres particularités:
1° la sécheresse extrême de juin qui n'a pu fournir un peu de pluie que dans le nord et le nord-ouest de la France.
2° pour le littoral de la Méditerranée la sécheresse de mai-juin-juillet-août-septembre, qui aurait été presque absolue sans les pluies du commencement de juillet.
3° la simultanéité des averses, dans la plupart des stations, au commencement et à la fin de juillet, ainsi que vers le milieu du mois d'août, de septembre et d'octobre.
Les plus longues périodes sans pluie ont atteint: 
- 36 jours à Clermont-Ferrand (24 mai-29 juin)
- 47 jours à Perpignan (16 mai-2 juillet)
- 50 jours à Lyon (15 mai-4 juillet)
- 59 jours à Marseille (14 août-12 octobre)
- 72 jours à Toulouse (24 août-11 octobre)
- 75 jours à Nice (6 juillet-19 septembre)
Si l'on ne tenait pas compte de 32 millimètres d'eau pluviale tombée à Marseille le 14 août, de 4 millimètres tombés à Perpignan les 15 août et  17 septembre, on trouverait que le manque de pluie a duré 89 jours à Marseille (15 juillet-12 octobre) et 99 jours à Perpignan (7 juillet-14 octobre)
Lorsqu'on considère la période de huit mois qui s'étend du 1er avril au 30 novembre, c'est à dire celle que représente notre diagramme, les quatorze stations se rangent, en commençant par celle qui a reçu le moins de pluie, dans l'ordre suivant:





Si l'on s'en tient aux quatre mois juin-juillet-août-septembre, qui comprennent la sécheresse la plus forte et la plus générale, on obtient un ordre un peu différent:




Dans les deux cas, c'est Clermont d'abord, et ensuite surtout les stations du Midi qui ont reçu le moins de pluie, tandis que ce sont les régions de Besançon, Limoges et Dunkerque qui en ont recueilli le plus. Ce résultat, qui place Clermont en première ligne pour le minimum de pluie, paraît surprenant quand on le rapproche du précédent qui attribue aux stations du Midi le plus grand nombre de jours sans pluie. L'anomalie semble s'accentuer encore quand on remarque que Nice occupe le 10e et le 12e rang. Cela tient simplement à ce qu'en juillet, en octobre et même en août pour Marseille,  les averses ont été, vers les côtes de la Méditerranée, beaucoup plus abondantes qu'ailleurs et surtout qu'à Clermont.
A ce sujet, il convient de remarquer que, si les conditions météorologiques de l'année 1906 ont en général diminué la fréquence et même l'intensité des pluies, elles ont, au contraire, à certaines époques, favorisé d'une manière extraordinaire la production de copieuses averses. on peut en juger par la liste ci-dessous des averses qui ont fourni une couche d'eau de 30 millimètres au moins:




Dans quelques régions, ces pluies abondantes ont ramené à sa valeur normale la quantité annuelle d'eau pluviale. Malheureusement elles n'ont pas suffi, au point de vue agricole, pour remédier au mal qu'occasionne toujours une trop longue sécheresse. C'est qu'en agriculture, l'opportunité des pluies joue un rôle capital, et qu'il ne faut pas attendre ces pluies bien longtemps pour que les compensations ne soient plus possibles.
D'ailleurs les mauvais effets de la sécheresse du sol, de l'abaissement des nappes d'eau souterraine, du tarissement des sources et des ruisseaux, ont encore été augmentés par des chaleurs fortes et prolongées, par une radiation solaire très vive et par un dessèchement extrême de l'air. Aussi, toutes les plantes culturales, sauf la vigne, ont énormément souffert et n'ont produit que des récoltes inférieures en qualité et en quantité.
Sous le rapport météorologique, ces faits ont coïncidé avec la persistance presque constante de basses pressions atmosphériques sur la Méditerranée occidentale, et de fortes pressions dans le nord-ouest de l'Europe. En France, les moyennes barométriques relatives aux six mois de sécheresse fournissent une pression de 761 millimètres pour la Provence, et une pression de 765 millimètres pour nos côtes de la Manche. Ce sont bien là, pour notre pays, les conditions ordinaires du temps beau, chaud et sec, mais il est extrêmement rare qu'elles durent aussi longtemps qu'en 1906.

                                                                                                              J.-R. Plumandon.
                                                                                      Météorologiste à l'Observatoire du Puy de Dôme.

La Nature, deuxième semestre 1907.

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