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mercredi 9 mars 2016

Les Albanais.

Les Albanais.

L'Albanie, située dans le nord-ouest de la Turquie d'Europe, comprend l'Epire ancienne et l'Illyrie de la Grèce. Les voyageurs décrivent avec enthousiasme les beautés de la nature dans cette contrée, que plusieurs comparent à la Suisse. L'Epire, dit M. Pouqueville, est une miniature des régions alpines, et un abrégé de tous les climats.
La population de l'Albanie s'élève à 780.000 âmes; mais dans ce nombre, on compte beaucoup de Turcs, de Grecs, de Serviens et de Juifs. Le pays se divise en pachaliks, dont les trois principaux sont ceux de Janina, d'Albessan et de Scutari. Lord Byron a consacré à l'Albanie plusieurs belles strophes du poëme  de Child Harold. Dans sa correspondance, il parle avec éloge de la beauté des femmes albanaises et de la bravoure des hommes.
"Les Albanais, dit-il, (je veux parler ici des montagnards, et non de ceux qui cultivent la terre dans les provinces) ont en général très bonne mine. Nous avons trouvé, entre Delvinachi et Libochabo, les plus belles femmes que j'ai jamais vues pour la taille ou pour la figure. Elles étaient occupées à réparer un chemin qui avait été dégradé par les torrents.
La démarche des Albanais est tout-à-fait théâtrale. Leur longue chevelure fait penser aux Spartiates, et l'on ne peut se faire une idée du courage qu'ils déploient dans les guerres de partisans."




Il écrivait encore, le 15 octobre 1809, à sa mère:
"J'aime beaucoup les Albanais; ils ne sont pas tous Turcs; il y a même quelques tribus chrétiennes; mais leur religion ne fait pas grande différence dans leurs mœurs et leur façon de vivre; ce sont les meilleurs troupes de l'armée turque. Dans mon voyage, j'ai passé une fois deux jours, et ensuite trois, dans une caserne, à Salone, et n'ai jamais trouvé de soldats aussi supportables, quoique j'ai été dans les garnisons de Malte et de Gibraltar, et bien que j'ai vu bon nombre de troupes françaises, espagnoles, siciliennes et anglaises. On ne m'a rien volé, et j'ai toujours été bien venu à partager leurs provisions et leur lait. Il n'y a pas une semaine qu'un chef albanais (chaque village a son chef appelé primat) après nous avoir tiré de la galère turque en détresse, nous nourrit et logea, moi et ma suite, sans vouloir accepter d'autre indemnité qu'un écrit constatant que j'avais été bien reçu; et comme je le pressais de prendre au moins quelques sequins: - Non, me dit-il, je désire que vous m'aimiez, non que vous me payiez."
Vers le milieu de novembre, Byron traversa l'Acarnanie et l'Etolie avec une escorte de cinquante Albanais. A Utraikey, petit village au fond des baies du golfe de l'Arta, il fit une halte de nuit qu'il a décrite en ces termes:
"Le soir, les portes du village ayant été fermées, on s'occupa des préparatifs du souper de nos Albanais. Une chèvre fut tuée et rôtie toute entière; quatre feux furent allumés, autour desquels les soldats s'assirent par groupe. Après avoir long-temps bu et mangé, la plupart s'assemblèrent autour du feu le plus considérable, et tandis que nous et les plus âgés restions assis, ils se donnèrent la main, et dansèrent autour des flammes au bruit de leurs propres chansons, et avec une étonnante énergie. Le sujet de ces chants était toujours les exploits des Klephtes (guerrier réfugiés dans la montagne pour échapper à la domination des Turcs). Il y en eut un qui dura plus d'une heure; il commençait ainsi: "Quand nous partîmes de Parga, nous étions soixante!" puis venait le refrain

Tous Klephtes à Parga!
Tous Klephtes à Parga!

Et lorsqu'ils entonnaient cette strophe de toute la force de leurs poumons, ils tournaient rapidement autour du feu, tombaient sur leurs genoux, se relevaient, et recommençaient à tourner en répétant en chœur le refrain. Le bruissement des vagues sur les cailloux du rivage où nous étions assis remplissait les intervalles du chant d'une musique plus douce et non moins monotone. La nuit était très sombre; mais aux éclats que jetait la flamme, nous apercevions les bois, les rochers, le lac; et l'aspect sauvage des danseurs prêtait au site, à demi voilé dans l'ombre, quelque chose d'étrange et de mystérieux." (Trad. de madame Louise Sw-Belloc.)
Au reste, la bonne opinion que Lord Byron conçut tout d'abord pour les Albanais, quoique les voyageurs les accusent presque tous de brigandage et de perfidie, venait peut-être de la ressemblance qu'il remarqua entre eux et les Highlanders de l'Ecosse; leurs vêtements, leur manière de vivre, sont à peu près les mêmes. Ils portent comme eux un jupon, le kilt, mais il est blanc. Les montagnes de l'Albanie ne diffèrent pas sensiblement de celles de la Calédonie: seulement le climat est beaucoup plus doux.

Le Magasin pittoresque, avril 1838.

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