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vendredi 13 novembre 2015

Lettre intime de Gambetta.

Lettre intime de Gambetta.

A madame Gambetta mère.


                                      1er janvier 1863.

Que puis-je te dire  à toi, ma douce mère, pour rendre ce que j'ai au fond de l'âme? Quelle langue peut traduire et ma reconnaissance et mon amour? n'es-tu pas la plus courageuse des mères et la plus dévouée des femmes? Ne dois-je pas être le plus aimant, le plus respectueux et le plus fier des fils d'avoir une telle mère?
- Vrai, je ne puis rien trouver qui te puisse redire et exprimer ce que je ressens; c'est mon âme, c'est mon cœur qu'il faudrait plier dans cette lettre pour te l'envoyer; seuls ils pourraient se comprendre et s'expliquer avec toi.
Quant à des vœux, des souhaits, des aspirations, pouvons-nous en faire l'un pour l'autre que nous n'ayons sentis à l'avance dans chacun de nous? Puis-je te désirer quelque bonheur qui ne soit le mien propre? Hélas! non, tout est commun entre nous, ou, pour mieux dire, tout est un. Nous sommes là même personne vue de deux points de vue différents. Toi m'ayant fait, moi devant te prolonger ta vie à force de caresses, de dévouement et de satisfaction. Le repos que tu as tant mérité, je te le ferais un jour glorieux, joyeux, complet.
Nous ne pouvons nous crier tout deux que ce seul mot: "Courage!". Le but est voisin. Attends encore quelque peu, ma douce, ma chère maman; le sort, nous finirons par l'atteindre et, alors, je pourrai tout mettre à tes pieds en te disant, avec les larmes de la joie et de l'orgueil:
- Mère, voici ton oeuvre.
Tu le vois, tous mes vœux sont les tiens; le fils se perd dans la mère et n'a qu'un regret, mais bien poignant, bien triste: celui de ne pouvoir l'embrasser sur les deux joues à mille reprises. Oh! les distances, c'est affreux!

                                                                                                                    Léon Gambetta.

Les Annales politiques et littéraires, Revue universelle paraissant le dimanche, 6 janvier 1907.

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